NUCLÉAIRE ET ENVIRONNEMENT

)

Par Jacques FROT*

1. Quelle quantité d’énergie?

2. Quelles énergies ?

3. A quels coûts ?

4. Quels impacts ?

            a. Encombrement énergétique

b. L’Effet de serre

c. Les déchets

.d La radioactivité

e Les accidents

f La prolifération nucléaire

5. Conclusions

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Ce sujet ne peut être traité dans l’absolu tant il est vrai que l’énergie nucléaire n’est qu’un choix parmi d’autres. On n’échappera donc pas à évoquer les autres sources d’énergie.

Quant au terme Environnement il sera pris dans son sens le plus large, englobant donc non seulement l’écologie mais aussi les aspects économiques, de durabilité et militaire. Toutefois, fidèle au titre, ce coup d’œil portera principalement sur l’énergie nucléaire et l’écologie.

Les points suivants vont être abordés: (1) Quelle quantité d’énergie? (2) Quelles énergies? (3) A quels coûts? (4) Quels impacts sur l’écologie?

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1. QUELLE QUANTITE D’ENERGIE?

NB: Le pétrole étant la principale source d’énergie (40% du bilan mondial) les quantités d’énergie sont exprimées en tonnes équivalent pétrole ou tep. Le préfixe G (giga) signifie milliard. 1 Gtep = 1 milliard de tonnes équivalent pétrole.

La consommation mondiale d’énergie est 10 Gtep / an: environ 100 fois plus qu’il y a 200 ans (Diapo 1-03-02). La disparité entre les riches, gros consommateurs, et les pauvres (Pays en voie de développement: PVD), avides de l’énergie qu’ils n’ont pas (Diapos 1-04),  est considérable et porteuse de conflits de dimension mondiale. Ce fossé, qui n’a jusqu’ici fait que se creuser, devra être comblé. L’enrichissement des pauvres est la solution nécessaire car l’hypothèse d’appauvrissement des riches n’est pas crédible : il faut espérer pour les pauvres un développement plus rapide que pour les riches. Or les deux siècles passés montrent que le développement implique la consommation d’énergie. C’est ce qui, ajouté à l’accroissement de la population mondiale (elle a plus que doublé dans la seconde moitié du 20ème siècle), conduit les experts à prévoir un doublement, voire un triplement de la consommation d’énergie dans les 50 ou 100 prochaines années (Diapo 1-05).

Il existe cependant des signaux modérateurs: la population mondiale croît moins vite (Diapo S-15-3) du fait de la baisse rapide de fécondité des femmes asiatiques et africaines; d’autre part un gisement considérable d’économies d’énergie (quelques dizaines de %) existe dans les pays riches: ils peuvent et doivent maintenant consommer beaucoup mieux après s’être développés dans un contexte de gaspillage encouragé par une énergie très (trop) bon marché. Des progrès en ce sens -moins d’énergie pour chaque unité de PIB- ont déjà été accomplis dans les pays de l’OCDE et même en Chine. Les pays riches seraient bien inspirés d’aider les PVD à développer, sans attendre, une culture de non-gaspillage, c’est à dire de bonne « Efficacité énergétique » (Diapo 1-20). Il semble, à ce propos, que, à partir d’un niveau même encore modeste de consommation d’énergie, le développement de cette consommation n’accroisse pas l’espérance de vie de façon significative (Diapo 1-20-3). De grandes économies d’énergie -près de la moitié- pourraient être réalisées, en particulier dans l’habitat et dans les transports dans les pays de l’OCDE (Diapo 1-20-2). Elles supposeraient non pas des sacrifices sur la qualité de vie mais des changements d’habitudes et de comportements, voire de culture...ce qui ne peut se faire qu’au rythme des générations. Ce sera long et, à court et moyen terme, paradoxalement cher avant que l’énergie que l’on ne consommera pas devienne quasiment gratuite. Un exemple simple néanmoins : une ampoule de 100 Watts qui brûle inutilement dans chacun des 20 millions de foyers français consomme la production de 2 réacteurs de 1000 MW chacun.

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2. QUELLES ENERGIES ?

Aujourd’hui 90% de la consommation mondiale « comptable » viennent des énergies fossiles carbonées: pétrole, charbon et gaz naturel. Le solde est constitué d’énergie nucléaire (7%) et d’électricité hydraulique 3%. Le complément extra-comptable, estimé à 1 Gtep environ, est essentiellement du bois de chauffe consommé pour une grande part dans les PVD.

Les énergies fossiles carbonées ne sont pas inépuisables: les réserves prouvées s’expriment en décennies pour le pétrole et le gaz, en siècles pour le charbon (Diapo 2-08). Et chaque année, selon les experts, au rythme actuel de consommation les hommes dévorent les ressources fossiles carbonées que la nature a fabriqué en 2 millions d’années.

Si le charbon est bien réparti sur la planète, le pétrole, lui, est concentré au Moyen Orient, région instable, et en ex URSS. Au rythme actuel de la consommation et des découvertes, dans 20 ou 30 ans, l’Arabie Saoudite, le Kuweit, l’Iran et l’Irak détiendront 80% des réserves prouvées de pétrole (aujourd’hui 60%). Depuis 20 ans on découvre moins de nouveau pétrole que le monde n’en consomme. Et si, malgré tout, les réserves prouvées de pétrole demeurent au niveau de quelque 40 années de consommation (au rythme actuel) c’est grâce à de meilleures évaluations des champs et à de meilleures techniques d’épuisement. Les ressources de l’off shore profond et celles de pétroles très lourds, dits non conventionnels, que l’on sait maintenant exploiter dans de bonnes conditions économiques, ne changent pas plus la donne que les vains espoirs -même en y mettant le prix fort- de nouvelles découvertes fabuleuses  (Diapos 2-08-1 et 2-08-2). Les possibilités de développement des réserves de gaz naturel sont plus limitées car les espoirs d’amélioration des techniques d’épuisement y sont beaucoup plus modestes que pour le pétrole.

Quant aux réserves de combustible fissile -l’uranium- elles dépendent largement du prix que l’on est disposé à payer pour les atteindre. L’uranium naturel -0,7% de 235U fissile et 99,3% de 238U « fertile » c’est à dire devenant fissile sous forme de plutonium- est présent partout sur notre planète à raison de 3 g/t de croûte terrestre en moyenne: cette teneur est très variable et peut atteindre plusieurs centaines de kg/t dans les minerais les plus riches (par exemple Cigar Lake au Canada); l’eau de mer elle aussi, à raison de 3mg/M3, est un minerai d’uranium certes très pauvre.

Au total notre globe recèle des milliers de milliards de tonnes d’uranium. Certes tout, à beaucoup près, n’est pas accessible de façon économique. Mais nous verrons au § 3 que le coût du minerai intervient pour très peu dans le prix de revient du kWh nucléaire. Une multiplication par 4 de ce coût d’accès au minerai permettrait d’en développer très largement les ressources et n’aurait pas plus d’impact sur le coût du kWh nucléaire qu’une variation -couramment hebdomadaire- de 3 $/baril du prix du pétrole sur le coût du kWh pétrolier. Il n’est pas exclu que les minerais d’uranium pauvres deviennent économiquement attrayant lorsque les prix des sources alternatives d’énergie telles que pétrole et gaz naturel auront « flambé » ce qui ne manquera pas de se produire dans les prochaines décennies voire dans les prochaines années. Ceci étant, il n’est pas déraisonnable de penser -mais cela est spéculatif- que les réserves d’uranium, bien utilisées dans des réacteurs à neutrons rapides (nous y reviendrons plus loin § 4 a), couvriront les besoins des hommes sur des millénaires: compte tenu du fait que le thorium (fertile en uranium 233) est encore 3 fois plus abondant que l’uranium, on peut même spéculer sur la disparition de l’espèce humaine avant qu’elle n’ait épuisé les ressources naturelles de combustibles nucléaires fissile (235 U) et fertiles (238 U et 232 Th).

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Il faut noter enfin que les ressources fossiles carbonées (pétrole, gaz naturel et charbon) se prêtent à de multiples usages: production de chaleur et d’électricité bien sûr mais également transports et chimie. Ceci au contraire des autres sources d’énergie qui ne peuvent guère faire que de l’électricité et de la chaleur (nucléaire, soleil et géothermie), voire de l’électricité seulement (vent et hydraulique) (Diapo 1-18-2) . Bien sûr la part du nucléaire dans les transports maritimes, aujourd’hui centrée sur les sous-marins, les porte-avions et les brise-glace pourra largement se développer sur la marine marchande.

Il serait donc sage de réserver les énergies fossiles carbonées, dont les réserves sont modestes, aux missions qu’elles sont seules à pouvoir accomplir et ne pas les gaspiller dans des tâches « subalternes » telles que production de chaleur ou d’électricité, tâches que l’on peut confier à d’autres sources d’énergie beaucoup plus abondantes.

Une remarque particulière pour le pétrole: il est la seule source d’énergie qui soit à la fois concentrée (plus encore que le charbon) et disponible sous forme liquide à la pression atmosphérique donc facilement transportable, beaucoup plus facilement et de façon moins coûteuse que le gaz ou le charbon .

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3. A QUELS COÛTS ?

Le prix mondial du pétrole, quelque 25 $/baril au printemps 2002, est extrêmement volatil: ne fut-il pas multiplié par plus de 3 en 18 mois (1998-99) passant de moins de 10$ à plus de 30! En 1973 déjà, après quelques décennies au niveau de 2$/baril, il fut en quelques jours plus que quadruplé, explosant soudain à 9$. En 1979, à la faveur d’un accident dans la centrale nucléaire américaine de Three Mile Island (T.M.I.), accident non meurtrier mais magistralement exploité par des médias marchands de peur, suivi peu de temps après de la guerre Iran-Irak, le prix du pétrole s’envola à nouveau jusqu’à un maximum de 41 $/baril engendrant une nouvelle secousse économique planétaire. Cette volatilité des prix pétroliers crée des dangers économiques, donc sociaux et peut conduire à des conflits armés.

Le gaz naturel, dont le prix suit celui du pétrole avec une hystérésis de quelques mois, crée les mêmes incertitudes et dangers économiques donc sociaux et militaires.

C’est ainsi que les 2/3 de l’énergie mondiale sont sujets à des variations de prix erratiques et parfois explosives nullement maîtrisables par les pays importateurs: lourde menace pour ceux des gros consommateurs qui n’ont pas de ressources fossiles carbonées sur leur sol. C’est cette insupportable vulnérabilité qui conduisit la France, en 1974, juste après la première crise pétrolière, à se soucier de son indépendance énergétique (Diapo 2-29) et à développer en conséquence son parc de réacteurs nucléaires. L’indépendance énergétique de la France est aujourd’hui voisine de 50%: elle ne serait guère que de 20% sans le nucléaire.

Puisque le nucléaire, principal objet de cette réflexion, est aujourd’hui essentiellement un producteur d’électricité (il saura également être producteur de chaleur, d’hydrogène et d’eau douce), il est utile de comparer les coûts de production du kWh électrique à partir des principales sources d’énergie (Diapo 1-24). On voit que les coûts des kWh nucléaire, charbonnier et gazier sont « dans un mouchoir de poche »; que les kWh pétrole et éolien sont chers; et que le kWh solaire photovoltaïque est 10 fois plus cher. Mais il apparaît également que le prix du combustible « pèse » lourd dans le coût du kWh gaz et bien peu dans celui du kWh nucléaire. Si l’on ajoute à cela, pour

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le cas d’un pays comme la France, que le gaz -comme le pétrole d’ailleurs- y est importé en $ alors que le coût du combustible nucléaire est dépensé pour 80% (1)  en monnaie nationale, sur notre sol donc en procurant du travail aux français, alors la stabilité du coût du kWh nucléaire en fait sans conteste, pour le présent mais plus encore pour l’avenir, la source d’électricité la moins chère, tout au moins dans notre pays sur lequel nous avons fait porter notre comparaison.

Il faut cependant préciser que les coûts analysés ici n’incluent pas les coûts de transport de l’électricité qui, dans certains cas, peuvent complètement changer la donne: nous y reviendrons au § 4b.

Les modestes capacités de financement des PVD dirigent ces pays vers l’électricité charbonnière, car le poste investissement du nucléaire pèse trop lourd. Par ailleurs le charbon est bien réparti sur la planète et son exploitation est assurée, dans ces pays, par une main d’œuvre généralement peu coûteuse car mal rémunérée.

Aux coûts comptables étudiés ci-dessus, dits «  coûts internes », toute étude environnementale se doit d’ajouter les coûts sanitaires et environnementaux associés aux consommations d’énergie. La Commission Européenne a donc décidé, en 1995, de s’attaquer à ce vaste et difficile problème: elle a créé, dans ce but, un groupe d’étude composé d’experts des 15 pays de la Communauté Européenne, experts indépendants des lobbies énergétiques, réels ou prétendus; des experts américains se sont associés à leurs travaux. Ce projet dit « ExternE » a débouché, en 1998, sur un rapport dans lequel sont évalués ces coûts sanitaires et environnementaux (Diapo 1-25). Il est vraisemblable que, dans les années qui viennent, sous une forme ou sous une autre, les préoccupations environnementales et, en particulier, celles associées au risque de changement climatique (voir § 4b), conduiront à des accords internationaux destinés à intégrer ces coûts externes dans les prix de revient des kWh de sources diverses.

La somme des traditionnels coûts comptables et des « coûts externes  » montre à l’évidence la compétitivité du kWh nucléaire (Diapo 1-24-1). Il est même compétitif avec un charbon ou un pétrole voire un gaz naturel gratuits...qui n’en prennent pas le chemin !!

Près de 80% de l’électricité produite en France, pays le plus nucléarisé du monde, l’est par ses  58 réacteurs nucléaires. En 2000 les exportations induites par les activités nucléaires françaises (électricité, combustibles nucléaires, matériels, technologie...) ont représenté une valeur équivalente à l’excédent de sa balance commerciale (Diapo 1-29). C’est dire que, sans l’électronucléaire, la balance commerciale de la France serait nulle ou négative.

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(1) le minerai d’uranium est actuellement importé par la France; son coût représente environ 20% du coût du combustible prêt à l’emploi. La fabrication du combustible, exécutée sur le sol français, en constitue le solde soit 80%.

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4. QUELS IMPACTS ?

Après ce panorama général, venons en aux impacts environnementaux associés aux énergies en général et, plus particulièrement, à l’électricité nucléaire. Nous nous pencherons sur les 6 impacts qui nous semblent majeurs: (a) l’encombrement énergétique, (b) l’effet de serre, (c) les déchets, (d) la radioactivité, (e) les accidents, (f) la prolifération nucléaire.

4a Encombrement énergétique

 En terme de masses de combustible (Diapo 1-31), avec la même masse on peut fabriquer de 10000 à 1 million de fois plus de kWh si l’on utilise la matière fissile au lieu des combustibles fossiles carbonés. A titre de comparaison, une centrale au fuel de 1000 MW dévore la cargaison de 1 ERIKA par semaine (lorsque le bateau arrive à bon port en bon état); un réacteur nucléaire de même puissance se contentera de quelques camions par an, y compris le retour du combustible usagé (on dit « irradié ») vers l’usine de retraitement. Autre exemple: le développement industriel de l’Inde (1 milliard d’habitants) conduit ce pays à accroître sa consommation charbonnière annuelle d’une quantité voisine de 20% de la consommation mondiale de charbon. L’Inde aimerait faire mieux c’est à dire aller plus vite: elle ne le peut faute d’infrastructures de transport, ferroviaires en particulier, suffisantes.

La quasi totalité des réacteurs de puissance actuellement exploités dans le monde sont des réacteurs dits « à neutrons thermiques » c’est à dire à neutrons ralentis. Ils n’utilisent qu’une petite partie, de l’ordre de 1 à 2%, du potentiel énergétique de l’uranium.

Au contraire les réacteurs dits « à neutrons rapides ou RNR », par exemple Phénix, réacteur français, BN 600, réacteur russe, Monju (Japon: en cours de développement), Superphénix, malheureusement abandonné, peuvent utiliser la totalité de ce potentiel énergétique. Avec les RNR, 1 g d’uranium, devenu 1g de plutonium, a le même potentiel énergétique que 1 tonne de pétrole: 1g Pu = 1tep. L’Inde, aujourd’hui déjà consciente du caractère incontournable de l’énergie nucléaire dans l’immédiat et de la filière « rapide » (les RNR) dans un futur proche, développe depuis plusieurs années un réacteur de ce type : jusqu’en 1997 dans le sillage des français et, depuis l’abandon de Superphénix par la France, dans les sillages des Japonais et des Russes. Elle a décidé en 2002 la construction d’un réacteur de type RNR de 500 MWe.

En terme de surface occupée par les outils de production (Diapo 1-31-2): les énergies douces, c’est-à-dire diluées, que sont l’éolien et le soleil demandent de l’ordre de 1000 fois plus de place que les énergies traditionnelles fossiles carbonées et nucléaire. Quant à l’électricité hydraulique elle dévore également l’espace par ses lacs de retenue. La question de l’encombrement spatial est moins préoccupante dans les pays ou régions à population très disséminée et peu dense (certains PVD et de nombreuses îles y compris des îles territoires de pays développés): elle n’est alors pas un obstacle significatif à l’installation d’éoliennes ou de barrages. Mais les déplacements de populations qu’implique souvent la construction d’un barrage peuvent rendre la solution hydraulique très coûteuse socialement, en argent ou en bien-être perdu.

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4b. L’Effet de serre

L’effet de serre atmosphérique est un phénomène naturel créé par la vapeur d’eau présente dans l’air. Pour être en équilibre thermique, c’est-à-dire jouir d’une température stable, tout corps ou tout lieu doit restituer autant d’énergie qu’il en reçoit. L’énergie thermique, reçue du soleil par notre planète sous forme de rayons dans les longueurs d’onde du visible, est restituée vers l’espace sous forme de rayons infra-rouges. La vapeur d’eau hébergée par l’atmosphère freine ces infra-rouges dans leur trajet de retour vers l’espace: d’où la création d’un mécanisme de « forçage radiatif » qui ne peut apparaître que par une élévation de température (Diapo S-04). C’est le même mécanisme que dans les serres à végétaux ou, par beau temps froid et sec, dans les habitations généreusement exposées au sud. Au contraire il fait froid en altitude car l’air raréfié contient peu de vapeur d’eau; froid ou frais également la nuit dans les déserts car l’atmosphère y est très sèche et ne retient donc guère les rayons infra-rouges dans leur retour vers l’espace. Pour la même raison, sous nos latitudes, le froid hivernal est plus vif par temps clair (Diapo S-06). Grâce à l’effet de serre la température moyenne qui règne sur la terre est 15°c: sans lui elle serait de -18°c. Pire: le blanc glacé qui recouvrirait alors une grande partie de la terre -se substituant au vert des forêts et des campagnes- augmenterait la réflexion vers l’espace (phénomène dit d’albédo) et ferait descendre la température au voisinage de -50°c.

L’effet de serre est donc une bénédiction. Ce qui pose problème c’est l’accroissement de l’effet de serre dû aux gaz à effet de serre G.E.S. qu’engendrent les activités humaines: gaz carbonique CO2 et méthane CH4 principalement, oxydes d’azote NOx à un moindre degré  (Diapo S-08). Le CO2 anthropique, principal responsable de l’accroissement de l’effet de serre, provient à peu près exclusivement des combustibles fossiles carbonés: charbon (près de 100% de carbone C), pétrole (95% poids de C) et gaz naturel (= méthane CH4, 75% poids de C). Ils ont fait croître d’un tiers la teneur de l’atmosphère en CO2 depuis 1750, aube de l’ère industrielle (Diapo 1-47). Le doublement, au cours du 21ème siècle, par rapport à la teneur actuelle est probable et très inquiétant.

Quant au CH4 il provient de l’agriculture (rizières surtout) et des fuites sur les gazoducs de l’ex URSS. Le développement rapide de la consommation charbonnière des PVD -on ne peut le leur reprocher, chacun son tour- est une sérieuse menace pour l’avenir du climat.

Le CO2 et le CH4 qui proviennent des activités humaines semblent responsables d’un accroissement de température moyenne du globe terrestre de 0,6°c au cours du 20ème siècle. Cet accroissement pourrait être de plusieurs °c d’ici 2100, entraîner une hausse significative (plusieurs dizaines de centimètres) du niveau des mers par fonte des glaciers et calottes glaciaires et, bien plus encore, par l’expansion thermique des eaux marines: ceci peut être catastrophique, voire cataclysmique pour les très nombreuses populations qui vivent en bord de mer dans des régions plates donc vulnérables aux raz de marée.

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Cet aspect du problème demeure cependant riche en inconnues: car les océans ont un impact déterminant sur le climat. Or, autant la dispersion des G.E.S dans l’atmosphère est rapide et conduit à une homogénéité en quelques semaines, autant, au contraire, la viscosité de l’eau, bien plus grande que celle de l’air, l’absence de brassage en dessous de -100 m (alors que la profondeur moyenne des océans est de 3300m) et l’inertie thermique des océans, 1000 fois plus grande que celle de l’atmosphère, font que les impacts climatiques des milliards de tonnes de CO2 dispersés chaque année dans les airs et qui, pour la moitié, y séjournent une centaine d’années, n’apparaîtront qu’au fil des siècles, voire des millénaires . « Le coup est tiré », le futur du climat est écrit mais inconnu, il est irréversible: ce n’est pas une raison pour ne pas s’attacher à « rectifier le tir ». D’autant que le rythme des changements climatiques, rythme qui semble devoir déborder les capacités d’adaptation des écosystèmes et des hommes, est plus préoccupant encore que l’ampleur des changements proprement dits.

La relation de cause à effet entre les émissions de G.E.S et l’élévation de température (Diapo S-23), source de changements climatiques, fut établie grâce à des carottages glaciaires et sédimentaires: elle est presque universellement admise maintenant par les climatologues. Les preuves définitives, au sens scientifique du terme, ne sont pas parfaitement acquises (d’où quelques contestations rémanentes sur la précision des mesures, voire sur le sérieux de leurs interprétations) mais les présomptions sont suffisamment fortes et la menace suffisamment sévère pour que les hommes se comportent désormais comme s’il y avait preuve absolue et appliquent donc le Principe de Précaution et le Principe de Naturalité (Diapos S-34 et S-35) .

C’est pourquoi l’ONU et l’OMM (Office Mondial de la Météorologie) ont créé en 1988 l’IPCC (International Panel for Climate Change), GIEC en français (Groupement International pour les Études Climatiques ). En 1997, à KYOTO (Japon) les pays développés, réunis dans le cadre du GIEC se sont fixé un objectif de réduction des émissions de G.E.S; ces émissions devront, en 2008-2012, être inférieures de 5% à ce qu’elles furent en 1990: objectif ambitieux, difficile à atteindre...et cependant très insuffisant pour résoudre le problème. Mais il instaure un  comportement nouveau et salutaire. Les PVD, dont le développement est, à juste titre, l’objectif le plus urgent, ne sont pas, ne peuvent être concernés par les réductions d’émissions de G.E.S. Ils les augmenteront inévitablement de façon importante.

L’objectif fixé à KYOTO fut distribué entre les pays de l’OCDE: par exemple l’objectif de la France, « bonne élève » grâce à son nucléaire et son hydraulique, est 0% (c’est à dire émissions 2008-2012 = émissions 1990), celui de l’Allemagne -21% (Diapo S-16).

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Comment réduire les émissions de G.E.S.? (Diapo S-38)

La pénalisation fiscale (l’écotaxe) des émetteurs ne peut être imaginée que dans le cadre d’un règlement international faute de quoi elle pénaliserait injustement les prix de revient donc l’activité industrielle du premier pays qui aurait le courage -la témérité- d’en prendre l’initiative.

La séquestration du CO2 pourrait prendre différentes formes plus ou moins respectueuses de l’environnement; le coût en est encore mal connu mais entraînerait, semble-t-il, un doublement du coût d’exploitation des énergies fossiles sur la base d’un pétrole à 25 $/baril. On peut penser néanmoins que la séquestration du CO2 sera incontournable car les énergies fossiles carbonées ont un tel poids dans le bilan énergétique mondial que leur utilisation restera massive durant encore des décennies, en tout cas plus massive et plus longtemps que ne peuvent être tolérées des émissions de G.E.S aussi importantes qu’aujourd’hui.

Même la généralisation de procédés à meilleur rendement tels que la co-génération et le cycle combiné, même la multiplication souhaitable des réacteurs nucléaires ne suffiront pas à maîtriser les consommations d’énergies fossiles carbonées, surtout dans le contexte du développement rapide des PVD, en particulier de la Chine et de l’Inde (40% de la population mondiale à elles deux). Un exemple: les 450 millions de véhicules qui sillonnent les routes de notre planète sont entre les mains d’un bon quart de la population et fonctionnent avec des hydrocarbures, essence, gazole, gaz de pétrole liquéfié (GPL) voire gaz naturel, tous carburants émetteurs de G.E.S. Les 3 autres quarts de la population mondiale en rêvent. Dans 20 ou 30 ans il y aura peut-être 1 milliard de véhicules routiers qui cracheront 2 fois plus de G.E.S. qu’aujourd’hui.

Les réacteurs nucléaires ont, outre leur fiabilité et la compétitivité du kWh qu’ils fabriquent, l’immense vertu de ne pas produire de G.E.S. A l’inverse de pays comme l’Allemagne ou la Belgique qui, pour des raisons politiques, envisagent de « sortir du nucléaire », les américains prolongent à 60 ans leurs licences d’exploitation et envisagent la construction de réacteurs supplémentaires; les espagnols s’engagent eux aussi sur la voie d’extension de la durée des licences d’exploitation, les japonais également.

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Mais, en l’état, les réacteurs aujourd’hui opérationnels sont mal adaptés aux besoins des PVD, ces pays pauvres qui seront les plus grands pourvoyeurs de l’accroissement de la consommation énergétique mondiale: ces réacteurs sont trop gros pour des régions non équipées de réseau de transport de l’électricité vers des populations parfois très disséminées; ils coûtent trop cher en investissement; ils nécessitent un niveau de culture de sûreté non encore atteint dans beaucoup de PVD (là réside la cause profonde du drame de Tchernobyl). La France, associée à la Russie et aux Etats Unis, développe actuellement un réacteur de petite puissance (300 MW électriques) et le consortium ESKOM, conduit par l’Afrique du Sud, un réacteur de 110 MWe: ces 2 projets de petite puissance seront des réacteurs à haute température. Ils sauront fabriquer, outre de l’électricité, de la chaleur, de l’hydrogène et, par dessalage de l’eau de mer, de l’eau douce (Diapo 1-72-5). Leur petite taille en fera peut-être des outils mieux adaptés aux besoins des PVD . Mais la communauté nucléaire internationale devrait également prendre conscience de la nécessité urgente d’aider les PVD à développer le plus tôt possible la très sérieuse culture de sûreté qu’exige l’exploitation de réacteurs nucléaires.

L’hydrogène sera-t-il « l’énergie virginale par excellence » que ne peuvent être ni le gaz naturel ni les GPL, énergies carbonées à 75% et plus?

Oui, à condition de ne pas être fabriqué à partir de pétrole, de charbon ou de gaz naturel; oui s’il provient par exemple de l’électrolyse ou du craquage thermique de l’eau...à condition que la grande quantité d’énergie nécessaire à ces processus ne soit pas, elle-même, d’origine carbonée. L’énergie nucléaire peut d’ores et déjà électrolyser l’eau sans émettre de G.E.S. Elle saura la craquer thermiquement avec des réacteurs à haute température. Fabriqué ainsi sans aucune émission de G.E.S cet hydrogène pourra animer une voiture: mais il sera un carburant très léger, 71 g/litre, c’est à dire 10 fois moins dense que l’essence et contenant, à l’unité de volume, 3 fois moins d’énergie que ce carburant automobile. L’hydrogène devra de plus être, au préalable, comprimé sous 700 bars et stocké dans un conteneur bien épais et bien lourd. Noter enfin que son transport coûtera de 5 à 10 fois plus cher que le transport des produits pétroliers traditionnels.

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Au crédit de l’espoir hydrogène il faut mettre que ce combustible est rigoureusement inépuisable car, venant de l’eau, il y retourne sous forme d’eau après avoir libéré son énergie en se combinant à l’oxygène. Mais, à son débit, il faut noter que fabriquer de l’hydrogène, quel que soit le procédé utilisé, en cassant une molécule d’eau demandera, pour des raisons de rendements nécessairement inférieurs à 1, plus d’énergie que l’hydrogène n’en restituera en se recombinant à l’oxygène…. !!!!

Les piles à combustible n’émettront pas de G.E.S......à condition que leur combustible ne soit pas carboné.

Quant aux voitures électriques elles n’émettront pas de G.E.S. Mais il faudra que l’outil de production de l’électricité qu’elles consommeront n’en émette pas lui non plus faute de quoi la pollution atmosphérique serait seulement déplacée et probablement accrue ; il faudra aussi que les automobilistes acceptent de rouler à 80 ou 100 km/h et de s’arrêter plusieurs fois entre Paris et Marseille au lieu d’y aller d’une traite à 130 km/h.

Faire appel à la bio-masse revient à puiser du carbone présent dans la bio-sphère pour en faire sous une forme ou sous une autre un combustible: ainsi le carbone devient CO2...qui redevient carbone...qui redevient CO2 et ceci indéfiniment. La bio-masse est une énergie douce donc chère...mais accessible en monnaie nationale: en ceci elle participe à l’indépendance énergétique. Au premier abord l’idée est séduisante en terme d’écologie car c’est autant de carbone qu’il ne sera pas utile d’extraire des entrailles de la terre (sous forme de pétrole, gaz ou charbon) ni de déposer ensuite pour l’éternité dans notre bio-sphère. Utiliser la bio-masse ce peut être l’opération bien connue du bois de chauffe. La croissance des arbres consomme du CO2 pris dans l’atmosphère: à tel point que l’on a mis en évidence que leur croissance est plus rapide aujourd’hui que jadis. Mais, après une vie de quelques décennies, l’arbre, si on le brûle, repart aussitôt à l’atmosphère en fumée, c’est à dire en CO2 essentiellement! Cette utilisation énergétique, de toutes façons très onéreuse, a un bilan écologique encore incertain. Quant à la bio-masse pour fabriquer des carburants et de l’hydrogène c’est à la fois possible techniquement et très coûteux (problème d’énergie douce).

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Tout ceci, hydrogène, piles, voitures électriques, bio-masse, volonté de ne pas émettre de G.E.S. sans que cela coûte trop cher -afin de ne pas freiner le rythme de développement des PVD-  ressemble un peu à une quadrature du cercle. Il faudra beaucoup d’imagination, d’efforts et de volonté politique mondiale pour la résoudre.

Les énergies nouvelles renouvelables (E.N.R.) que sont le vent, le soleil et la bio-masse sont porteurs d’espoirs plus sérieux, en tout cas moins utopiques quoique non sans problème. Le vent et le soleil, gratuits, inépuisables et disponibles sont une bonne solution si l’on sait s’accommoder de leur intermittence. Les éoliennes devraient permettre d’apporter rapidement l’électricité aux populations isolées, nombreuses en Afrique et en Asie : 2 milliards d’hommes n’ont encore pas l’électricité. Mais les batteries de stockage qu’elles impliquent posent de sérieux problèmes d’écologie.

Le vent et le soleil sont des énergies douces, diluées et de ce fait difficiles à domestiquer pour une production de dimension industrielle. Un exemple d’énergie douce: dans 6 seaux d’eau chauffés de 15 à 25°c il y a autant d’énergie disponible que dans un seul seau d’eau chauffé de 15 à 75°c. Avec les 6 seaux d’eau à peine tiède on ne peut guère qu’arroser son jardin: c’est une énergie douce. Avec le seau d’eau chaude on peut faire la vaisselle ou la lessive: c’est une énergie à plus haut potentiel, c’est à dire moins douce, donc plus aisément utilisable. Dans une chaudière cette eau, transformée en vapeur sous haute pression et haute température peut animer un turbo-alternateur et produire de l’électricité.

Le développement des énergies douces dans les PVD est souhaitable et probable: l’absence fréquente de réseau crée des problèmes de transport que seules peuvent résoudre des productions locales d’électricité et, pour le soleil, de chaleur: le solaire et l’éolien entrent dans ce cadre. Mais, dans les pays riches, ce développement ne dépassera vraisemblablement pas, outre celui d’un satisfecit politique fort onéreux, le stade  du champ d’expérimentation nécessaire aux constructeurs en vue de la vente à l’exportation vers les PVD de matériels éprouvés . Globalement ces E.N.R n’auront probablement jamais une part de plus de quelques % dans le bilan énergétique mondial.

Quant à l’énergie hydroélectrique elle n’engendre quasiment pas de G.E.S. mais pose, outre les problèmes sociaux liés au déplacement de populations, celui de ruptures rares mais dramatiques de barrages (voir § 4e).

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4c. Les déchets

En France, pays développé et le plus nucléarisé du monde, bon an mal an, chaque français produit en moyenne 3000 kg de déchets dont 100 kg sont toxiques (Diapo 1-63): 99 kg sont des déchets chimiques et 1 kg des déchets dits radioactifs produits par les divers utilisateurs de produits radioactifs: l’industrie nucléaire bien sûr mais aussi les hôpitaux et certaines industries. Leurs caractéristiques propres font que les déchets radioactifs sont plus faciles à contrôler que les déchets chimiques (Diapo 2-63-1)

Parmi les déchets radioactifs, ceux qui posent problème sont les déchets à haute activité (HA) et ceux à vie longue (VL). Notons que, toutes choses égales par ailleurs, leur vie est d’autant moins longue que leur activité est plus grande. Il n’en reste pas moins que certains déchets sont à la fois très radio-toxiques et à vie longue: les déchets HA/VL. Sur le kg/an/Français environ 0,6g sont HA/VL. Il s’agit d’une part de produits dits de fission (PF) et d’actinides mineurs (AM) résultant de l’irradiation du combustible dans les réacteurs. PF + AM représentent environ 3% poids du combustible irradié (usé). Ce combustible irradié est ou bien retraité afin d’isoler les 3% de PF + AM, ou bien abandonné et considéré alors dans son entier comme un déchet. La France a choisi de retraiter ses combustibles usés: outre les 3% de déchets, le retraitement permet d’isoler le plutonium (PU) et l’uranium qui s’est appauvri dans le réacteur devenant ainsi moins riche en U 235 fissile que le combustible neuf . Le PU et cet uranium appauvri ne sont pas des déchets: ils peuvent être réutilisés moyennant des conditions économiques et procédés que nous ne décrirons pas ici.

Retenons simplement que le plutonium est fissile, sorte de « gelée royale » que savent totalement valoriser en énergie les réacteurs à neutrons rapides (RNR type Phénix et Superphénix) : 1 gramme de PU représente un potentiel énergétique équivalent à 1 tonne de pétrole. Les RNR sont, en outre, des réacteurs presque « mange-tout » à même de contribuer pour une part significative à l’élimination des déchets HA/VL, tout  en produisant de l’énergie. C’est une des raisons pour lesquelles l’abandon de Superphénix par la France a stupéfait la communauté nucléaire internationale. D’ores et déjà, le plutonium isolé dans les usines de retraitement du combustible irradié est utilisé en mélange avec l’uranium (combustible Mixed Oxyde MOX) dans les réacteurs de nombreux pays.

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Mais revenons aux 0,6 g/français/an (soit 36 t/an pour l’ensemble de notre pays à comparer à quelques millions de tonnes/an de déchets chimiques toxiques) de déchets HA/VL hyper-dangereux. Ils sont temporairement entreposés à La Hague sous forme vitrifiés dans des containers spéciaux (Universal Canister). Leur gestion et leur destination définitives sont à l’étude dans le cadre de la loi de 1991 dite Loi Bataille du nom du Président de la Commission Parlementaire chargée de l’élaborer. Cette loi demande que soient explorées 3 voies, non exclusives l’une de l’autre: (1) la transmutation qui consiste en la transformation, voire en la digestion génératrices d’énergie dans des réacteurs spécialement adaptés tels que Phénix et SuperPhénix, (2) le stockage, réversible ou non, à quelques centaines de mètres de profondeur dans des couches géologiques -granitiques ou argileuses- choisies comme parfaitement adaptées à cette mission, (3) l’étude de containers adaptés à des durées de service très longues. Un rapport présentant les solutions proposées sera soumis au Parlement en 2006. Le législateur a donc prévu 15 années d’études: cela peut sembler long mais est finalement raisonnable vu d’une part la très faible quantité de déchets HA/VL et, d’autre part, le souci louable d’identifier et de prendre en compte tous les paramètres significatifs.

En ce qui concerne le stockage en couches géologiques profondes, l’analogue naturel d’OKLO, au Gabon, fournit des informations utiles et rassurantes sur la non migration des produits de fission : en ce lieu, il y a 2,5 milliards d’années, de riches gisements d’uranium ont permis la divergence spontanée et pendant de nombreux millénaires d’une quinzaine de réacteurs naturels ; les déchets qu’ils ont produit n’ont quasiment pas migré. 

Les déchets de moyenne et faible activité à vie dite courte (leur radioactivité sera divisée par mille en moins de 300 ans) sont, en ce qui concerne la France, stockés en surface sur un site spécialement aménagé à Soulaines, dans le département de l’Aube.

Aucune industrie de transformation ne produit aussi peu de déchets que l’industrie nucléaire et ne s’en préoccupe avec autant de soin.

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4.d La radioactivité

C’est la propriété d’un corps qui se transforme spontanément en un autre corps en émettant des rayons ionisants. Le temps nécessaire à la transformation de la moitié d’un corps radioactif est sa « période ». Elle peut être très brève, une fraction de seconde, ou très longue des milliards d’années. L’unité de mesure de la radioactivité est le Becquerel: 1 Bq = 1 désintégration par seconde. Les doses de radioactivité s’expriment en quantité d’énergie rapportée à la masse irradiée. L’unité de dose est le Gray (Gy): 1 Gy = 1 unité d’énergie par unité de masse = 1 joule /kg. En matière d’impact sanitaire on utilise la notion de dose efficace. Les corps radioactifs n’ont pas tous la même efficacité ou radio-toxicité; et les organes irradiés n’ont pas tous la même sensibilité ou vulnérabilité à l’irradiation. D’où le concept de dose efficace dont l’unité est le Sievert (Sv). Bien entendu 1 Sv sur un organe de taille donc de masse modestes, ce n’est pas la même chose que 1 Sv sur l’ensemble du corps « 1 Sv corps entier ». Enfin une même dose a un effet plus ou moins dangereux selon qu’elle est délivrée rapidement ou sur une longue durée: d’où la notion de débit de dose exprimée en Sievert / unité de temps: Sv / heure ou Sv / an. C’est le milliSievert  mSv et le mSv/an qui sont le plus généralement utilisés.

La radioactivité est essentiellement naturelle. Elle est universelle dans le temps: mais elle décroît bien sûr constamment, tout corps radioactif se transformant en un descendant qui lui-même deviendra un petit-fils...jusqu’à aboutir à un corps stable non radioactif. Si bien qu’elle était notablement plus importante qu’aujourd’hui lorsque la vie, peut-être grâce à elle, apparut sur terre. La radioactivité est également universelle dans l’espace: tout corps vivant est radio-actif (le corps d’un être humain, par exemple, produit, selon son poids et les aliments qu’il vient d’ingérer 5 à 10000 désintégrations par seconde c’est à dire 5 à 10 000 Bq); bien des minéraux sont également radioactifs. Le radon, gaz radioactif descendant de l’uranium, est, comme celui-ci, omniprésent et constitue la principale source de radioactivité.

Les hommes reçoivent ainsi, de la radioactivité naturelle, une dose efficace moyenne de l’ordre de 2,4 mSv / an. Cette dose naturelle efficace moyenne annuelle est très variable d’une région à l’autre: de 1 à quelques mSv en France avec des pointes pouvant atteindre, dans certaines régions du monde ou en certains lieux mal ventilés, la centaine de mSv/an. Ceci sans que jamais à ce jour aucune étude épidémiologique sérieuse n’ait pu établir la moindre relation de cause à effet entre le niveau de radioactivité et la fréquence des cancers solides ou des leucémies.

A la radioactivité naturelle s’ajoute la radioactivité artificielle provenant des activités humaines (Diapo 1-55). Le seul élément important dans les sources de radioactivité artificielle correspond aux utilisations médicales: diagnostics (examens) et thérapies. Il représente environ 30% de la radioactivité totale (naturelle + artificielle) en France, pays développé, mais beaucoup moins dans les PVD ou dans des régions à radioactivité naturelle très élevée (Diapo 1-55-3).

Quelques repères: vivre quelques années en mitoyenneté d’une centrale nucléaire, ou bien camper une année entière sur une plage voisine de La Hague en s’y nourrissant exclusivement de produits de sa pêche (Diapo 1-55-4) impliquerait un supplément de dose efficace analogue à celui reçu, du fait des rayons cosmiques, sur un vol aller-retour Paris-New York, analogue également au supplément de dose annuelle reçu si l’on déménage pour vivre dans un appartement situé 75 mètres plus haut ou  si l’on passe 15 jours par an aux sports d’hiver. Même supplément de dose à nouveau si l’on sort, chaque année, 6 heures de moins de sa maison. Quant au plutonium, principalement fabriqué dans les réacteurs, c’est aussi un élément naturel résultant du bombardement de rayons cosmiques (il y en a partout) sur l’uranium naturel (il y en a également partout): le moindre pot de fleurs contient ainsi quelques millions d’atomes de plutonium.

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4e Les accidents

Toute production d’énergie, comme d’ailleurs toute entreprise industrielle, est source de risques et d’accidents (Diapo 2-33).

La statistique proposée ici n’est pas vraiment satisfaisante, ceci pour 3 raisons: (1) elle est ancienne, couvrant la période 1960-1990; (2) elle est incomplète car, à cette époque et encore aujourd’hui, on ne savait pas bien ce qui se passait en URSS et en Chine, en particulier en matière d’accidents dans les mines de charbon; enfin (3) la ligne « hydraulique » est faussée par l’accident exceptionnel du barrage de Machlu (Inde, 1979) auquel sont imputés 30 000 décès directs, événement qui fait de cette énergie, de façon inéquitable, la plus meurtrière, et de loin, des sources d’électricité au kWh fabriqué.

Les chiffres présentés sont limités à ce qu’il est coutume d’appeler « décès directs » c’est à dire immédiats au moment de l’accident et aux décès des blessés dans les quelques semaines ou mois qui suivent l’accident.

L’UNSCEAR (United Nation Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiations) attribue 31 décès directs à Tchernobyl dont 28 par irradiation aiguë des sauveteurs. Ces 28 décès pouvaient être évités. D’autre part, à ce jour, un excès de près de 2000 cancers de la thyroïde a été mis en évidence chez les enfants de moins de 15 ans ou in utero lors de l'accident : 10 d’entre eux seraient morts avant 1995. Tous ces cancers pouvaient être évités par une distribution immédiate d’iode stable. Les plus grands dommages sanitaires qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl sont liés aux conséquences sociales et psychologiques qu’ont subi les populations déplacées : certaines le furent trop tardivement, d’autres inutilement. Ces conséquences sociales et psychologiques furent très largement amplifiées par certains médias marchands de peur plus soucieux de propagande que d’information efficace des populations concernées.

La cause première de l’événement Tchernobyl est le déficit de culture de sûreté. Sans ce déficit il ne se serait, très probablement, pas produit ; se serait-il produit néanmoins que les dommages sanitaires auraient pu être évités pour l’essentiel. Tchernobyl fut un accident soviétique beaucoup plus qu’un accident nucléaire. 

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4. f La prolifération nucléaire (Diapos 1-70 et 1-70-2)

C’est le risque et la crainte fort répandue de voir les applications énergétiques -donc pacifiques- du nucléaire dériver sur des utilisations militaires donc meurtrières. En fait il s’agit là du « péché originel » du nucléaire. Son développement, encore et uniquement du domaine de la Recherche Fondamentale avant la 2ème guerre mondiale (France et Allemagne principalement), s’est formidablement accéléré sous l’impulsion américaine dès 1942 pour aboutir en 3 ans à l’arme atomique et aux deux  bombes de Hiroshima et Nagasaki. La crainte de la prolifération est utilisée par certain pour justifier l’abandon de l’énergie nucléaire. Qu’en est-il exactement?

Aujourd’hui 8 pays disposent officiellement de l’arme nucléaire: USA, Russie, Grande Bretagne, France, Chine, Inde, Pakistan.  Tous l’ont fabriquée avant de disposer de réacteurs de puissance. Il est donc clair que la disparition de ces réacteurs n’éliminerait pas l’arme nucléaire.

Certes, les réacteurs de puissance peuvent engendrer du combustible militaire: certains, par exemple les RBMK soviétiques (type Tchernobyl), furent conçus et construits pour cela, leur production d’électricité n’étant, à l’origine, qu’un sous produit. Ils permettent de produire le plutonium peu irradié nécessaire à l’arme. La filière canadienne CANDU, utilisée par l’Inde et le Pakistan, peut également produire du plutonium de qualité militaire. Mais la très grande majorité des réacteurs électrogènes mondiaux produisent un plutonium très irradié impropre à la fabrication d’armes à moins de lui faire subir des traitements extrêmement onéreux. Il en est de même des réacteurs médicaux: moyennant des frais de traitement considérables ils pourraient conduire à la production de plutonium militaire.

Le Traité de Non Prolifération (TNP), traité international, interdit à ses signataires la fabrication d’armes à partir de combustibles irradiés. Son application est contrôlée par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Le TNP a été signé par tous les utilisateurs de réacteurs électrogènes, à l’exception de l’Inde et de son voisin le Pakistan: ces deux exceptions ne sont pas anodines vu la mauvaise qualité (en particulier en ce printemps 2002) des relations qu’entretiennent ces deux pays. Il est clair cependant qu’interdire à ces deux pays de posséder des réacteurs électrogènes (ce serait possible car ils n’ont pas -pas encore- la capacité de les construire en autarcie) ne les empêcherait pas de fabriquer du combustible militaire; par contre cela les priverait d’une source d’énergie alors qu’ils en manquent déjà cruellement. Enfin la longue guerre froide qui opposa les USA et l’URSS pendant plus de 30 ans n’est-elle pas restée froide grâce à la redoutable menace nucléaire? On peut se poser la même question pour l’Inde et le Pakistan.

Enfin les armes biologiques et chimiques, plus faciles et moins chères d’accès, de fabrication et d’utilisation plus aisées que celles de l’arme nucléaire, sont des « outils » potentiellement beaucoup plus meurtriers encore et dont la disponibilité peut devenir aisément très générale. Il y a là un vrai danger pour l’humanité et, plus généralement, pour l’univers vivant.

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5. CONCLUSIONS

Les besoins des hommes en énergie sont énormes : ils vont croître encore à la demande des pays les moins riches qui sont souvent les plus peuplés. Au contraire, les ressources énergétiques traditionnelles -charbon, pétrole et gaz naturel- sont limitées et ne pourront y suffire. De plus elles font peser sur notre planète la menace d’un changement climatique trop important et, plus encore, trop rapide pour que les écosystèmes puissent le supporter sans dommage. Les énergies renouvelables sont, par définition, inépuisables et non ou très peu polluantes mais chères car énergies douces. Elles sont cependant incontournables pour les PVD non équipés de réseaux interconnectés et aux populations souvent disséminées.

Quant au nucléaire, les ressources en sont immenses et encore très largement inexploitées. Malheureusement les réacteurs électrogènes actuellement opérationnels ne sont pas applicables à bien des pays en voie de développement (PVD), pourtant gros demandeurs d’énergie et qui vont engendrer l’essentiel de la croissance de la consommation énergétique mondiale : ces réacteurs, bien que produisant l’électricité la moins chère au kWh, représentent un coût d’investissement incompatible avec les possibilités financières modestes de bien des PVD ; d’autre part leur trop grande taille est incompatible avec la distribution d’électricité lorsque les populations sont disséminées dans des régions non équipées de réseaux; enfin leur exploitation exige une excellente culture de sûreté encore trop souvent absente des PVD . La communauté nucléaire internationale serait bien inspirée d’accélérer le développement de petits réacteurs et de mettre à profit le temps que demandera ce développement pour aider les PVD à améliorer leur culture de sûreté.

Mais les transitions nécessitant toujours beaucoup de temps, les hommes ne sauront pas se passer des énergies fossiles avant plusieurs décennies. Leurs besoins d’énergie sont si grands qu’ils devront faire appel à toutes les ressources (Diapo 1-72-3) tout en développant progressivement, au fil des décennies, l’emploi des énergies non polluantes et inépuisables comme le veut la préoccupation, de plus en plus universelle, de Développement Durable. C’est pourquoi les Energies Nouvelles Renouvelables (ENR) auront, durant plusieurs décennies, un rôle majeur à jouer dans les PVD.

Alors que la communauté scientifique internationale reconnaît les vertus, en particulier écologiques, du nucléaire civil (Diapos 1-26, 1-57, 1-72-4, 1-72-6, 1-72-7), il est regrettable que les médias n’évoquent souvent le nucléaire civil que pour en dire du mal. Ceux qui en pensent du bien hésitent à le dire, victimes du terrorisme intellectuel. Le nucléaire civil est arrivé dans notre vie il y a un demi-siècle et les hommes ignorent encore que la radioactivité c’est naturel comme l’eau, comme l’air, comme le feu qui sont source de vie mais peuvent être source de mort. Avec les mêmes produits on peut fabriquer des engrais ou des explosifs. Avec le pétrole on peut promener les gens en voiture ou alimenter des lance-flammes. Avec l’atome on peut fabriquer du bien être ou tuer. Pour le feu comme pour l’eau, pour les engrais comme pour l’atome ou le pétrole c’est la sagesse ou la folie des hommes qui décide. Encore faut-il que l’on apporte aux hommes, à tous les hommes, un discours de vérité afin d’éviter l’irrationnel : de ce discours dépendra le panorama énergétique qui fera le bien-être ou le malheur des prochaines générations (Diapo 1-72-1 et 1-72-2).

Après Tchernobyl, Andreï SAKHAROV jugeait incontournable l’électronucléaire exploité dans des conditions de sécurité absolue (Diapo 1-72) : les gouvernants et les mouvements écologistes pourraient et devraient œuvrer ensemble vers cet objectif pratiquement inaccessible mais conforme au Principe de Précaution et vers lequel tend en permanence tout industriel responsable.

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Jacques FROT* juin 2002

BIBLIOGRAPHIE
Diapos BG1, BG2, BG3, BS1, Btch1, Btch2, BTch3 INFORMATIONS ET STATISTIQUES DIVERSES
Diapos ST1 et ST2
*Jacques FROT
jfrotelsuz@aol.com  Ingénieur pétrolier Ancien Directeur dans le groupe Pétrolier MOBIL
Membre de la SFEN (Société Française de l’Energie Nucléaire)
Animateur de GR.COM (Groupe de COMmunication) de l’AEPN (www.ecolo.org) (Association des Ecologistes Pour le Nucléaire)