2011, une année désastreuse s’achève. Vive 2012 ?

(10 janvier 2012)

Les internautes familiers de ce site savent bien que nous sommes intéressés avant tout par les questions d’avenir telles que la préservation du climat, les différentes problématiques liées à l’énergie et aux économies d’énergie. Etant tournés vers l’avenir, nous ne sommes guère friands de rétrospectives ou de bilans détaillés.  Il n’y aura  du reste guère besoin de bilan pour se souvenir de 2011 comme d’une année désastreuse à bien des égards, le rappel de quelques faits saillants suffit : année désastreuse au plan politique, au plan économique, recul de la croissance et hausse du chômage, risque sur l’euro, hausse du coût du pétrole, déception des promoteurs des éoliennes du fait de contraintes administratives accrues ou des promoteurs du photo voltaïque suite à la révision en baisse des prix de reprise. Nous n’oublions pas bien sûr l’accident de Fukushima, au Japon, où un séisme exceptionnel, suivi d’un tsunami gigantesque, a entrainé la destruction de 4 réacteurs nucléaires, la mise en veille de dizaines d’autres et la catastrophe sociale et économique dont le pays mettra longtemps à se relever.

L’année avait pourtant bien commencé avec le modeste succès de la conférence de Cancun sur le Climat, venu effacer l’échec mémorable, un an plus tôt, de la conférence  de Copenhague. Puis, rapidement le développement du printemps arabe est venu submerger des peuples opprimés, surprendre des spectateurs médusés et entrainer par la suite une hausse des cours du pétrole. Les déclarations alarmantes de l’AIEA au sujet des programmes nucléaires iraniens secrets et des graves menaces de l’Iran n’ont fait qu’accentuer la pression sur les cours du pétrole.

Revenons à l’accident de Fukushima dont les répercutions à l’extérieur du Japon n’ont pas tardé et se déroulent encore aujourd’hui sous nos yeux :

- l’Allemagne a enfin atteint sa terre promise : attendu depuis plus de 20 ans, l’arrêt du nucléaire y interviendra à rythme accéléré au grand dam des compagnies électriques et il est bien improbable que l’Allemagne – forte d’importantes ressources fossiles – revienne sur cette position massivement approuvée par la population;

- par un référendum survenant à un moment tout à fait inopportun, l’Italie a rejeté le lancement d’un programme nucléaire déjà refusé par les Régions ;

- en Suisse, où la relance du nucléaire était en marche, un psychodrame se déroule depuis des mois : non à la relance, arrêt des dernières centrales avant 2034, la porte resterait ouverte pour la Génération IV et, peut-être, entr’ouverte pour la Génération III. L’avenir nous éclairera.   

En revanche, l’Angleterre, la Suède, les Pays-Bas, la Pologne, la Tchéquie, la Russie, la Turquie, la Jordanie, l’Afrique du Sud  persistent dans leurs décisions ou, pour certains, leurs intentions de relancer les programmes sans rencontrer d’hostilité. L’Espagne est un cas à part : après avoir décidé l’arrêt du programme, l’ancien gouvernement avait déjà décidé de détendre le calendrier alors que le nouveau, à peine installé, envisage de prolonger le petit réacteur de Santa Maria de Garona, le premier qui devait être mis à l’arrêt et qui n’est pourtant plus de première jeunesse. Enfin les Etats-Unis viennent d’autoriser la construction des premiers réacteurs de type Westinghouse AP1000, les premiers sites étant déjà préparés pour les accueillir.

La Chine et l’Inde, enfin, dont les programmes sont considérables, ont décidé de surseoir au lancement de nouveaux projets sans cependant retarder les projets en cours.

Au total, donc, la renaissance du nucléaire, sans être remise en cause par l’accident de Fukushima, se trouve retardée de quelques années.

Bien que prévisible, un point reste cependant préoccupant : l’AIEA n’a pas réussi à trouver un terrain d’entente entre tous les Etats pour définir des standards de sûreté améliorés et universels ou même tout simplement sur la mise en œuvre de programmes d’audit sérieux, systématiques et contraignants. WANO, l’association des exploitants nucléaires, espère en revanche, à la faveur de la crise, réussir à instaurer enfin des programmes rigoureux de contrôle entre exploitants avec, espérons-le, la mise en place d’un système d’information enfin incitatif et si possible coercitif.

La France est bien sûr un cas particulier en raison de l’ampleur du programme électronucléaire mais surtout parce que l’accident de Fukushima s’y télescope avec le lancement de la campagne de 2012. Le débat sur le nucléaire s’y enflamme comme jamais, souvent caricatural et biaisé, alimenté d’anathèmes, de simplifications et de contre-vérités au point que, pour la première fois, les industriels et les personnels concernés s’expriment dans le débat politique. Tout n’est pas noir pour autant puisque deux informations sont récemment tombées :

- Dans un rapport, remarquablement équilibré et argumenté, de l’Office parlementaire (Opecst) publié le 15 décembre, les députés et sénateurs recommandent d’adopter  une "trajectoire raisonnée", caractérisée par une réduction progressive de la part du nucléaire dans la production d'électricité française, d'environ 75 % aujourd'hui à "50 ou 60 % vers 2050, et 30 % vers 2100" et une substitution en douceur par des énergies renouvelables au fur et à mesure des avancées technologiques en matière de stockage de l'énergie, ce qui ferait place à une trentaine d’EPR et éviterait tout recours aux énergies fossiles.

- Alors que le 3 janvier 2012, au terme d’Evaluations Complémentaires de Sûreté, l’Autorité de Sûreté Nucléaire vient de rendre son verdict : aucune installation ne doit être fermée prématurément mais des investissements massifs (sic) doivent être réalisés dans les toutes prochaines années pour renforcer la sûreté de tous les sites face à des situations extrêmes. Les chiffres qui ont été articulés peuvent effrayer par leur montant (10 à 15 milliards d’euros) mais ne sont pas de nature à inquiéter les exploitants eu égard à la valeur des équipements qu’il s’agit de pérenniser et au montant d’autofinancement qu’ils génèrent chaque année. Ajoutés aux 40 milliards déjà prévus par EDF pour maintenir son parc en service au-delà de 40 ans, ces  investissements massifs conduiront à une hausse du prix de l’électricité très inférieure à celle qu’entrainerait le replacement prématuré des centrales par des outils plus modernes et plus performants ou par des éoliennes et des panneaux solaires doublés de centrales à gaz.

Rappelons enfin qu’en septembre, l’affaire du nuage de Tchernobyl (connue encore comme l’affaire Pellerin d’après le nom du professeur Pierre Pellerin) a abouti à un non lieu et que les otages du Niger, un an après leur enlèvement, sont toujours maintenus prisonniers.

Nous n’avons malheureusement pas fait le voyage de Durban où se tenait la 17ème conférence des Nations Unies sur le Climat (193 Etats), il s’agit pourtant d’un beau pays d’autant qu’en décembre, c’est l’été à Durban ! Nous le regrettons car nous aurions pu assister au succès de tous ceux qui y étaient et ont célébré en cœur les acquis de Durban, le nouveau souffle, le nouveau calendrier, le nouveau pacte pour reprendre quelques titres relevés dans la presse. Nous y aurions vu la Chine entrainer les Etats-Unis et l’Inde ! Faute d’avoir vécu l’évènement sur place, nous n’avons pu que nous rabattre sur les décisions officielles, les bonnes intentions plus exactement : en effet quelle déception !  D’accord il n’y a pas, seulement un accord pour réfléchir à un accord général qui pourrait être trouvé en 2015, en vue de mise en œuvre entre 2020 et 2025. C’est mieux que le désastre de Copenhague mais c’est maigre et pendant ce temps les gaz à effet de serre prolifèrent et produisent leurs effets désastreux sur la planète.

Comme d’habitude l’Europe, toujours en pointe et se voulant exemplaire, semble s’être engagée à prolonger l’accord de Kyoto, sans du reste qu’on sache bien dans quelles conditions, mais ce qui est sur, c’est que des wagons du train qui a quitté Kyoto en 1997, restent en gare : Canada, Russie, Japon, Australie. Alors que d’autres et non des moindres, Chine, Inde et USA par exemple, n’avaient même jamais pris le départ.

Si l’accident de Fukushima restera indéniablement un mauvais coup pour le nucléaire, après Copenhague et Cancun, Durban restera, à l’évidence, un coup pour rien pour la sauvegarde du climat, le nucléaire garde donc toute sa place pour l’avenir.

Y-a-t-il un défenseur de l’environnement pour le reconnaitre ?

Bonne année 2012.

Bernard Lenail