L’Energie dans le monde : Soyons rassurés

Michel Lung 0ctobre 2007

 

 

Les malheureux citoyens que nous sommes sont perpétuellement assaillis par le sentiment que, dès qu’il s’agit d’énergie, nous polluons la planète de manières diverses : trop de CO2 qui cause(rait) l’effet de serre, les déchets (surtout nucléaires), des rejets de chaleur inconsidérés, etc. etc. Les seuls moyens d’échapper à l’opprobre sont de faire des économies d’énergie et de se tourner vers les énergies renouvelables, dont l’éolien est le parangon incontesté. Certes, les économies d’énergie sont parfaitement recommandables, partout où c’est possible ; on commence à s’apercevoir que les énergies renouvelables, à cause de leur caractère aléatoire et diffus, ne peuvent être qu’un appoint à une source d’énergie massive et permanente. En particulier, on commence, à juste titre, à se poser des questions sur l’intérêt, dans nos pays, des fermes éoliennes dont tous les média se gargarisent : pas de CO2, mais pollution visuelle pour des résultats marginaux et coûteux.

 

On parle d’un doublement des besoins en énergie de la planète d’ici le milieu du siècle, causé principalement par la fringale de modernisation des pays « en développement » et même d’un triplement de la demande électrique, à cause des avantages incontestables de ce vecteur en termes de confort, d’usage pratique et de sécurité.

 

Nous nous plaçons en 2050 : il est admis que la demande électrique   sera 300 % plus élevée qu’aujourd’hui (env. 20 000 Térawatt-heure actuellement) . A ce moment, les moyens d’économiser l’énergie seront sans doute assez bien intégrés et il n’y aura pas grand-chose à gagner dans ce secteur, disons tout de même  un gain de 10  %. Mettons, pour être aimables mais sans trop y croire, un 25 % d’appoint d’énergie renouvelable, notamment solaire.

 

Reste à fournir : 300-100-(10+25)= 165 % en bonne énergie massive et constante, ce que l’on sait faire avec les combustibles fossiles et le nucléaire.

Mais l’objection des rejets de C02 si bien décrits par le nouveau Nobel Al Gore, plus le prix croissant des combustibles, sont de nature à condamner leur utilisation. Les barrages hydroélectriques apporteront un appoint naturellement (de l’ordre de 10 %).

 

Reste l’énergie nucléaire, si longtemps décriée, massive, propre, sûre quand elle est correctement mise en œuvre, comme nos installations en témoignent, et qui n’émet pas de gaz à effet de serre.

 

 Combler cette demande avec des réacteurs nucléaires, ceci équivaut à installer 3-4000 nouveaux réacteurs du genre EPR de 1500 MW chacun dans le monde. Le nombre de ces réacteurs n’est pas le problème, mais leur gourmandise en Uranium risque d’en être un, dont on voit d’ores et déjà le prix s’envoler.

A raison de 150 tonnes d’uranium naturel par an et par réacteur, pour 4000 réacteurs cela  fait une demande de 600 000 tonnes par an. Or si l’on estime à 15 millions de tonnes les réserves d’uranium normalement accessibles en 2050, on voit qu’en théorie en 25 ans les réserves seraient épuisées (ceci est en partie faux, car la prospection de l’uranium en est encore à ses débuts, et il suffit de voir ce qu’il en est des découvertes de gisements de pétrole).

 

Entre-temps, nos physiciens nucléaires ont de longue date observé que l’on peut singulièrement améliorer le rendement sur matières premières de nos réacteurs, par une approche scientifique,  en utilisant des réacteurs moins gourmands mais tout aussi efficaces et en recyclant au maximum tout ce qu’ils produisent : bel exemple de développement durable.

Les réacteurs actuels sont dérivés d’un réacteur américain de sous-marin, robuste et fiable, mais l’économie en combustible n’était pas un souci majeur. Ce sont des réacteurs refroidis à l’eau , réacteurs dits « à eau légère » dans lesquels les neutrons sont ralentis, d’où la dénomination de « réacteurs à neutrons thermiques ». A ce titre, les réacteurs actuels ne « brûlent » au mieux que 1 %  de l’uranium naturel qui a servi à fabriquer les éléments combustibles, et malgré tout on les trouve remarquables. En France et au Japon on « retraite » d’ailleurs ces combustibles irradiés pour en recycler les 99% restants qui pourront être réutilisés, aujourd’hui ou plus tard : l’uranium plus du plutonium qui se forme dans le réacteur. (Ce plutonium est un excellent combustible).

 

Les physiciens ont vite vu que si les neutrons n’étaient pas ralentis et restaient des « neutrons rapides », on pouvait obtenir des propriétés remarquables, notamment à partir de réacteurs pouvant être alimentés en uranium naturel ou même appauvri (venant des installations d’enrichissement), démarrant au départ sur plutonium et capables si nécessaire, de fabriquer plus de plutonium qu’ils n’en consomment, le combustible d’appoint étant de l’uranium ordinaire. On nomme ces réacteurs des « surgénérateurs ». Ce tour de force est obtenu en particulier, par des recyclages intelligents.

Il faut démarrer, en principe, avec une certaine quantité de plutonium qui est produit dans les réacteurs actuels, on voit donc la complémentarité des filières à eau légère et de celles à neutrons rapides.

On objectera que « le plutonium est le produit au monde le plus dangereux » Ceci n’est pas vrai, même si la manutention du plutonium mérite des égards particuliers, précautions qui sont déjà mises en œuvre dans des installations industrielles comme l’Atelier Melox à Marcoule qui recycle déjà le plutonium pour le brûler dans les réacteurs actuels.

Les réacteurs rapides seraient théoriquement capables d’utiliser tout l’uranium dont on les alimente, et non plus seulement 1%. Avec les pertes, on peut arriver à 50-70 % de rendement, ce qui fait une vaste différence. Ce type de réacteurs fait partie de ce que l’on a baptisé la Génération IV.

C’est comme si avec un plein d’essence qui permet de faire 500 km, on pouvait en faire 50 fois plus, soit la moitié du tour de la terre !

 

A supposer que TOUTE l’électricité dans le monde serait générée par le nucléaire (donc sans aucun rejet de CO2), nos 4000 réacteurs auraient besoin chaque année de : 4000x3t/an=12 000 tonnes d’uranium environ, au lieu de 600 000 tonnes.

(La consommation actuelle mondiale est de l’ordre de 60 000T/an pour 17 % d’électricité nucléaire).

 

 

On voit le spectre du manque d’uranium s’éloigner, 20 ans de réserves devenir 1000 ans….

 

Ces données ne sont pas des élucubrations mais ont été vérifiées avec les différents prototypes, notamment Superphénix (1300 MW) avant sa fermeture autoritaire et sa casse irréversible.

A noter en plus qu’un réacteur rapide produit encore moins de déchets qu’un réacteur à eau légère, et consomme sous forme d’énergie une partie de ses propres déchets.

Le mouvement perpétuel, en quelque sorte…. En tout cas, un nucléaire durable.

 

Pourquoi se priver de tels atouts ? Les Indiens l’ont bien compris, avec leurs besoins énergétiques monumentaux, ils ont mis en chantier un surgénérateur PFBR de 500 MW.

 

La seconde partie du siècle verra de tels réacteurs. Le marché de l’uranium se stabilisera. On aura, si l’on en a la volonté, une énergie électrique abondante, bon marché, propre et sûre.

 

Donc nous pouvons nous réjouir de ce que la Providence et l’intelligence de l’homme nous permettent d’envisager des perspectives que nous qualifierons de « durables ».

 

 

 

 

Michel Lung