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UARCO: Union des Associations de Retraités de COGEMA

REMETTRE SUR LES RAILS N° 18

Juin 2005

 

 

A chaque énergie sa place.

Mais n’ayons pas peur de l’énergie nucléaire !

 

 

Ce document, ainsi que les précédents numéros, peut être consulté sur le site http://www.uarco-france.com

SOMMAIRE

 

1.     La conjoncture pour le nucléaire. 1

2.     Suggestions pour tenter de venir à bout des préjugés sur le nucléaire (suite) 3

2.1.      Bref retour sur les déchets nucléaires. 3

2.2.      Le retraitement 3

2.2.1.       La base logique du retraitement 3

2.2.2.       Retraitement des éléments combustibles du réacteur de recherche australien. 3

2.2.3.       Retraitement des combustibles nucléaires en général 3

3.     Remises sur les rails sur des sujets divers. 3

3.1.      Tchernobyl 3

3.2.      Niger 3

 

 

1.                  La conjoncture pour le nucléaire

 

La tendance est générale, vers une reconnaissance de l’utilité du nucléaire.

 

Commençons symboliquement par l’Ukraine, le pays de Tchernobyl : Nucleonics Week du 19 mai rapporte que le premier ministre déclare viser l’indépendance énergétique. Son ministre du combustible et de l’énergie, ainsi que Energoatom, ont préparé un plan de développement énergétique de onze tranches nucléaires à construire dans les 25 prochaines années. L’aspect financier n’est pas traité.

 

Plus concrètement, la Bulgarie a lancé un appel d’offres pour la construction de deux tranches nucléaires de 1000 MWe[1] à Béléné pour compenser la fermeture partielle de la centrale de Kozlodoui (AFP du 10 mai).

 

Dans les pays baltes, on s’intéresse à l’idée de partager la production d’une nouvelle tranche qui pourrait être construite à Ignalina, en Lituanie, site où l’unité 1 (un réacteur RBMK du même type qu’à Tchernobyl) a été arrêtée et la deuxième va l’être en 2009 (Nucleonics Week du 19 mai). Une interconnexion avec la Suède et avec la Pologne pourrait être envisagée.

 

A côté de nous après la réélection de Tony Blair, on s’attend au lancement d’une étude qui montrera qu’on ne peut plus se passer de construire de nouvelles centrales nucléaires au Royaume-Uni.

 

Si, en Suède et en Allemagne, les gouvernements en place continuent à suivre leur programme d’arrêt très progressif de centrales, en Suède, la population a viré pour devenir très majoritairement favorable à la poursuite du nucléaire ; en Allemagne, où des élections anticipées devraient avoir lieu à l’automne, la CDU est donnée gagnante dans les sondages et Angela Merkel est surnommée par les Grünen « la chancelière nucléaire »  (AFP  du 24 mai)! Elle a suggéré de laisser fonctionner les centrales existantes aussi longtemps que cela serait techniquement possible.

 

L’Italie, sans relancer le nucléaire chez elle, entre sur le marché français et participera pour 12,5% à la construction de l’ EPR[2] de Flamanville. Cela lui permettra d’acquérir des savoir-faire qu’elle a perdus.

 

En Finlande, les industriels souhaitent la construction d’un sixième réacteur nucléaire vers 2010, alors que la construction d’un cinquième, un EPR, vient de commencer (Nucleonics Week du 2 juin).

 

A Bruxelles, le nouveau commissaire européen à l’énergie Andris Piebalgs a déclaré : « … il n’est pas dans mon intention d’influencer d’une manière quelconque le choix des Etats membres. Mon engagement est de veiller à ce que nous ayons un cadre législatif et réglementaire commun et bien défini garantissant la sécurité des centrales et de la gestion des déchets radioactifs. »

 

En France, le projet de loi d’orientation sur l’énergie est enfin au stade de la seconde lecture. Le point sur lequel les deux chambres s’affrontent ne concerne pas le nucléaire[3]. Le ministre Patrick Devedjian a déclaré à plusieurs reprises que le nucléaire est incontournable. Quant à notre EPR de Flamanville, la Commission Nationale du Débat Public en sera saisie, en principe, d’octobre 2005 à février 2006.

 

Aux Etats-Unis, le Président Bush donne la France en exemple pour le développement de l’énergie nucléaire. La presse, même la presse financière, publie de nombreux articles favorables. Le problème cependant reste le financement des premières unités. Le projet de loi sur l’énergie a été voté par la Chambre des Représentants. Il est en cours d’amélioration en commission du Sénat, avec des encouragements à la construction de centrales nucléaires : ce pourrait être une assurance qui serait donnée au constructeur pour le cas où des dépenses seraient occasionnées par des retards dans l’obtention de certaines autorisations (Nuclear News Flashes du 17 mai).

 

On a beaucoup parlé de la Chine dans nos derniers numéros. Espérons que les protestations de l’Europe dans le domaine du textile n’aient pas d’influence négative sur les Chinois vis-à-vis d’AREVA, soumissionnaire pour quatre réacteurs EPR (en concurrence avec Westinghouse Electric et les Russes d’AtomStroyExport).

 

La capacité nucléaire de l’Inde serait décuplée d’ici 2022, d’après les prévisions de l’AIEA[4].

 

Au Japon, le Gouverneur de la préfecture de Fukui a donné son accord aux modifications prévues pour le réacteur rapide de Monju qui est à l’arrêt depuis 1995 à la suite d’un feu de sodium causé par une fuite (Bulletin SFEN n°316 de mars 2005). Et la Cour Suprême vient de donner son feu vert définitif à la réouverture[5] de la centrale (AFP du 30 mai). C’est un évènement important quand on sait la place qu’on peut prévoir pour les réacteurs à neutrons rapides dans le futur dans le monde.

 

Terminons ce très bref survol en évoquant la Conférence internationale organisée par l’AIEA et l’OCDE à Paris, où toutes sortes de pays ont exprimé leur intérêt pour le nucléaire. Nucleonics Week du 24 mars rapporte qu’Anne Lauvergeon y a dit : « Obtenir que le nucléaire soit inclus dans le Clean Development Mechanism (mécanisme de développement propre) lors du prochain cycle de négociations de Kyoto est très, très important, non seulement pour l’énergie nucléaire, mais pour toute la planète. »

 

Bien entendu, il faut que, dans leur cœur, les gens cessent de craindre l’énergie nucléaire.

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2.                  Suggestions pour tenter de venir à bout des préjugés sur le nucléaire (suite)

 

2.1.            Bref retour sur les déchets nucléaires

 

Pour commencer, revenons sur deux commentaires intéressants de nos lecteurs sur le dernier numéro de Remettre sur les rails, le n° 17 de février 2005, concernant les déchets nucléaires.

 

Nous disions (§ 3.2.2.2) :

On sait calculer (avec des coefficients de sécurité) la sûreté d’un stockage

une fois réalisées ces investigations locales[6].

(Si le calcul montrait que les objectifs de sûreté ne sont pas assurés,

on modifierait en conséquence la conception  du stockage,

ou bien on abandonnerait le projet.)

Des  analogues naturels [7] permettent de tester certains modèles de calcul.

 

Un lecteur a trouvé cette affirmation (Si le calcul montrait…) « imprudente et prétentieuse, en raison des possibles oublis et des incertitudes ».

 

Nous comprenons cette réaction. Elle montre qu’il nous faut donner les explications suivantes :

Ce que nous disons est le fruit d'une "opinion collective" d'experts réunis par l'AIEA, l’Agence de l’Energie Nucléaire de l’OCDE et la Commission Européenne. L'expression de cette opinion était plus élaborée que notre phrase synthétique, mais nous ne pouvons ici écrire des choses trop compliquées. En pratique, les choses se passent de la façon suivante :

On fait des calculs (avec des estimations pessimistes des chiffres qu'on ne connaît pas avec certitude) et cela apporte des renseignements qu'on exploite.

Cette étude ne constitue pas une garantie à 100% pour dans 300 000 ans

car le « modèle mathématique » utilisé pour décrire le stockage, ses alentours et le comportement des atomes radioactifs peut être incomplet,

mais cela donne des informations sérieuses pour la santé des gens du futur.

  • Si les résultats des calculs indiquent qu’on dispose de coefficients de sécurité énormes dans le sens d'une bonne sûreté (comme dans les études PAGIS et EVEREST), on peut se lancer.
  • Si l'on est trop juste, on prévoit un autre dispositif de barrières, ou l'on change de site.

Nous devons dire cela aux gens, car c'est bien cela qu'on fera. A force de ne pas oser dire les choses ainsi, on laisse croire qu'on nage dans l'incertitude et qu'on se lancera à l'aveuglette.

 

Nous disions par ailleurs :

Les études PAGIS dans les années 1980, et plus tard EVEREST,

sous l’égide de la Commission Européenne,

pour des verres placés dans un stockage bien construit,

ont montré, même dans des scénarios comportant des incidents,

que les conditions de sûreté à court et à long terme

seront remplies avec de très larges coefficients de sécurité[8] :

A aucun moment du futur les populations n’auront à subir

de conséquences négatives du fait d’un tel stockage.

Parlant des déchets vitrifiés, de haute activité initiale et à vie longue, nous disions :

Ce verre est si stable[9] que l’eau, même si elle arrivait à son contact,

n’emporterait pas ces atomes de déchets radioactifs,

ou si lentement que l’eau resterait potable !

Un lecteur très compétent en la matière nous a fait observer à juste titre ceci :

même s’il advenait que, contrairement à toutes ces prévisions, un peu de ces éléments radioactifs arrivent à la surface de la Terre, il serait facile de traiter les eaux avant de s’en servir ! On sait en effet parfaitement traiter par exemple les eaux d’exhaure des mines, c’est-à-dire les eaux qu’on pompe pour pouvoir travailler dans les galeries minières souterraines : lorsqu’elles sont chargées en un élément qui serait indésirable dans les nappes phréatiques, tel que l’uranium, on sait très bien les en débarrasser par un petit traitement physico-chimique approprié.

S’il advenait que nous nous soyons trompés et

que des éléments radioactifs provenant de notre stockage

parviennent un jour (dans 300 000 ans ?) à la surface en quantité non négligeable :

  • Si les hommes sont encore civilisés comme nous, ils sauront détecter ces éléments car il est facile de détecter la radioactivité, et ils sauront éliminer les éléments chimiques indésirables des eaux de source ou pompées dans les nappes phréatiques. Ceci, c’est une assurance supplémentaire!
  • Si les hommes ne sont plus civilisés, mille autres choses que la radioactivité porteront préjudice à leur santé, plus que des traces de radioactivité ! D’ailleurs, les hommes existeront-ils encore ?

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2.2.            Le retraitement[10]

 

Après ce bref retour sur les déchets nucléaires, le sujet que nous allons aborder dans ce numéro nous est désigné par l’actualité : c’est le retraitement des combustibles nucléaires usés. En effet un arrêt de la Cour d’appel de Caen, rendu en avril et condamnant COGEMA, a stupéfié les observateurs. COGEMA s’est pourvue en cassation.

 

Il n’est naturellement pas question pour les retraités de COGEMA que nous sommes, de donner un avis sur cet arrêt. En revanche, c’est bien notre rôle d’expliquer la logique du retraitement et les opérations connexes que sont les entreposages qui le précèdent et le suivent. Les textes de loi français ou certains textes européens seraient-ils rédigés d’une façon inadaptée pour autoriser cette activité dans les conditions où COGEMA la mène, ce qui expliquerait cet arrêt étonnant ? Ce n’est pas à nous d’en débattre. Nous nous en tiendrons à expliquer la logique de ces activités industrielles, et nous vous proposons, chers lecteurs qui vous inspirez de nos explications, de faire de même, à moins que vous ayez personnellement des compétences juridiques sur le sujet.

 

2.2.1.   La base logique du retraitement

 

Vous savez bien que la finalité du retraitement est de récupérer des matières nobles, les matières fissiles, encore contenues dans le combustible usé.

 

Reconnaissons-le : au départ, le général de Gaulle a voulu récupérer du plutonium pour faire la bombe, avec des réacteurs bien adaptés pour cela (avec lesquels on a ensuite fait aussi de l’électricité).

 

Aujourd’hui, avec les réacteurs à eau et des irradiations du combustible durant plusieurs années, le plutonium[11] n’est plus adapté pour faire des bombes, mais il est assez largement valorisé dans la fabrication du combustible Mox[12][13].

 

Dans un futur un peu plus éloigné, le plutonium issu du retraitement pourra servir à alimenter des réacteurs à neutrons rapides. Il est clair que l’on n’en parle guère car des jeux politiques ont eu raison de Superphénix et l’affaire n’est pas cicatrisée. Mais le monde entier[14] reconnaît maintenant que les réacteurs à neutrons rapides sauveront l’humanité d’une pénurie d’énergie[15]. Il faudra au départ beaucoup de plutonium[16] : en France, on sera heureux de disposer du stock contenu dans les combustibles usés entreposés par EDF à La Hague. Il faudra simplement les retraiter pendant quelques années à bonne cadence.

 

On notera au passage que l’action de retraiter pour recycler les matières valorisables est une action noble, préconisée pour toutes les activités humaines. Longtemps cependant, avec l’uranium très bon marché, bon nombre de pays n’ont fait qu’un calcul purement économique pour comparer les combustibles Mox aux combustibles à oxyde d’uranium. Le prix de l’uranium naturel étant maintenant en hausse, les esprits sont davantage enclins à considérer le retraitement comme une solution valable. Elle permet d’économiser les matières premières précieuses, dont le stock sur Terre n’est pas illimité.

 

Venons-en maintenant à l’affaire qui a conduit récemment à l’arrêt de la Cour d’appel de Caen.

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2.2.2.   Retraitement des éléments combustibles du réacteur de recherche australien

 

Il s’agissait au départ des combustibles du réacteur de recherche australien Hifar. A leur sujet nous disions déjà en octobre 2002, dans le n° 10 de Remettre sur les rails, ceci :

 

« Dispute juridique de Greenpeace contre COGEMA

sur le retraitement des combustibles australiens

 

La dispute dure depuis un an et demi. Greenpeace prétend que COGEMA ne va pas, comme elle l'affirme, retraiter ces combustibles usés, mais simplement les stocker, ce qui est interdit par la loi.

 

Nous pouvons facilement faire comprendre que les intentions de COGEMA ne sont pas fallacieuses, en expliquant de quoi il s'agit:

 

La matière concernée

Comme de nombreux réacteurs de recherche dans le monde (on en a construit plusieurs centaines), le réacteur australien a été alimenté avec des éléments combustibles à uranium très enrichi (plus de 90% d'uranium 235). Ce sont des plaques, certaines planes, d'autres cintrées, comprenant un alliage uranium aluminium dans une gaine d'aluminium, fabriquées par co-laminage.

 

Quel est l'intérêt pour l'Australie de faire retraiter en France ?

1.   Se libérer d'éléments combustibles corrodables. Récupérer les déchets (de haute activité initiale) sous forme d'un seul petit bloc de verre chimiquement inerte, facile à entreposer jusqu'au jour où une solution sera disponible pour le stockage définitif des déchets de ce pays.

2.   Ne plus avoir à surveiller l'uranium encore très enrichi des éléments combustibles pour le protéger des détournements. Après traitement à la Hague, cet uranium, qui représente une masse très faible, aura été dilué dans le flux de l'uranium contenu dans les éléments combustibles de centrales électrogènes traités en même temps dans l'usine. Il en sortira donc à une teneur d'environ 0,8 % d'uranium 235.

 

Quel est l'intérêt du retraitement pour COGEMA ?

C'est une activité lucrative, susceptible de se développer avec les combustibles d'autres réacteurs de recherche. A partir de 2006, les Etats-Unis n'accepteront plus que leur soient retournés les combustibles usés fabriqués à partir d'uranium ayant été enrichi par leurs usines, laissant de nombreux pays avec un grave problème. Ces pays, à condition de disposer d'un financement, auront une solution COGEMA. Il n'existe pas actuellement d'autre installation dans le monde susceptible de fournir cette prestation. »

 

Par ces explications, vous avez bien compris que :

l’uranium très enrichi, s’il est récupéré en quantité suffisante,

peut permettre de fabriquer une bombe atomique véritable

à quelqu’un qui aurait appris comment faire.

Dans toutes sortes de pays il est donc crucial de retirer cet uranium-là

des centres difficiles à surveiller de façon efficace et permanente.

Le diluer comme le fera COGEMA est ainsi une action d’utilité publique.

Dans le cas présent, l’uranium très enrichi australien (300 kg)

se mélangera à l’uranium provenant des réacteurs « à eau légère »,

et deviendra propriété de COGEMA,

qui s’en resservira le jour venu pour fabriquer des combustibles.

 

Revenons-en à cet arrêt.

 

L’arrêt de la Cour d’appel de Caen constate que

« le contrat conclu ne permettait de relever aucune prévision d’une utilisation quelconque du combustible usé »

(Les Echos du 14 avril).

Nous venons d’expliquer que l’uranium contenu sera réutilisé.

 

Elle considère donc ces éléments combustibles comme des déchets.

La cour n’a donc pas suivi Cogema…, s’alignant ainsi sur

la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, pour qui tout résidu d’un processus industriel, non recherché comme tel, est un déchet,

même s’il est revendu (Le Figaro du 19 avril).

 « non recherché comme tel » paraît ambigu.

Ici le résidu est utilisé

pour en extraire l’uranium. N’est-il pas « recherché »?

Et nous venons d’expliquer la finalité principale :

diluer l’uranium très enrichi,

matière très sensible.

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2.2.3.      Retraitement des combustibles nucléaires en général

 

Revenons-en aux articles de presse parus au sujet des éléments combustibles australiens.

Nous allons voir que Greenpeace tente de généraliser la situation, dans l’espoir de faire condamner le retraitement à La Hague. Nous allons, là aussi, expliquer la logique de cette opération.

 

On lit par exemple dans L’Express du 25 avril :

Greenpeace n’a pas l’intention d’en rester là. Des dizaines de tonnes de combustibles en fin de vie, en provenance de Belgique, du Japon, d’Allemagne, d’Espagne ou d’Europe du Nord, pataugent[17] dans les piscines de refroidissement de La Hague en attendant un « recyclage » hypothétique. Faisant de la France la première décharge nucléaire du monde, en toute illégalité.

C’est complètement faux : tous les contrats entre COGEMA et ses clients stipulent que les combustibles seront retraités et que

les déchets seront retournés

au pays d’origine, et c’est fait régulièrement depuis 1995.

La loi française stipule :

Le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement.

Il n’est pas spécifié de délai pour l’entreposage entre l’arrivée des produits à l’usine et le retraitement.

 

Nous allons expliquer plus loin que des délais sont en général nécessaires avant retraitement.

C’est pour cette raison que les Autorités françaises ne veulent délivrer leur autorisation définitive

qu’au dernier moment,

après avoir vérifié que les installations sont adaptées,

bien entretenues,

se prêtent effectivement au travail programmé,

et que le personnel est convenablement formé.

.

Or justement dans le cas des combustibles australiens, la Cour d’appel reproche à COGEMA de ne pas avoir depuis le début les autorisations d’entreposer et de traiter.

COGEMA avait reçu l’autorisation de principe[18].

 

Faisons maintenant une petite liste de raisons qui font que des délais d’entreposage s’imposent pour les éléments combustibles usés, avant retraitement (nous parlons, cette fois, des combustibles des réacteurs électrogènes).

 

Il faut laisser le combustible « refroidir », car il émet

un rayonnement puissant et

un flux de chaleur important,

pénalisants pour le retraitement, et

qui diminuent tous les deux avec le temps.

quelques années pour les combustibles à oxyde d’uranium,

plus d’une dizaine d’années pour les combustibles Mox

Les capacités d’entreposage dans les piscines

sur les sites des centrales étant limitées, il est logique de transporter les éléments combustibles à La Hague,

même si le moment du retraitement n’est pas encore venu, afin de poursuivre le refroidissement.

L’autre solution est

(par exemple. en Allemagne) l’entreposage à sec

chez le client. Cela lui coûte en investissement et en place. Il peut aussi s’en voir refuser l’autorisation.

L’entreposage peut également être rendu nécessaire

par un délai d’adaptation des installations de retraitement.

Ce fut le cas des combustibles australiens.

D’autres raisons sont liées à la stratégie du client pour le plutonium et l’uranium récupérés par retraitement :

L’une d’elles, liée à la physique, conduit les clients à demander à COGEMA d’attendre toujours le dernier moment pour faire son travail[19] !

En effet, le plutonium qui se forme dans le combustible

en cours d’irradiation dans le réacteur comprend

des atomes de plutonium 238, 239, 240, 241 et même 242,

les « impairs », 239 et 241, étant fissiles ; mais

le plutonium 241 a une période[20] relativement courte (14 ans)

et se transforme peu à peu en américium 241

qui est un poison pour les neutrons.

Cet américium pénalise donc le client. Il en veut le moins possible.

Quand le client veut charger des combustibles Mox dans ses réacteurs, il demande donc à COGEMA de faire le plus tard possible :

le retraitement qui purifie le plutonium[21], puis

la fabrication du combustible Mox avec ce plutonium.

 

On voit ainsi que des facteurs multiples jouent sur la date de retraitement. Jusque là, le combustible doit être entreposé un certain temps à La Hague. Ce temps se chiffre en années.

 

Terminons ce chapitre en disant que circule à l’AIEA l’idée qu’il faut essayer d’empêcher[22] chaque pays nucléarisé (on pense à l’Iran) de construire des installations nationales pour les opérations névralgiques du cycle du combustible, enrichissement et retraitement. Les installations internationales sont plus faciles à surveiller. La Hague en est une. Mieux vaut entreposer les éléments combustibles usés à La Hague par exemple, qu’un peu partout dans le monde.

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3.         Remises sur les rails sur des sujets divers

 

3.1.      Tchernobyl

 

L’anniversaire de l’accident de Tchernobyl nous a valu un déferlement d’articles et d’émissions mettant en cause les autorités françaises de l’époque ; cela d’autant plus qu’une investigation a été confiée par une juge à deux experts, pour piocher dans les dossiers des services de l’Etat, et que ces experts ont laissé connaître au public des nouvelles qui paraissent très étonnantes:

-         les services de l’Etat auraient publié des chiffres de contamination inférieurs aux chiffres mesurés,

-         des instructions auraient été données pour ne pas diffuser certains chiffres élevés.

Reviennent aussi dans les médias les constatations ironiques, sur le fait que partout ailleurs qu’en France on a pris des mesures pour empêcher la commercialisation de certains produits agricoles. On en déduit naturellement que c’est en France qu’on a eu tort, que c’était pour protéger l’industrie nucléaire et les agriculteurs au détriment de la santé publique !

Comme vous allez le voir, c’est en réalité tout le contraire :

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Il est normal que les médias aient du mal à s’y retrouver dans toutes ces informations : on ne leur explique pas clairement tout cela. Mais on doit reprocher aux médias de ne pas solliciter l’avis des médecins spécialistes de médecine nucléaire : ils reconnaissent la compétence du Professeur Pellerin et du SCPRI de l’époque, et font une analyse beaucoup plus pertinente de la réalité des conséquences sanitaires que les déclarations alarmistes des associations anti-nucléaires.

 

Y compris sur le point essentiel concernant l’éventualité de cancers de la thyroïde dus à l’iode provenant de Tchernobyl.

Le Professeur Aurengo[29] explique[30] que

dans la survenance de ces cancers le débit de dose élevé,

c’est-à-dire la vitesse à laquelle la personne a reçu les rayonnements,

est très important. Il était très élevé au voisinage de Tchernobyl

du fait des iodes à vie très courte :

-         132 (période de 2,4 heures) et

-         133 (période 20,8 heures)[31].

A l’arrivée du nuage en France quatre jours plus tard,

il ne restait que très peu de 133 et de 132 et,

la dose à la thyroïde étant environ 100 fois plus faible qu’en Ukraine, le débit de dose était également 100 fois plus faible.

Pour les enfants, les doses maximales calculées sont 8 fois plus faibles que celles où l’augmentation du risque de cancer de la thyroïde devient significative.

 Pour les adultes, les doses sont beaucoup plus faibles et l’iode radioactif ne donne pas de cancer de la thyroïde à l’adulte.

 

 

Les médias devraient accorder foi davantage à ces médecins compétents qu’aux antinucléaires sans formation spécifique qui prennent la parole tous les ans à cette époque. Il était même choquant de lire dans un grand quotidien du matin, le jour anniversaire de l’accident, le 26 avril : « André Aurengo étant un proche du Pr Pellerin, on comprend pourquoi, en 2003, il a dénoncé avec une extrême virulence la carte de contamination publiée à l’occasion du 17e anniversaire de Tchernobyl par l’IRSN (le nouvel organisme public d’expertise né en 2002 de la fusion entre l’IPSN et l’Opri) ». En réalité, le Professeur Aurengo s’est simplement étonné que cette carte soit calculée sans tenir compte des retombées des essais nucléaires, à partir de données mesurées des années après l’accident, en faisant sur la composition du nuage des hypothèses démenties par les mesures et en multipliant la pluie d’un jour par la contamination de l’air d’un autre jour pour estimer les retombées. Simples remarques de bon sens que n’importe qui aurait pu (et dû ?) faire.

Autre bobard : on entend dire que le « lobby nucléaire » et le gouvernement de l’époque avaient intérêt à minimiser les conséquences sanitaires de Tchernobyl. Non : Tchernobyl a été un accident soviétique sur un réacteur soviétique. Rien à voir avec ce qui peut se passer avec nos réacteurs, dans un monde où l’assurance qualité a un sens et où il existe une autorité de sûreté indépendante des exploitants des centrales. Le monde du nucléaire reconnaît bien que Tchernobyl a été un accident d’une très grande gravité : au maximum de l’échelle INES de gravité des accidents nucléaires.

Ceci dit, reconnaissons qu’en 1986 la communication a été très mauvaise et que des bêtises ont été dites sur le nuage de Tchernobyl :

-         le 29 avril, FR3-soir Météo a annoncé : « Un anticyclone protègera la France jusqu’au 2 mai. » ;

-         un communiqué de presse du 6 mai 2005 du Ministère de l’Agriculture expliquait : « Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l’accident de la centrale de Tchernobyl. A aucun moment les hausses observées de radioactivité n’ont posé le moindre problème d’hygiène publique. » La première phrase prise isolément était trompeuse.

Mais imputer ces déclarations à une influence du Professeur Pellerin ou des promoteurs de l’industrie nucléaire relève de la fiction.

Et on peut également s’étonner que Libération ait pu écrire :

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3.2.            Niger

La Criirad[32] a lancé une large campagne de presse sur le ton : ce n’est pas sûr encore, mais il est probable que COGEMA agit très mal au Niger avec le personnel de ses filiales minières et la population, sur le plan sanitaire !

Nous n’entrerons pas du tout dans les détails, mais il paraît correct de dire ceci :

 



[1] 1000 MWe se lit 1000 mégawatts électriques, soit 1 million de kilowatts.

[2] European Pressurised water Reactor

[3] Il concerne les éoliennes : les députés veulent qu’on ne garantisse un prix de rachat de courant qu’à des installations assez grandes pour que les dépenses de connexion au réseau en vaillent la peine, tandis que les sénateurs considèrent que ce serait tuer les petits projets, et que ce n’est pas moral !

 

[4] Agence Internationale de l’Energie Atomique

[5] après réparations, bien sûr

[6] Opinion collective des experts réunis par l’AIEA, l’OCDE/AEN, la Commission Européenne.

[7] Cf. Remettre sur les rails n° 13, §3.4. Et Le Point du 18 novembre titre : Oklo, réacteur nucléaire naturel. La nature a découvert le secret du stockage des déchets radioactifs

[8] Coefficient de 100 dans le cas le moins favorable. Bien sûr, on sait que les calculs comportent des incertitudes, mais ces coefficients de sécurité inspirent confiance aux spécialistes, les confortent dans la pensée que l’industrie nucléaire ne se lance pas dans une impasse.

On sait bien qu’il faut des éléments plus concrets pour convaincre les non-spécialistes. Nous en avons énuméré beaucoup dans les numéros passés de Remettre sur les rails.

[9] On le sait d’une part par les propriétés de l’obsidienne naturelle, mais d’autre part on l’a montré par des expériences accélérées sur les déchets vitrifiés (températures plus élevées, dispositifs renouvelant l’eau de façon excessivement efficace). Il s’avère que la résistance du verre de ces déchets à la corrosion par l’eau est encore nettement plus remarquable que les premières expériences déjà très satisfaisantes le laissaient supposer. Ils ne perdraient pas plus de 0,1% de leur masse s’ils étaient directement dans l’eau pendant 10000 ans !

[10] On dit maintenant « traitement », plutôt que « retraitement ». Pour les anciens que nous sommes, traitement était le mot utilisé pour le traitement des minerais d’uranium. Nous avons décidé, jusqu’à nouvel ordre, de conserver notre terminologie d’autrefois

[11] Plus précisément, sa « composition isotopique » : pour fabriquer des bombes, il faut essentiellement du plutonium 239.

[12] Mox veut dire : Mixed Oxides, ou Mélange d’Oxydes, d’uranium et de plutonium.

[13] Mox veut dire : Mixed Oxides, ou Mélange d’Oxydes, d’uranium et de plutonium.

[13] Philippe Fournier a écrit par exemple: “Un coup d’œil sur la composition d’un élément combustible

à sa sortie d’un réacteur standard type EDF 9OO MWe, après qu’il y est resté environ 4 ans

et qu’il a fourni à lui seul de l’ordre de 160 GWh (160 millions de kWh !) pendant cette période,

permet de comprendre l’intérêt du retraitement :

Il contient encore 93,8% d’uranium, dont 0,7 à 0,8% d’U235,

il contient environ 1,2% de plutonium dont 0,7 à 0,8% d’isotopes impairs fissiles,

il ne contient  que  5% de déchets dont 4,9% de produits de fission et 0,1% d’actinides mineurs,

les seules vraies « cendres » de la combustion nucléaire.

Il est donc physiquement logique de retraiter, compte tenu du potentiel énergétique encore contenu

dans ce combustible : 1,5% de matériau fissile (U235 + isotopes impairs du Pu), c’est mieux que l’U naturel !!

Et encore sans prendre en compte l’U238 et son potentiel énergétique, par exemple dans les réacteurs rapides.

Qui aurait l’idée de jeter sa bûche de bois après en avoir brûlé seulement 5% ?”

 

[14] La Suisse vient de se joindre aux dix pays du Forum International Génération IV, qui a décidé d’étudier quatre filières de réacteurs à neutrons rapides du futur.

[15] La fusion nucléaire est encore bien loin d’apparaître comme une future méthode industrielle de production d’électricité. Nombreux sont ceux qui pensent que, même si cela vaut la peine d’essayer, faire un soleil sur la Terre ne sera sans doute jamais praticable industriellement. Il faut donc impérativement se lancer dans le développement de la fission à neutrons rapides.

[16] cf. Remettre sur les rails n° 15 de juin 2004, § 2.4

[17] « pataugent »est un mot qui fait penser au cochon dans la boue ; or rien n’est plus clair que l’eau des piscines, et les éléments combustibles entreposés sont complètement immobiles !

[18] Les autorisations définitives ont maintenant été données à COGEMA :

Le retraitement des combustibles australiens vient de débuter à La Hague (Le Figaro du 10 juin).

 

[19] du moins quand il y a une quantité substantielle de plutonium à récupérer, ce qui n’est pas le cas des combustibles australiens, car l’uranium très enrichi contient 93% d’uranium 235, donc seulement 7% d’uranium  238 d’où se forment le plutonium 239, puis les autres plutoniums.

[20] La période d’un radionucléide est le temps au bout duquel la moitié de ses atomes ont disparu par décroissance naturelle.

[21] L’américium 241 formé avant le retraitement est alors éliminé avec les produits de fission et incorporé avec eux dans les verres.

[22] bien que cela ne soit pas interdit par le traité de non prolifération des armes nucléaires.

[23] Ils avaient en particulier mis en place et exploité un réseau de mesures lors des essais nucléaires militaires dans l’atmosphère, pour étudier le transfert des atomes radioactifs dans la chaîne alimentaire : du sol à l’herbe, de l’herbe à la vache et à son lait, et à la thyroïde des bovins.

[24] Ce sont des chiffres établis internationalement par la CIPR, Commission Internationale de Protection contre les Radiations.

[25] En revanche, il fallait surveiller les végétaux importés d’autres pays, susceptibles d’être beaucoup plus contaminés.

[26] Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants, dirigé à l’époque par le Professeur Pellerin

[27] P. Galle et al., C.R. Biologies 326 (2003), dont un résumé vient de paraître dans la Revue Générale Nucléaire (RGN) de janvier-février 2005, p. 42. On y explique, entre autre,

-          comment le SCPRI a acquis son expérience (que nous avons qualifiée d’ »exceptionnelle connaissance ») ;

-          qu’on ne peut correctement estimer la part de contamination des sols antérieure à Tchernobyl que si l’on a mesuré juste après l’accident, sur des prélèvements bien faits, le rapport de deux isotopes du césium, ce qu’a correctement fait le SCPRI, et qu’on ne peut faire a posteriori.

Nous vous donnons ces précisions non pas pour que vous reteniez tout cela, mais pour expliquer pourquoi nous sommes convaincus que les autorités françaises ont eu une attitude remarquable, beaucoup plus compétente et responsable que la plupart des autres.

[28] L’origine de ce polonium 210 était expliquée à la fin du §2.2.1 du même numéro.

[29] Chef du service de médecine nucléaire à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris ; il y a soigné avec succès trente-trois enfants de la région de Tchernobyl atteints de cancer de la thyroïde.

[30] Conférence au MEDEC (salon des médecins) en mars 2003

[31] Rappelons que la période d’un atome radioactif est par définition le temps au bout duquel la moitié de ses atomes se sont désintégrés. Vous vous souvenez que plus un type d’atomes a une période courte, plus il émet fort et, s’il atteint le corps, occasionne rapidement un dommage aux cellules : on dit que le débit de dose est élevé.

[32] Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité, organisation antinucléaire, comme vous savez.

[33] Institut français de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire