n07.doc

REMETTRE SUR LES RAILS N° 24

Juin 2007

 

 

A chaque énergie sa place.

Mais n’ayons pas peur de l’énergie nucléaire !

 

 

 

 

Ce bulletin est l’œuvre collective des retraités de l’UARGA,

   l’Union des Associations de Retraités du Groupe Areva.

Ils souhaitent que la masse de connaissances et l’expérience

qu’ils ont accumulées au cours de leur carrière sur des sujets complexes,

réalités scientifiques et technologiques,

puissent servir à leurs collègues retraités, et aussi à leurs concitoyens,

en particulier à ceux qui sont chargés de l’information du public.

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

1.     La conjoncture, pour le nucléaire. 2

2.     Explications sur des sujets de fond, concernant l’actualité. 5

2.1.      L’EPR et les réacteurs de 4ème génération. 5

2.2.      Les mines d’uranium du Niger et du Gabon. 7

2.2.1.       Les critiques. 8

2.2.2.       Radioprotection : les autorités des deux pays ont fait appel à l’AIEA.. 9

2.2.3.       Les sites miniers. 9

2.2.4.       Les risques dus à la radioactivité sur les sites miniers. 10

2.2.5.       La radioprotection du personnel et de la population. 12

2.2.6.       Aérage dans les mines souterraines. 13

2.2.7.       Surveillance radioactive. Appareils de mesure pour la radioprotection. 13

2.2.8.       Cancers, maladies professionnelles. 14

2.2.9.       Les résidus de traitement 16

2.2.10.     Contamination des eaux. 16

2.2.11.     Réaménagements de mines. 16

2.2.12.     Conclusion. 16

3.     Remises sur les rails sur des sujets divers. 17

3.1.      Nucléaire condamné faute de réserves d’uranium ?. 17

3.2.      Démantèlement de Brennilis, de Superphénix. 17

 


1.                  La conjoncture, pour le nucléaire

 

Un G7 atomique, titre Libération du 16 avril ! Le nucléaire plébiscité. Pour assurer la « sécurité énergétique » et « faire face au changement climatique », il est nécessaire de diversifier les sources d’approvisionnement à travers des « technologies énergétiques avancées, comme les énergies renouvelables, le nucléaire et le charbon propre[1] »…

 

Le gouvernement britannique a publié le 24 mai un nouveau Livre Blanc sur la politique énergétique. Les Echos en cite un passage concernant le nucléaire : « Il est dans l’intérêt du public de donner au secteur privé l’option d’investir dans de nouvelles centrales nucléaires. » Depuis deux ans, les grands énergéticiens internationaux, EDF, RWE et autres EON font le siège de Downing Street pour marteler leur envie d’investir en Grande-Bretagne. Mais ils réclament la mise en place d’un cadre réglementaire stable. Le nombre de réacteurs qui seraient construits n’est pas fixé, mais The Independent parle de cinq. Une consultation publique est lancée par le ministère du commerce et de l’industrie pour une durée de 20 semaines. A son issue, le gouvernement annoncera ses décisions.

 

Moscou revient en force dans le nucléaire civil, titre La Tribune du 26 mars. L’article parle de cinq réacteurs [de fabrication russe] déjà en construction sur des centrales nucléaires chinoises, indiennes et sur la centrale iranienne de Busher. Moscou profite des tarifs élevés du pétrole… Sa technologie datant de l’époque soviétique reste très compétitive au niveau des prix, en particulier dans les pays émergents. L’article parle d’accords en cours de finalisation pour trois réacteurs au Kazakhstan et deux en Ukraine.

 

Le président Poutine a signé le décret de création d’Atomenergoprom, cette firme immense qu’on avait annoncée comme devant être construite comme Areva, mais qui couvrira aussi les activités d’EDF ! D’après Nucleonics Week du 26 avril, le programme national russe envisage de démarrer la construction d’une unité par an à partir de 2009, deux à partir de 2012, trois à partir de 2015, et quatre à partir de 2016. L’idée est de conserver le gaz pour l’exportation, qui est lucrative. Il s’agit aussi, on vient de le voir, de vendre des réacteurs à l’étranger

 

Une très bonne chose pour la France : on lit dans Les Echos du 3 avril qu’un accord cadre de co-entreprise a été signé entre Atomenergomash, filiale d’Atomenergoprom, et Alstom pour équiper « l’îlot conventionnel », des centrales nucléaires à construire en Russie ou éventuellement à l’étranger. L’îlot conventionnel, c’est leur partie non nucléaire. Cette co-entreprise sera un fournisseur privilégié (le seul, d’ailleurs, grâce à la technologie Alstom, capable de fabriquer les turbines au-delà de 1000 mégawatts[2]).

 

Il est intéressant, enfin, de voir que les Russes commencent à construire des réacteurs nucléaires flottants, de 70 mégawatts (Reuters le 19 avril). L’achèvement de la première centrale est prévu en 2010 et six autres pourraient suivre. L’article évoque, comme applications, la production d’électricité ou le dessalement d’eau de mer.

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La France sort de l’incertitude ! Parmi les candidats qui avaient une chance d’être élus, Nicolas Sarkozy était le seul à avoir pris des positions claires concernant le nucléaire, l’EPR, et les réacteurs de 4ème génération (Nucleonics Week du 10 mai cite de larges extraits de sa longue réponse, avant les élections, aux questions de Bruno Comby, président de l’Association des Ecologistes Pour le Nucléaire). Les projets vont pouvoir se dérouler comme prévu. La construction de l’EPR[3] de Flamanville avait été autorisée par le gouvernement peu avant l’élection présidentielle, après l’accomplissement de toutes les procédures légales[4]. Et les commandes principales sont passées.

 

Les filiales d’Areva se préparent à une accélération de la construction de centrales nucléaires dans le monde, en augmentant considérablement leur capacité et en se modernisant : Au Niger, on parle de doubler la production de concentré (voir au paragraphe 2.2. ce qu’on appelle concentré). En France, pour le « raffinage – conversion », c’est-à-dire la transformation de concentré en hexafluorure d’uranium UF6 (le composé apte à subir l’enrichissement en uranium 235), Comurhex va augmenter sa capacité de 50 %, près de Narbonne (Aude) et à Pierrelatte (Drôme). La filiale FBFC[5] qui utilise l’UF6 enrichi pour fabriquer les éléments combustibles fait de même à Romans, dans la Drôme. Tous ces projets seront menés à bien dans les toutes prochaines années.

 

Oui, mais le nucléaire ne pourra vraiment se développer que si le public l’accepte. C’est pourquoi il est intéressant de noter ce qui se passe dans la région où devrait être construit le futur stockage de déchets de haute activité et à vie longue. On peut se réjouir qu’Areva, EDF, le CEA et l’ANDRA[6] fassent maintenant des efforts concrets pour apporter des activités dans cette région, en Haute-Marne et dans la Meuse. Un exemple : l’utilisation de la biomasse pour produire de l’énergie.

 

Dans le domaine de la recherche nucléaire aussi, l’élection présidentielle devrait assurer la continuité, en particulier pour le développement des réacteurs de 4ème génération. On a vu dans tous les derniers numéros de Remettre sur les rails que l’avenir repose sur les réacteurs à neutrons rapides[7] qui consommeront très, très peu d’uranium. C’est pourquoi Les Echos du 20 mars, parlant de ces réacteurs, titre : Le nucléaire « durable » dans quarante ans. Alain Juppé a confirmé qu’il n’accepterait pas de remettre en question l’EPR, ni la 4ème génération, dans le cadre du « Grenelle de l’environnement » ! Cette recherche sur les réacteurs de 4ème génération est d’ailleurs internationale, comme il était expliqué dans notre numéro de février. Elle déborde déjà sur l’industrie, au Japon en particulier, où le gouvernement a chargé Mitsubishi Heavy Industries de développer un réacteur à neutrons rapides. C’est, bien sûr, un développement à long terme.

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Il faut aussi parler du retraitement des combustibles usés, l’opération qui permet de séparer les vrais déchets des éléments valorisables que sont l’uranium résiduel et le plutonium[8], en vue de les recycler. Le retraitement, on a vu dans le numéro 23 de Remettre sur les rails (février 2007) que les Américains envisageaient très fermement d’y revenir après l’avoir banni pendant les années Carter et Clinton. Ils envisagent d’y revenir[9], à condition qu’il n’aboutisse plus au plutonium pur, trop susceptible, d’après eux, d’attirer les terroristes. A ce sujet, La Lettre de l’Expansion du 2 avril dit : Les Etats-Unis se sont finalement ralliés au procédé Coex[10] … proposé par Areva . Cela ne veut évidemment pas dire que la décision soit déjà prise de construire une usine de retraitement.

 

Notons que les Italiens viennent de confier à Areva le soin de retraiter leurs vieux combustibles usés. C’est l’occasion pour La Tribune  du 10 mai d’expliquer que quatre pays d’Europe qui avaient décidé d’abandonner le retraitement vont sans doute reconsidérer cette décision : l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique et la Suisse, à la faveur peut-être d’un changement politique. De même qu’il est logique de décider de ne pas chercher à récupérer le plutonium contenu dans les combustibles usés si l’on a décidé d’abandonner le nucléaire, de même si l’on décide de construire de nouvelles centrales, il est logique d’envisager le retraitement afin de pouvoir recycler le plutonium et l’uranium résiduels.

 

En Allemagne, les industriels poussent vigoureusement pour qu’il soit mis fin à la « sortie du nucléaire », c’est-à-dire que l’on maintienne les réacteurs en service tant que la sûreté et l’économie le permettent. Le ministre CDU de l’industrie le souhaite, mais le ministre SPD de l’environnement s’y oppose absolument. En particulier il vient de rejeter la demande de RWE de prolonger l’exploitation du réacteur Biblis A. La chancelière n’envisage pas de renier son engagement, pris à contrecœur lorsqu’elle a établi sa coalition pour gouverner : l’engagement de ne rien changer, pendant la durée de cette législature, à la sortie du nucléaire décidée sous le chancelier Schröder. Mais, d’après Nucleonics Week du 22 février, si les industriels doivent arrêter tel ou tel réacteur, ils pourraient ne pas le démanteler : ils le mettraient sous cocon, en attendant une conjoncture politique favorable au nucléaire ! La licence d’exploitation, en effet, resterait valable, elle ne serait pas automatiquement annulée.

 

Sous le titre L’Agence internationale de l’énergie appelle Berlin à conserver le nucléaire, l’AFP du 4 juin cite des extraits du communiqué de cette agence de l’OCDE, et en particulier ces deux phrases : Sans aucun doute, une sortie du nucléaire limitera la capacité de l’Allemagne à réduire ses émissions (de dioxyde de carbone). L’AIE presse le gouvernement de reconsidérer sa décision de sortir du nucléaire.

 

En Belgique, le gouvernement gauche – libéral reconnaissait qu’on ne tiendrait pas les objectifs de Kyoto si l’on poursuivait le plan de fermeture des centrales nucléaires (Le Soir du 25 mai). On peut penser que la nouvelle majorité de droite pourrait abandonner ce plan.

 

En Espagne, le premier ministre Zapatero veut lancer un plan de réduction de l’énergie nucléaire sur 30 ans (El Pais le 15 mars), mais des investisseurs ont déclaré (La Lettre A du 30 mars) être prêts à investir dans un parc de réacteurs nucléaires de 10 000 mégawatts.

 

En Suisse (AFP le 21 février), dans une « stratégie » adoptée par les ministres à la suite d’un débat difficile entre gauche et droite, le gouvernement a jugé nécessaire de remplacer les centrales existantes ou d’en construire de nouvelles ».

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En Finlande, les industriels se préparent pour le jour où le gouvernement décidera, comme ils l’espèrent, de construire un sixième réacteur nucléaire. Il vient d’ailleurs d’être question d’un septième, souhaité par les métallurgistes Outokumpu et Boliden.

 

L’Afrique du Sud a subi au Cap deux « blackouts » importants en douze mois. Elle veut construire au moins un nouveau réacteur à eau, et envisage de construire 24 modules du réacteur à haute température PBMR[11], de 165 mégawatts chacun, soit 4 000 mégawatts au total (à condition que la technologie soit compétitive).

 

En Australie (Le Figaro Economie du 5 juin), le premier ministre … a rompu un tabou en affirmant que son pays investira dans le nucléaire si la coalition de droite est réélue cette année. La loi fédérale, actuellement, l’interdit. Position courageuse juste avant des élections nationales.

 

Terminons par la Chine : On trouve une analyse intéressante dans La Vanguardia du 24 avril, sous le titre « Nous avons besoin d’une centaine de centrales nucléaires ». Le lobby nucléaire n’est pas satisfait pour deux raisons. La première est que les autorités nationales accordent trop de place aux énergies renouvelables. Voici ce qui est dit de la seconde : Le gouvernement va importer la technologie nucléaire de l’étranger et signer de juteux contrats avec les Etats-Unis, la France et la Russie, pour continuer à satisfaire des nations qui se plaignent des déséquilibres de leurs balances commerciales avec la Chine. C’est ce qu’explique en tout cas Qian Jihui, ancien directeur général adjoint de l’AIEA et conseiller auprès de la China National Nuclear Corporation. Il considère que cela se fait au détriment du développement d’une technologie nucléaire nationale. Nucleonics Week du 3 mai indique effectivement que le réacteur chinois de 1000 mégawatts de 3ème génération prend du retard.

 

Nous ne parlons pas d’autres pays comme la Jordanie, qui prennent des dispositions pour pouvoir se lancer dans la production d’électricité nucléaire.

 

On voit bien que le monde se prépare intensément à un grand départ !

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2.         Explications sur des sujets de fond, concernant l’actualité

 

2.1.      L’EPR et les réacteurs de 4ème génération

 

Il nous faut revenir sur un point important que nous évoquions dans notre dernier numéro, pour répondre à un commentaire d’un lecteur. Sans doute d’autres que lui ont-ils pensé la même chose, sans nous l’écrire ! Nous expliquions pourquoi il faudra exploiter très longtemps en parallèle, au cours de ce siècle, des réacteurs à eau, tels que l’EPR, et les réacteurs à neutrons rapides dits « de 4ème génération ». Avant d’en venir au commentaire de notre lecteur, revenons sur le raisonnement.

 

Quant à la stratégie énergétique, il s’articule ainsi :

Dans notre dernier numéro, nous avons donc répété que la construction en France de réacteurs EPR, la version la plus moderne et la plus sûre des réacteurs à eau, apparaissait indispensable sans attendre l’arrivée à maturité des réacteurs à neutrons rapides de la 4ème génération, ne serait-ce que pour fabriquer le plutonium des premiers cœurs de ces réacteurs à neutrons rapides. Il y a d’autres raisons qui sont largement citées, mais nous insistions sur celle-ci, dont malheureusement personne ne parle pour le moment, sans doute parce qu’elle est relative au plutonium, et que ce mot semble faire peur au public[14] !

 

Vu le résultat des élections, il semble heureusement qu’il n’y ait plus de soucis à se faire : la construction de l’EPR de Flamanville va se poursuivre. On ne va pas rompre l’effort sur l’EPR comme on avait fait pour Superphénix en 1997 ! Aujourd’hui le monde entier, avec le Forum International Génération IV, reconnaît l’intérêt majeur de la filière de Superphénix.

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Venons-en au commentaire de notre lecteur. Sa critique porte sur la phrase suivante :

« La raison pour laquelle il faut maintenir en exploitation des réacteurs à eau jusqu’à 2080 ou 2100, c’est qu’on a besoin d’eux pour fabriquer à l’avance du plutonium afin de constituer les deux premiers cœurs des réacteurs rapides : 14 tonnes par tranche de 1000 mégawatts. »

Notre lecteur s’est montré très interrogatif sur le fait que nous parlions des années 2080 à 2100 ! Se placer dans une perspective à 70 ou 90 ans à partir d’aujourd’hui, cela lui paraît « complètement irréaliste ».

 

Cela mérite effectivement une explication. Sans entrer dans le détail, qui serait bien trop compliqué, il est intéressant de citer le raisonnement de Louis Patarin[15] :

La disponibilité du plutonium … conditionne complètement la cinétique de la construction d'un parc [de réacteurs] rapide[s]. Le parc REP [de réacteurs à eau pressurisée] actuel fournit en gros chaque année le plutonium pour un nouveau réacteur rapide. Vers 2030 la France pourrait disposer donc du plutonium pour lancer un parc rapide d'une trentaine de réacteurs (à condition que le retraitement suive).

 

Louis Patarin précise ensuite les choses, considérant que l’important sera, avant que l’uranium devienne rare et très cher, de disposer de réacteurs à neutrons rapides qui, eux, n’en consommeront que très peu :

Tout dépend évidemment de l'arrivée de l'uranium naturel cher. 2050? ou 2100? Le scénario d'une rupture rapide dans la disponibilité de l'uranium naturel ne paraît pas crédible: dans ce cas seulement il serait à la limite possible de construire une trentaine de RNR [réacteurs à neutrons rapides] entre 2030 et 2040, et d'en doubler le nombre vers 2060-70. On croit plutôt à une montée plus progressive des RNR, entre 2030 et 2080, à partir du plutonium produit par les REP ... Ce scénario … implique que les REP coexistent avec les RNR jusqu'en 2080-2100, et c'est donc vers la fin du siècle que notre pays deviendrait totalement libéré de l'uranium naturel.

 

Les réacteurs à neutrons rapides auront alors pour combustible :

 

Voilà l’explication des dates 2080, 2100 !

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2.2.      Les mines d’uranium du Niger et du Gabon

 

Areva a été vivement critiquée par des associations et une ONG[16] au sujet de la protection sanitaire sur les sites des mines d’uranium au Niger et au Gabon.

 

Disons tout d’abord que Madame Lauvergeon a pris au sérieux ces griefs, en disant (AFP du 10 avril) : … Il ne faut jamais sous-estimer les peurs et les émotions. Il faut en tenir compte. Elle promettait de jouer la transparence absolue. L’AFP le 4 avril citait le directeur d’Areva concerné, qui disait : Nous avons bien enregistré les inquiétudes des travailleurs et proposé l’idée novatrice d’observatoires de la santé, sous l’égide des autorités nationales, avec la participation d’organismes scientifiques et d’ONG.

 

Les travaux de tels observatoires prendront du temps, et il sera intéressant de prendre connaissance de leurs conclusions le jour venu. Mais sans attendre, Remettre sur les rails est en mesure d’apporter un certain nombre d’éléments qui répondent aux critiques.

 

2.2.1.   Les critiques

 

Enumérons-les d’abord :

 

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2.2.2.   Radioprotection : les autorités des deux pays ont fait appel à l’AIEA

 

Dès les années 1970, les autorités compétentes du Niger et du Gabon ayant la responsabilité des mines (ministères des mines, du travail, de la santé, et de l’environnement), ayant pris connaissance de l’existence de risques liés à la radioactivité et conscients de la nécessité de s’en protéger (radioprotection), ont fait appel à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) pour former leur propre personnel, et pour les aider à mettre en place une réglementation contraignante concernant l’exploitation et la surveillance de ces mines[17]. Des missions d’experts internationaux ont ainsi eu lieu dans les deux pays à la demande de leurs dirigeants. Dans chacun des deux, la réglementation et l’organisation mises en place répondent ainsi aux standards internationaux. Les compagnies minières doivent se conformer à cette réglementation, qui précise les limites d’exposition mensuelle et annuelle.

 

Remettre sur les rails ne va pas tenter d’expliquer dans toute sa rigueur la logique de cette radioprotection, mais seulement essayer de donner des éléments permettant d’apprécier si les critiques énumérées ci-dessus sont justifiées ou non.

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2.2.3.   Les sites miniers

 

Comment se présentent les sites miniers du Niger et du Gabon ?

 

Ce sont, on le sait, deux pays très différents. Au Gabon, on est tout près de l’équateur, avec des pluies très importantes et une végétation luxuriante. Au Niger, on est en plein désert du Sahara. Il existe cependant des quantités importantes d’eau souterraine, fossile, c’est-à-dire vieille de nombreux siècles, qu’on exploite pour alimenter les populations d’une part, pour l’activité industrielle d’autre part.

 

Nous allons voir qu’un site minier, tel que ceux du Gabon et du Niger, se compose d’une mine (ou de plusieurs), d’une usine de traitement de minerai, et d’une ville. La radioprotection concerne tout ce monde.

 

Une mine, ce sont de grosses masses minéralisées qu’on a trouvées économiquement exploitables, dispersées dans un périmètre restreint, exploitées soit à ciel ouvert, soit en souterrain. Minéralisées, cela veut dire contenant des zones de minerai, rarement homogènes, mais aussi des zones stériles. Les minerais, au Niger comme au Gabon, ne contiennent que quelques kilos d’uranium par tonne. Pour produire 1000 tonnes d’uranium, il faut donc sortir de la mine de l’ordre de 300 000 tonnes de minerai, sans compter la roche dite stérile.

 

Pour éviter d’avoir à transporter, par exemple vers la France, des centaines de milliers de tonnes de minerai, une usine de traitement traite le minerai et concentre l’uranium en un volume beaucoup plus petit d’une poudre jaune qu’on appelle tout simplement « concentré ». Celui-ci contient entre 70 et 75 % d’uranium, suivant le procédé[18] et la forme chimique du concentré auquel il aboutit. Il y a deux usines de traitement au Niger, et une au Gabon (d’ailleurs aujourd’hui fermée, le minerai étant épuisé). Elles expédient le concentré là où le client le demande, dans des fûts de 220 litres[19]. (Notons en passant que certains articles de presse emploient le mot minerai lorsqu’il s’agit, en fait, de concentré.)

 

Il reste à proximité de l’usine les résidus de traitement, c’est-à-dire les restes du minerai broyé dont le traitement a retiré presque tout l’uranium, mais n’a pas retiré le radium qui l’accompagne. A proximité des mines, il reste aussi les roches que les mineurs ont trouvées sur leur chemin, qu’ils ont dû extraire, mais qui ne sont pas du minerai. Ces produits doivent être gérés. Il en sera question plus loin.

 

Enfin pour le personnel de chaque usine et celui des mines qui la desservent, on a construit une ville. Il y a ainsi deux villes voisines au Niger, Arlit et Akokan, et il y en a une au Gabon, Mounana. Au Gabon, l’exploitation est maintenant fermée et la population s’est reconvertie à des activités agricoles. Au Niger, l’activité minière au contraire va se développer encore, et les deux villes totalisent plusieurs dizaines de milliers d’habitants : les grandes familles des quelques centaines ou du millier de salariés de chaque mine, et toute une population qui vit autour de cette activité. Les hôpitaux traitent gratuitement tout ce monde pour toutes les sortes d’affections, et comprennent une maternité.

 

La radioprotection doit porter sur tout cela : mines, usine, et ville.

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2.2.4.   Les risques dus à la radioactivité sur les sites miniers

 

Quelques mots, pour commencer, sur la radioactivité naturelle :

 

Les atomes des 92 éléments naturels qui constituent la Terre, du plus léger, l’hydrogène, au plus lourd, l’uranium, ont tous un noyau composé de neutrons et de protons, entouré d’électrons.

 

Certains de ces atomes, notamment les plus lourds, sont instables. Suivant des mécanismes bien établis que les mathématiciens appellent « aléatoires[20] », ils éjectent :

·        soit un bloc de deux neutrons et deux protons, qu’on appelle particule alpha, et qui est un noyau d’hélium,

·        soit un électron, qu’on appelle « particule bêta ».

Ce faisant, ils se réajustent en formant un atome d’un élément plus léger qu’on appelle un descendant, souvent en émettant en parallèle un rayonnement « gamma » (plus pénétrant que les rayons X qui nous sont familiers dans l’imagerie médicale).

 

C’est le phénomène de radioactivité naturelle découvert par Becquerel.

 

Le nouvel élément est éventuellement lui-même instable. Il y a donc des cascades de descendants. C’est le cas dans les minerais d’uranium : on y trouve réunis dans la même roche tous les éléments de la cascade ! Certains éléments de ces cascades peuvent avoir une action sur le corps : les plus critiques sont le radium, et le radon avec ses descendants à vie courte.

 

L’impact du rayonnement, par l’énergie qu’il apporte, est susceptible d’ioniser la matière vivante, créant ainsi des dommages au niveau cellulaire ou chromosomique.

 

Il en résulte un risque sanitaire qu’il faut prendre en compte par une politique de prévention et de gestion. Cette politique a deux volets :

·        celui du risque auquel sont exposés les travailleurs,

·        celui du risque auquel sont exposées les populations,

au travers des différents mécanismes de transport de ces éléments dans l’environnement.

 

Le caractère dangereux (la « dangerosité » comme on dit aujourd’hui) des rayonnements ionisants est lié à la nature des constituants éjectés par le noyau (alpha, bêta, gamma), et à la manière dont ils transfèrent leur énergie à la matière atomique traversée :

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Sur ces sites miniers, les risques liés à la radioactivité, dans les mines d’uranium et dans les usines de traitement de minerai, ont trois origines :

En plus de l’aérage et de l’arrosage, une autre disposition permet de réduire l’exposition du personnel : le « gunitage » de certaines galeries de mine. Cela consiste à les recouvrir d’une sorte de crépi solide.

 

2.2.5.   La radioprotection du personnel et de la population

 

Pour déterminer quels niveaux de radioactivité peuvent être considérés comme sans danger pour le corps (pour toutes les sortes de rayonnements ionisants), les experts et médecins du monde entier se réunissent périodiquement au sein de la Commission Internationale de Protection Radiologique, la CIPR, pour produire ou réviser des recommandations. Tous ces gens sont complètement indépendants des exploitants industriels. Les autorités de chaque pays traduisent ces recommandations dans leurs textes nationaux.

 

Par ailleurs les experts en radioprotection des pays concernés, par exemple pour la radioprotection sur les sites miniers, se réunissent en tant que de besoin sous l’égide de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, AIEA, pour mettre en commun leur savoir, d’une part sur la mesure des rayonnements, d’autre part sur les technologies qui peuvent être mises en œuvre pour assurer la sécurité du personnel dans les exploitations minières (plus généralement, dans les installations nucléaires), et celle de la population avoisinante.

 

L’AIEA organise aussi d’une part des missions d’inspection et de conseil, et d’autre part des séminaires de formation.

En France, c’est l’IRSN, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, à l’époque IPSN[24], qui détient l’expertise dans ce domaine. Ses experts participent aux travaux sous l’égide de l’AIEA. L’IPSN a aussi aidé, dans le cadre de contrats d’assistance annuels, les compagnies minières du Niger et du Gabon pour la radioprotection dans leurs mines. Ainsi l’AIEA, relayée en routine par l’IPSN, a formé à la radioprotection le personnel des exploitations minières du Niger et du Gabon, ou plutôt il a formé des formateurs capables de démultiplier la formation. Les agents recevaient tous ensuite une formation par petits groupes.

 

Il est donc faux de dire que le personnel n’a aucune idée des risques qui le concernent.

 

Dans les exploitations minières, c’est le Service de Protection contre les Rayonnements, « le SPR », qui est responsable d’organiser la radioprotection en concertation avec l’encadrement des mines et des usines, et de surveiller sa bonne application. Le SPR est rattaché directement à la direction générale de la compagnie, ou au directeur local du site minier.

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2.2.6.   Aérage dans les mines souterraines

 

Nous avons vu que toute roche contenant de l’uranium contient aussi du radium et du radon ; et qu’une partie du radon contenu dans le minerai dans les galeries de mine s’échappe de la roche et passe dans l’air. Pour l’évacuer rapidement – puisqu’on a vu qu’il ne faut pas le laisser vieillir dans la mine - on organise une circulation naturelle ou forcée, suivant les endroits de la mine, l’aérage. Naturellement on a fait des progrès dans ce domaine avec les années. Dans les exploitations dont COGEMA (devenue aujourd’hui Areva) avait la responsabilité, les mêmes ingénieurs ont utilisé les mêmes logiciels pour optimiser l’aérage dans les mines souterraines de France, du Niger et du Gabon.

 

 

A la mine souterraine de Cominak au Niger,

pour extraire 700 000 tonnes de minerai par an,

on injecte 1000 m3 d'air atmosphérique par seconde,

ce qui revient à dire  qu'en tonnes,

la mine déplace soixante fois plus d’air que de minerai !

 

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2.2.7.      Surveillance radioactive. Appareils de mesure pour la radioprotection

 

Ce sont les Français qui ont été le plus en pointe dans la conception des instruments de mesure permettant d’assurer la radioprotection du personnel et de la population. Il est d’ailleurs intéressant de raconter que lorsque, peu après la chute du Mur de Berlin, les experts français ont pris contact avec ceux d’Allemagne de l’Est pour essayer de les aider, ils ont eu la surprise de constater que ceux-ci avaient, dans leur isolement, développé certains instruments assez analogues aux nôtres suivant les principes scientifiques exprimés dans nos publications !

 

Prenons deux exemples de matériels très importants dans les mines et utilisés maintenant dans pas mal de pays du monde, en particulier au Niger et au Gabon. Nous répondrons par là même à certaines des critiques énumérées au paragraphe 2.2.1.

 

2.2.7.1.            Surveillance de l’ambiance radioactive. Mesure de l’âge du radon

 

On a dit combien il est important d’évacuer rapidement le radon. C’est vrai plus particulièrement dans le cul-de-sac constitué par les « fronts de taille », c’est-à-dire les endroits où les mineurs sont en train d’exploiter le minerai, de tirer à l’explosif et d’évacuer les produits résultant de ces tirs. Que fait-on ? On amène de l’air frais à proximité du cul-de-sac par de gros tuyaux en plastique, et l’air s’en retourne par la galerie de mine à l’extérieur du tuyau, vers le puits d’évacuation d’air. Mais n’y aurait-t-il pas au bout du cul-de-sac une zone mal drainée par ce courant ? Pour le vérifier, on y place un appareil qui détermine en quelques secondes l’âge du radon : s’il est trop vieux, c’est qu’il faut ajuster le tuyau de plastique, ou le débit d’air.

 

2.2.7.2.            Surveillance individuelle. Dosimètre de ceinture

 

Chaque mineur, quand il prend son poste, trouve ensemble sa lampe de mineur, qu’il fixe à son front, et un appareil que nos enfants appelleraient « génial », son dosimètre, qu’il passe à sa ceinture ! Comme son nom l’indique, un dosimètre permet de déterminer la dose de radioactivité[25] reçue par la personne qui le porte. Dans le cas présent, il s’agit d’un appareil, dans un boîtier gros comme le poing, qui mesure simultanément poussières, radon et gamma. Périodiquement les dosimètres sont dépouillés, la dose est calculée par le responsable du SPR (tenu de conserver la confidentialité de ces données), et le résultat est porté à la connaissance du médecin du travail.

 

Ces dosimètres sont si fiables et faciles à porter que la France en a vendu dans de très nombreux pays, dont le Canada et l’Allemagne.

 

On peut donc être surpris que des mineurs aient déclaré aux associations citées dans la presse qu’ils n’étaient aucunement surveillés. Une explication possible est la suivante : avant que les compagnies minières aient acheté un dosimètre par personne – cela représentait un assez gros investissement - elles n’en faisaient porter un que par un échantillon de mineurs représentatif de la totalité de l’effectif (un mineur par chantier, etc...). On considérait que les autres mineurs qui avaient occupé les mêmes postes avaient reçu à temps égal une dose équivalente. Peut être ces autres mineurs ignoraient-ils l’existence de la mesure réalisée sur leur collègue.

 

Les critiques assurent que les membres du personnel étaient tenus dans l’ignorance de la dose reçue par leur corps. Nous avons dit qu’elle était portée à la connaissance du médecin du travail. Lors de la visite médicale annuelle, si l’intéressé pose la question, le médecin du travail est tenu de lui faire connaître sa dose, et lui donne toute explication demandée en termes personnalisés. Si l’intéressé ne demande rien et qu’il n’y a pas de dépassement de la limite de dose, le médecin, c’est probable, n’aborde pas le sujet.

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2.2.8.   Cancers, maladies professionnelles

 

Etant donné le très bas niveau d’exposition recommandé par la CIPR, et vu que la réglementation en matière de dépassements de dose était respectée dans les mines du Niger et du Gabon[26], le nombre de cancers subis par les travailleurs au cours de leur vie professionnelle ne pouvait être qu’extrêmement faible, et leur fréquence ne pouvait être qu’imperceptible par rapport aux cancers qui surviennent dans la population en général.

 

Comment pouvez-vous dire cela ? vous répondra-t-on. Les médecins ont reconnu qu’untel était décédé d’un cancer maladie professionnelle !

 

Réponse : Etant donné que l’on sait que les rayonnements peuvent conduire à certains cancers, ceux-ci, en particulier les cancers du poumon, sont reconnus comme maladie professionnelle potentielle ; et tout cancer du poumon chez un mineur d’uranium est reconnu sans discussion maladie professionnelle au bénéfice du doute, parce qu’on ne pourrait pas prouver que ce n’est pas une maladie professionnelle ! Cette reconnaissance ne signifie aucunement qu’on ait examiné la situation en détail et qu’on ait fait la preuve d’une relation de cause à effet. (Le même raisonnement est appliqué dans toutes les entreprises pour toutes les sortes de maladies professionnelles.)

 

Ceci dit, les maladies peuvent avoir des causes extérieures à l’exploitation minière. L’une des critiques relevées par les associations est l’emploi, pour la construction dans les villes, de matériaux radioactifs provenant de l’exploitation minière. Ce n’est pas faux. De quoi s’agit-il ?

 

On a vu qu’il reste au voisinage de la mine des stocks de roche qui ne sont pas du minerai, qu’on appelle « stériles miniers ». Et il reste au voisinage de l’usine des résidus de traitement qu’on appelle « stériles d’usine ». Dans la profession, dans toutes les mines francophones, on appelle « stérile » les minéraux qui ne contiennent pas (ou pas assez pour qu’il soit économiquement exploitable) le métal qu’on veut exploiter. Dans le cas de l’uranium, il se trouve que le mot « stérile » induit les gens en erreur. Il donne l’impression de quelque chose d’anodin. Or les « stériles d’usine » sont les résidus broyés du traitement de minerai. On a ôté chimiquement au minerai l’essentiel de l’uranium, mais il y reste tout le radium, qui est l’élément véritablement dangereux, et d’où se forme le radon. Quant au « stérile de mine », c’est de la roche dont la teneur en uranium est trop faible pour qu’elle soit traitée comme minerai, mais qui peut en contenir cependant une quantité non négligeable, avec tout le radium correspondant. C’est pourquoi l’usage de ces stériles est interdit, sauf pour certaines applications bien définies. Mais il n’est pas facile de surveiller que le personnel, qui croit avoir à sa portée des matériaux d’excellente qualité, n’en chaparde pas. Il n’est certainement pas sain d’habiter dans une construction contenant de ces « stériles ». Ils dégagent du radon que les gens respirent et qui peut être la cause de cancers.

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Il convient d’être prudent cependant quand on lit les nombres de cancers, et de décès par cancer, cités par ces articles de presse concernant le Gabon : on nous parle de 17 expatriés, mais il y a eu en fait près de 800 expatriés qui se sont succédé là-bas ! (Et pourquoi ne pas parler des milliers d’agents Gabonais ?) Les 17 sont ceux que ces associations ont contactés, qui avaient à parler de leur santé, et non pas le nombre total. Est-il correct de présenter aux gens des chiffres ainsi complètement biaisés ? Médecins du Monde a été berné. Un de ses reproches majeurs est que le personnel des hôpitaux des cités minières n’avait jamais été formé aux maladies pulmonaires liées au métier de l’uranium. Et donc ne faisait aucun travail de prévention et de suivi. La réponse est en deux points :

 

Médecins du Monde s’étonne par ailleurs que les expatriés descendent dans la mine en short, sans casque ni masque. Quoi de plus normal, par ces températures, que de travailler en short ! Le casque est obligatoire dans toutes les mines du monde. Mais la protection ne repose pas sur les masques, comme nous l’avons expliqué !

 

2.2.9.   Les résidus de traitement

 

Au Niger, on a critiqué le fait que les résidus de traitement de minerai soient stockés en plein air en des lieux où l’érosion éolienne va les emporter et les disséminer. Il est logique de se poser la question, mais en fait, la poudre de minerai broyé sortant des cuves d’attaque et des filtres est accompagnée d’un autre composé (le sulfate de calcium) qui l’agglomère. Par ailleurs, on a observé qu’avec le temps, ce mélange se durcit à une vitesse étonnante et forme une véritable roche. Les géologues appellent cela une diagénèse. Non, ce ne sera donc pas une source de contamination de l’environnement.

 

2.2.10. Contamination des eaux

 

Egalement au Niger, certains articles rapportent que les eaux de consommation sont contaminées par les exploitations minières. Cela ne paraît pas vraisemblable car les eaux qui ont servi dans l’usine de traitement sont recyclées pour l’essentiel dans l’usine, et le reste est évaporé dans des « bassins d’épandage ». D’ailleurs Areva cite deux audits qui ont conclu que ces eaux étaient conformes aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En fait, les eaux de consommations à la disposition du public pour la boisson et pour des cultures de légumes sont des eaux fossiles (voir § 2.2.3) et le contrôle de la qualité de ces eaux est de la responsabilité des inspecteurs du ministère de la santé. Si vraiment il est arrivé à certains moments que des eaux de consommation dépassent la norme en matière de radioactivité, cela pourrait être dû au fait que le puits ait été foré à proximité d’une zone chargée en radium soluble non repérée par les prospecteurs d’uranium. Les mesures de routine auraient dans ce cas facilement montré qu’il convenait de puiser l’eau ailleurs.

 

2.2.11. Réaménagements de mines

 

Le réaménagement des mines après la fin de leur exploitation est réalisé en accord avec l’administration. Une des critiques est que, pour le réaménagement d’une mine, on s’est contenté de recouvrir le sol de latérite – en d’autres termes, de terre.

 

En vérité, c’est tout à fait la bonne méthode, si des gens risquent de séjourner à cet endroit. Là où du radon s’échapperait en quantité importante, il faut en effet l’empêcher de sortir. Pour cela, on recouvre les terrains de terre pour ralentir son cheminement vers la surface. Il faut qu’avant d’arriver à l’air libre, les atomes de radon aient eu le temps de se transformer en atomes de leurs descendants solides. Ceux-ci restent alors bloqués dans le sol. On sait déterminer par des essais simples l’épaisseur de terre nécessaire. Restera à prévoir des servitudes pour que quelqu’un se charge, le cas échéant, de remédier à un éventuel ravinement de cette terre.

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2.2.12. Conclusion

 

En conclusion, il convient tout d’abord de savoir que ce sont les deux pays, Niger et Gabon, qui ont pris en charge la responsabilité d’organiser la radioprotection dans les exploitations minières, et qu’ils l’ont bien fait avec l’aide de l’AIEA.

 

Remettre sur les rails ne prétend pas avoir traité le sujet de façon scientifique et complète, mais le lecteur aura pu constater que, de toutes les critiques concernant les exploitations minières d’uranium au Niger et au Gabon, il ne semble pas rester grand chose.

 

On peut se réjouir cependant de la décision d’Areva de demander la création d’observatoires de la santé, car ce sont eux qui tireront les conclusions, avec les meilleures chances d’inspirer confiance aux personnes concernées.

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3.                  Remises sur les rails sur des sujets divers

 

3.1.      Nucléaire condamné faute de réserves d’uranium ?

 

L’argumentation des antinucléaires est longue. Il y a un argument qu’il ne faut pas laisser sans réponse, parce que tout le monde alors le répète sans critiquer : il n’y aurait plus que pour 50 ans de réserves d’uranium.

 

Comme le rappelle Bertrand Barré, dans une interview publiée par Le Monde le 26 mai, les réserves prouvées ou probables sont, selon la plupart des sources, d’environ 4,7 millions de tonnes, soit soixante-dix ans de combustible disponible au rythme de consommation actuelle (67 000 tonnes d’uranium naturel en 2006). Les experts y ajoutent environ 15 millions de tonnes possibles, ce qui porte les réserves à plus de deux siècles. Mais ceci ne tient pas compte de l’arrivée sur le marché des réacteurs à neutrons rapides, qui utiliseront enfin correctement l’uranium naturel grâce à la surgénération.

 

 

A condition que ces réacteurs voient effectivement le jour,

aucune limite dans le temps n’est fixée

à l’utilisation du nucléaire par fission pour produire de l’énergie.

 

 

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3.2.      Démantèlement de Brennilis, de Superphénix

 

Brennilis est le seul réacteur à eau lourde qui ait été construit en France pour produire de l’électricité. Il a fonctionné de 1967 à 1985. Un décret gouvernemental de février 2006 a autorisé son démantèlement complet (on dit maintenant « sa déconstruction »). Mais, explique l’AFP le 14 mai, le Réseau Sortir du nucléaire a demandé son annulation en raison de « l’absence de mise à disposition du public d’une étude d’impact ». Le Conseil d’Etat a donné raison au Réseau Sortir du nucléaire en annulant le décret. Les Echos du 7 juin cite, entre autre, les phrases suivantes du commissaire du gouvernement : Le démantèlement a fait l’objet d’une étude d’impact, mais celle-ci n’a pas été mise à la disposition du public avant que l’autorisation du démantèlement ne soit donnée. Le décret attaqué doit être jugé contraire au droit communautaire.

 

Il est intéressant de remarquer qu’aucune étude d’impact n’a été publiée, et aucune enquête publique n’a été faite, avant la décision de démanteler Superphénix, le réacteur à neutrons rapides. Le démantèlement est en cours depuis plusieurs années, et le Réseau n’a pas protesté ! On a perdu vingt cinq ans en nous privant de cet outil magnifique…



[1] « Charbon propre » veut dire, entre autre, qu’on ne laisse pas le CO2 résultant de sa combustion s’échapper dans l’atmosphère, mais qu’on le récupère pour le stocker de façon définitive, le « séquestrer », suivant des techniques qui restent à mettre au point.

[2] 1 mégawatt, c’est 1 million de watts, 1000 kilowatts

[3] EPR : European Pressurised water Reactor, réacteur de 1600 mégawatts de 3ème génération. 1600 mégawatts, cela fait de quoi alimenter une ville de plus d’un million d’habitants.

[4] La justice a repoussé les trois requêtes du Réseau Sortir du nucléaire, du Crilan (Comité d’information et de lutte antinucléaire) et de Greenpeace contre le permis de construire de ce réacteur.

[5] FBFC : Franco-Belge de Fabrication du Combustible

[6] CEA : Commissariat à l’Energie Atomique ; ANDRA : Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs

[7] On dit : les réacteurs à neutrons rapides, ou « les réacteurs rapides », ou tout simplement « les rapides ». Les neutrons rapides sont des neutrons à haute énergie, tels, ou presque, qu’ils sont produits par la réaction de fission de l’atome d’uranium ou de plutonium. Les neutrons thermiques (de nos réacteurs à eau, par exemple), sont des neutrons qui ont été ralentis de façon importante par de nombreuses collisions avec certains atomes tels que l’hydrogène ou le carbone.

[8] et éventuellement, un jour, des « actinides mineurs » : neptunium, américium, curium.

[9] Parmi d’autres motifs, il en est un essentiel : retraiter les combustibles usés permettrait d’enlever de l’acuité au problème de leur entreposage et de leur stockage définitif.

[10] Coex comme co-extraction de l’uranium et du plutonium ; c’est une adaptation du procédé Purex de La Hague.

[11] PBMR : Pebble Bed Modular Reactor, réacteur dont les éléments combustibles seront sphériques

[12] Un peu d’uranium 238 devient, au cours de l’irradiation, du plutonium fissile, et une part de ce plutonium est fissionnée, contribuant à la production d’énergie. Mais cela concerne une partie tout à fait mineure de l’uranium 238 qui est donc très peu valorisé dans ces réacteurs. Lorsque on retraite des combustibles usés, et qu’on recycle le plutonium sous forme d’oxyde mixte d’uranium et de plutonium, appelé Mox, on améliore quelque peu ce mauvais bilan. Cependant globalement, l’uranium 238 contenu dans l’uranium naturel reste très mal valorisé dans nos réacteurs actuels, à neutrons thermiques.

[13] par réaction uranium 238 + un neutron donne plutonium 239

[14] On a peur du plutonium plus que de raison car l’industrie lui applique les précautions drastiques appropriées. D’ailleurs, contrairement à ce que disent certains, de nombreuses toxines sont beaucoup plus toxiques que le plutonium, à commencer par la nicotine.

[15]ancien directeur responsable de ces études au Commissariat à l’Energie Atomique

[16] ONG : organisation non gouvernementale. Les associations sont la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité) et l’association de juristes Sherpa. L’ONG est Médecins du Monde.

[17] Avant ces interventions de l’AIEA et la mise en place de réglementations nationales, c’est le modèle des mines d’uranium françaises qui a été intégralement reproduit. A mesure que l’on faisait des progrès en France, on les mettait en application au Gabon (premières mines exploitées à partir des années 1960), puis au Niger. Ceci est vrai pour les mines, les usines, mais aussi pour la radioprotection des populations.

[18] Le procédé est choisi pour qu’on puisse traiter la diversité de ces matières naturelles que sont les minerais. Des impuretés compliquent le travail des chimistes ! Le procédé comprend des opérations mécaniques de concassage et de broyage, puis une partie chimique pour extraire l’uranium de la roche broyée, le purifier aussi bien qu’on peut, et terminer par une poudre de concentré qu’on charge dans les fûts de transport. Les composés solides d’uranium (sels, oxydes), à quelques exceptions près, sont jaunes, d’où leur nom de yellow cake. Le yellow cake constitue la première forme commercialisée de l’uranium.

[19] La plupart des concentrés de ces deux pays sont expédiés en France, près de Narbonne, pour y subir l’étape suivante de la production d’uranium, qu’on appelle raffinage - conversion.

[20] Le mot aléatoire se rapporte à la fréquence du phénomène en fonction du temps.

[21] c’est-à-dire après avoir été absorbés chimiquement par le corps

[22] Le terme rigoureux est « période ». La période est, par définition, le temps au bout duquel le nombre d’atomes de l’élément s’est spontanément réduit de moitié par l’effet de sa radioactivité.

[23] Ces atomes solides sont le polonium 218, le plomb 214 et le bismuth 214.

[24] Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire

[25] La « dose » est calculée en fonction des expositions mesurées par le dosimètre. Les spécialistes disent de façon plus rigoureuse : La dose est le rapport de l’énergie en joules déposée par le rayonnement, à la masse de tissus irradiés. Elle est exprimée en joules par kilo. Le calcul de l’effet des doses sur le corps (équivalent de dose) est fondé sur les données expérimentales et statistiques recueillies dans le monde sur chaque type d’exposition.

[26] Les quelques cas de dépassements de doses mensuelles étaient examinés au cas par cas, notamment lors des inspections semestrielles ou annuelles. Des améliorations étaient apportées sur les postes de travail, et les personnels concernés étaient mutés sur des chantiers moins irradiants. La limite réglementaire est une limite annuelle.