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La France dépendante de l'uranium importé ? (06/03/2023)

Avant de présenter cette analyse il importe de souligner un point fondamental : La part du coût de l’uranium dans le coût de production d’électricité nucléaire n’est que de 3 à 5%. Voyons maintenant les 4 moyens permettant de garantir en toutes circonstances l’approvisionnement pérenne de la France en Unat. Ces éléments sont basés sur des chiffres et des faits irréfutables.


1 – Diversification des approvisionnements et copropriété de mines à l’étranger
L’uranium qui sert à alimenter le parc français de 56 réacteurs est totalement importé aujourd’hui car il n’existe plus de mine en exploitation sur notre le territoire. Heureusement, les ressources en uranium naturel (Unat) sont réparties de façon assez homogène sur la surface du globe, ce qui permet d’accéder à un large éventail de sources d’approvisionnement. Ainsi, l’opérateur principal français, ORANO, se fournit auprès de pays diversifiés dans certains desquels il possède des participations dans des mines, tels que le Kazakhstan, le Niger, le Canada, l’Ouzbékistan, la Mongolie (gisements découverts par ORANO et actuellement au stade de l’exploitation pilote). En outre, ORANO a acquis des droits de propriété sur plusieurs gisements d’uranium et dispose ainsi d’un portefeuille diversifié d’actifs et de ressources, tant en termes géographiques que de technologies d’extraction (illustration 1). Dans son récent rapport annuel (2021), l’entreprise affiche ainsi détenir plus de 200 000 tU de réserves auxquelles il faut ajouter des ressources potentielles identifiées d’environ 160 000 tU. On peut rajouter à cela des ressources dites « inférées » (présumées) pour un montant de près de 150 000 tU. En cumulant toutes ces réserves ou ressources, on arrive à un total qui dépasse les 500 000 tU, soit 60 années de consommation française. Le principal client d’ORANO pour la vente de son uranium est évidemment EDF qui néanmoins s’approvisionne directement via d’autres producteurs. On trouvera en illustration 2 un graphique qui présente toutes les sources d’approvisionnement d’EDF depuis 2005.  On constate que les pays fournisseurs d’EDF sont situés dans 4 des 5 continents terrestres : Afrique, Amérique, Asie, Océanie. Une telle diversification rend très peu probable une rupture totale des approvisionnements d’EDF en Unat.

2 – Stocks stratégiques d’uranium en France  
En cas de très fortes tensions sur le marché de l’uranium ou de période de pénurie d’uranium à grande échelle, il est possible de faire face à une réfaction momentanée des approvisionnements en provenance des pays étrangers en prélevant sur le stock stratégique d’EDF qui s’élève aujourd’hui à plus de 30 000 tU1 .

3 – Réenrichissement d’uranium appauvri (Uapp) ou de l’uranium issu du retraitement (URT)
En cas de rupture partielle ou totale des approvisionnements en provenance de l’étranger il serait  possible de faire appel à une autre source d’uranium purement nationale en procédant à un réenrichissement de l’uranium appauvri (cumul des rejets des opérations d’enrichissement réalisées  jusqu’à présent sur le site du Tricastin) dont le stock s’élève à 324 000 tonnes d’Uapp, soit une ressource de 106 000 tonnes d’Unat. Cela correspond à 15 ans de consommation d’un parc nucléaire produisant 350 TWhe. Pour y parvenir, il faudrait consacrer un travail d’enrichissement d’environ 150 millions d’UTS (MUTS)2  soit 10 MUTS par an. Cette opération pourrait être mise en œuvre rapidement car il a été prévu dès la mise en service de l’usine d’enrichissement GB2 d’étendre sa capacité à 11 MUTS en fonction de l’évolution du marché de l’enrichissement (cette capacité est actuellement de 7,5 MUTS). Une telle capacité serait donc suffisante pour obtenir les 7200 tonnes d’Unat nécessaires à l’approvisionnement annuel du parc nucléaire français supposé produire 350 TWhe. Cette option conduirait à une augmentation sensible du coût de l’uranium mais sans conséquence majeure pour le coût global de production d’électricité d’origine nucléaire. Il faut ajouter à ce potentiel très important de ressources « nationales » en uranium, les possibilités offertes par le réenrichissement de l’uranium issu du retraitement des combustibles usés, tel qu’il est pratiqué en France. En effet, cet uranium, baptisé URT, est encore enrichi à environ 0,8% donc un peu plus que celui de l’Unat mais il contient aussi un autre isotope formé en réacteur, l’U2363 , qui est un « poison neutronique », ce qui le rend un peu moins attractif que l’Unat. De ce fait, son éventuel réenrichissement doit se faire à une teneur en U235 un peu plus élevée que celui de l’enrichissement effectué à partir de l’Unat (typiquement + 0,4% en valeur absolue). De plus il faut réaliser ce réenrichissement de l’URT dans des installations dédiées pour éviter de « polluer » les installations « normales » de conversion chimique (transformation en UF6) et d’enrichissement de l’Unat. En pratique, ORANO dispose des capacités pour réenrichir l’URT dans son usine GB2 mais ne dispose pas des équipements pour assurer la phase préliminaire de conversion. C’est pourquoi, lorsque EDF demande à ORANO de réaliser ces opérations, elles sont réalisées en Russie.


 4  – Gisements d’uranium sur le territoire métropolitain
Plus aucune mine n’est en exploitation sur le sol français. Il en a eu cependant beaucoup dans le passé. La première s’est ouverte dès 1948 à Saint-Sylvestre et la dernière a été fermée en 2001, à Jouac, toutes deux situées en Haute Vienne. Au total, ce sont 248 gisements potentiels d’uranium qui ont été identifiés sur le sol français, dont une vingtaine ont permis de produire des quantités significatives d’uranium pour un montant total d’environ 80 000 tU. Le principal gisement connu à l’heure actuelle en France se situe dans région de Coutras en Aquitaine, avec un potentiel de 20 000 tonnes. Mais il n’est pas jugé rentable actuellement. En cas de forte pénurie d’approvisionnement en France, il serait techniquement possible d’exploiter ce gisement. Il faut néanmoins souligner la mise en œuvre d’une telle option ne pourrait être justifiée que par des circonstances tout à fait exceptionnelles sur l’approvisionnement en Unat.


EN CONCLUSION, la France dispose de plusieurs moyens lui permettant de garantir son autotomie totale vis-à-vis de ses approvisionnements en uranium pendant au moins une dizaine d’années. Ajoutons à cela qu’à long terme, le déploiement de réacteurs de quatrième génération, dont la faisabilité a été prouvée à une échelle industrielle, permettra de s’affranchir peu à peu de la nécessité d’approvisionnement en uranium puisque ces réacteurs pourront ’utiliser l’uranium appauvri comme combustible4 . La durabilité de l’énergie nucléaire est dès lors assurée pour des milliers d’années, sous réserve bien entendu de disposer durablement d’un autre ingrédient : la volonté politique.


Dominique Grenèche

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1 Valeur du PNGMDR publié par l’ANDRA en 2022 (page 59) :  stock  au 31/12/2020

  L’UTS est le sigle qui signifie l’« unité de travail de séparation ». C’est une unité internationale standard utilisée pour quantifier la production de l’activité d’enrichissement (opération parfois appelée séparation isotopique).
  Lorsque qu’un noyau l’U235 absorbe un neutron il ne fissionne que dans 85% des cas. Dans les 15% des cas restants le noyau d’U235 conserve le neutron qu’il a absorbé et se transforme ainsi en isotope 236 très stable (période radioactive de 2,3 millions d’années).  
 Pour évaluer l’étendue de cette réserve énergétique colossale,  il suffit de s’appuyer sur une donnée physique irréfutable : un réacteur de 1 GWe fonctionnant à pleine puissance pendant un an fissionne UNE tonne de noyaux. Donc, si les 324 000 tonnes d’Uapp sont transformées en plutonium et que tout ce plutonium est fissionné, cela  fait 324000 GWe-ans, soit plus de 5000 ans pour 63 GWe.

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1 - Sites miniers d’ORANO dans le monde (rapport d’activité ORANO)

 

 

2 - Importations d’uranium en France depuis 2005

Source : Comité technique Euratom

 

UARGA : Union d'associations de retraités et d'anciens du nucléaire
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