Point général sur la situation française de l’énergie électrique (14/10/2022)
Nous, les anciens de l‘industrie nucléaire, qui la défendons sans relâche et en assurons la promotion quand cela est possible, sommes surpris et heureux du récent regain de l’approbation populaire à son sujet. Regain paradoxal car coïncidant avec une accumulation de difficultés rencontrées par EDF dans l’exploitation de son parc, une vraie contreperformance l’année où cela est le plus pénalisant.
Tentons de voir cela en détail.
A quoi ce regain très significatif est-il dû ? Sans doute pas à une soudaine reconnaissance par le public de ses mérites mais plus probablement au fait que la population, plus réaliste et clairvoyante qu’on ne le pense trop souvent, a compris que les autres énergies présentent des inconvénients nombreux et majeurs en ce qui concerne le climat, la pollution, l’intermittence ou l’économie. Par ailleurs le prix des énergies (électricité et gaz) qui s’envole et leur disponibilité qui s’amenuise inquiètent l’opinion pour les mois à venir.
Concentrons-nous d’abord sur le cas de l’électricité et en premier lieu à sa production. L’année 2022 a vu l’effondrement de la production du parc nucléaire, effondrement très largement prévisible mais que, curieusement, EDF n’avait pas annoncé :
- Les conséquences de la crise du COVID avec tous les désordres qu’elle a entraînés dans le programme de maintenance courante des centrales n’ont pas disparu en 2022 avec le COVID ; en 2023 et 2024 des répercutions se manifesteront encore.
- Les immobilisations pour une très longue période (6 mois et souvent beaucoup plus) du fait des très lourdes opérations de grand carénage nécessaires à l’approche du 40ème anniversaire de chaque réacteur sont inévitables. Le programme est lourd et de long terme : 56 réacteurs sont concernés, 7 ont déjà franchi l’obstacle, une dizaine est en cours et le tour viendra pour tous les autres, un programme dont on n’entend pas parler, sauf au plan local, près de chaque site concerné
A cela s’ajoute, de façon tout à fait inattendue et ne relevant en aucune façon d’un défaut de maintenance, l’incident industriel imprévisible de la découverte de très fins défauts affectant certaines soudures importantes pour la sûreté en cas d’accident sérieux (phénomène de corrosion sous contrainte / CSC) découverts sur certains des réacteurs les plus récents et les plus puissants (certains immobilisés du fait de la découverte du défaut et certains immobilisés en raison du recours à une méthode de contrôle destructive) soit 15 GW.
Découvert en fin d’année 2021, le phénomène a été rapidement pris en compte par EDF, analysé et compris en quelques mois et l’ASN a approuvé le 27 juillet l’ensemble des mesures proposées par EDF : la mise en œuvre de l’ensemble des opérations (approvisionnement des pièces, installation, soudures puis contrôles, remise en service après approbation de l’ASN pour les réacteurs touchés et la définition et la mise au point d’un procédé et d’un appareillage de contrôle spécifique non destructeur pour les autres réacteurs.). En un an, avec la remise en service d’un premier réacteur concerné par ce type d’incident, EDF aura fait face à un phénomène totalement nouveau et imprévu et l’a surmonté : c’est là un exploit réalisé dans un contexte de travail difficile (difficulté des soudures, exiguïté du lieu d’intervention, ambiance radioactive) qu’il faut saluer mais personne ne le fait. Au contraire on entend persiffler sur l’incompétence et l’inexpérience du personnel, qu’il s’agisse des personnels affectés à la construction ou à l’exploitation sans distinction, ce qui est totalement injustifié et peut, peut-être, expliquer pour partie la mauvaise humeur et certains mouvements de grève dont personne ne parle non plus.
Toutes ces difficultés font que sur l’ensemble du parc la moitié des installations se sont trouvées simultanément à l’arrêt et la production réduite d’autant. Une question se pose immédiatement : la faute à qui ?
En pièce jointe on trouvera le document rédigé par Gérard Petit, un ancien du nucléaire, expliquant par le menu, de façon implacable, souvent sous forme allusive ou subliminale les vicissitudes de l’exploitant EDF d’aujourd’hui. Un document de référence plein d’enseignement pour l’avenir (voir)
La faute à qui ? Bien peu de nos concitoyens le savent : au cours des 10 dernières années un grand nombre d’installations fonctionnant au charbon, au fuel ou au gaz, représentant un potentiel pilotable de quelques 10 GW électrique ont été arrêtées, à quoi s’ajoute la fermeture de Fessenheim soit 12 GW c’est-à-dire l’équivalent des 14 réacteurs dont la loi toujours en vigueur prévoit l’arrêt définitif en 2035.
L’Etat a ainsi considéré, qu’en supprimant tous les moyens jugés non essentiels pour le pays, ne serait-ce qu’à titre de réserve ultime, et dangereux à un titre ou à un autre pour le climat, il pouvait se priver des moyens permettant de faire face à l’imprévu. Chacun sait pourtant que pour rouler une voiture a besoin de 5 roues dont l’une en secours et que si par imprévoyance cette dernière est manquante le véhicule est à la merci d’une panne sur l’une des 4 roues restantes.
Le gouvernement des 10 ou 15 dernières années n’a pas été assez prévoyant et s’est appuyé sur de mauvais conseillers alors que l’autorité de sûreté, à plusieurs reprises, a attiré son attention sur le risque pris en supprimant toutes les marges. Curieusement, tour à tour, tous les principaux politiques en poste au cours de toutes ces années ont nié toute forme de responsabilité dans la situation traversée par le pays et accusé, ou laissé accuser, l’actuel président directeur général démissionnaire d’EDF et le personnel d’irresponsabilité ou d’incompétence…
…et maintenant, pour faire face à la crise qui arrive, les autorités ‘invitent’ à la sobriété toute une population en lui suggérant une longue liste de restrictions non contraignantes, parfois dérisoires, peu convaincantes, sans doute insuffisantes la rendant en quelque sorte fautive, coupable de gaspiller les ressources et de rechercher un confort excessif (consommer trop d’électricité, trop chauffer l’hiver) !
La plupart des gens s’interrogent sur toutes ces mesurettes devant permettre de passer l’hiver, s’il n’est pas trop rigoureux. Mais personne ne leur dit qu’en fait toutes les mesures aujourd’hui non contraignantes sont appelées à durer des décennies et à s’alourdir dans le futur.
Certes la production des réacteurs va reprendre peu à peu, l’EPR de Flamanville finira bien par démarrer, les réserves des barrages taries par la sécheresse se reconstitueront mais les marges perdues de 12 GW ne se rétabliront pas par miracle. Alors que les nouveaux usages de l’électricité sont appelés à se développer, qu’est affichée une ambition nouvelle de ré-industrialisation du pays et que le désir d’une croissance même faible est toujours là.
Le pays dans son ensemble doit donc prendre une direction totalement nouvelle, mais rares sont ceux qui le disent. Le pays est-il prêt à vouloir prendre l’inflexion nécessaire ? Il faut le souhaiter.
Quant à retrouver les marges perdues, le nouveau nucléaire fait d’EPR2 ne pourra intervenir au mieux qu’à partir de 2035 et les énergies renouvelables intermittentes n’étant pas pilotables ne peuvent, par nature, être disponibles quand on en a besoin, seuls les utopistes peuvent en rêver, la cadence de construction n’y changeant rien. Quels moyens pour combler le creux de 10 à 15 ans ? Il semble bien n’y avoir que le gaz brûlé en France ou, si on préfère renoncer à l’indépendance énergétique, importer de l’électricité qui sera de l’électricité modérément ou largement carbonée, que cela plaise ou non. L’étude sur ce point reste à faire sachant que si la marge nécessaire est faible et pour des recours assez courts il peut y avoir une variété d’autres sources que le gaz.
Voilà pour ce qui est de la production d’électricité. Au plan du prix les choses sont plus simples à expliquer. D’abord chacun sait que quand un produit se raréfie les prix montent même si le coût de production ne monte pas dans l’immédiat. Jusqu’où le prix peut-il monter, c’est moins clair. Ce qui est clair c’est que les règles bruxelloises en vigueur depuis une vingtaine d’années font que le marché de gros de l’électricité s’aligne automatiquement sur le coût du gaz ; déjà curieux pour une zone aussi vaste que l’Europe, ce système devient une aberration en temps de crise. Cette aberration du marché unique européen devra être corrigée. L’Europe en prend très doucement le chemin mais en attendant les défauts du marché persistent et le consommateur, notamment français, continuera à souffrir.
Pour le gaz les choses sont tout à fait différentes de celles dont souffre le marché de l’électricité. Nos lecteurs savent que notre légitimité à parler de gaz est moindre que pour ce qui concerne l’électricité. Nous serons donc brefs.
C’est aujourd’hui bien connu …le manque de disponibilité du gaz est la faute à Poutine ! Certes mais les dérèglements ont commencé avant l’invasion de l’Ukraine. Le COVID et la chute de l’économie en découlant, suivie d’une rapide reprise puis de soubresauts dus à la Chine ont déclenché une crise que l’invasion russe a exacerbé.
La faute à Poutine oui, bien sûr mais l’Allemagne, avec son addiction au gaz russe depuis une vingtaine d’années n’est pas pour rien dans la crise. Il ne faut pas oublier non plus que la France et d’autres pays ont interdit la prospection et a fortiori l’exploitation du gaz de schiste et sont aujourd’hui heureux de pouvoir se tourner vers les USA pour s’approvisionner en gaz de schiste.
Bref, le retour de l’équilibre du marché du gaz n’est pas pour demain, trop d’investissements sont nécessaires alors que beaucoup de considérations d’ordre géopolitique interviennent mais dans ce domaine la France est moins exposée que nombre de ces voisins.
A posteriori on ne peut que constater les graves erreurs de stratégie sur le gaz comme pour l’électricité.
Pour conclure retenons quelques points importants :
- La France a perdu aujourd’hui son indépendance électrique. Elle est contrainte d’importer à prix élevé de l’électricité le plus souvent carbonée.
- Si la situation catastrophique de 2022 va progressivement se corriger le pays risque de ne jamais retrouver sa position enviée des 40 dernières années d’exportateur d’électricité abondante, peu chère et pilotable et devoir recourir à des importations auprès de pays voisins qui, pour la plupart, ne serons pas toujours en mesure de satisfaire ses besoins.
- La France restera tributaire des investissements en matière de nouveau nucléaire, envisagés par le président Macron mais la route, à peine entamée, sera longue. Elle commence du reste de façon un peu brouillonne avec une loi pour simplifier et accélérer la mise en œuvre de projets de construction télescopant un long débat public, ce n’est pas là un gage de sérénité. L’opinion est certes favorable aujourd’hui mais celle-ci est souvent versatile par ailleurs le pouvoir politique est contraint par une majorité relative alors que le programme annoncé (6 EPR2 + une option pour 8 autres) n’est qu’un début : à l’horizon 2050-2060 c’est une cinquantaine qui sera probablement nécessaire.
Quant à la suite il n’y aura plus qu’à construire !
- Trouver les financements,
- Orienter les jeunes vers les fonctions de production, former des techniciens, des ingénieurs, des spécialistes (le président de l’ASN a parlé à juste titre d’un plan Marshall),
- Sélectionner et fidéliser les entreprises partenaires dans nombre de domaines : ingénierie, génie civil, forge, turbines, électrotechnique, contrôle-commande, etc.,
- Bénéficier d’une autorité de sûreté exigeante, respectée dans la stabilité et ne relevant le niveau d’exigence qu’à très bon escient.
- Tout cela requiert un soutien politique sans faille dans la durée (4 ou 5 quinquennats) s’appuyant sur la compétence des industriels concernés et où le pouvoir politique ne cherche ni à les cogérer ni à les mettre en tutelle.
Nous ne pouvons clore cette petite synthèse sans adresser nos félicitations et nos remerciements à EDF pour tous les efforts consentis pendant une année 2022 extrêmement difficile. Nous souhaitons enfin la bienvenue au nouveau président directeur général d’EDF et beaucoup de réussite dans l’accomplissement de ses missions, elles sont essentielles pour la France.
Bernard LENAIL
Nous vous invitons à prendre connaissance du document rédigé par Gérard Petit, un ancien du nucléaire, expliquant par le menu, de façon implacable, souvent sous forme allusive ou subliminale les vicissitudes de l’exploitant EDF d’aujourd’hui. Un document de référence plein d’enseignement pour l’avenir (voir)
Il faut sauver le débat PNGMDR (31/05/2022)
Le nouveau Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) 2022-2026 est mis en consultation publique sur le site du MINISTÈRE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE.
Ce sujet mérite une grande attention car derrière lui se structure toute la logique de la filière nucléaire Française. Nous encourageons donc nos lecteurs à y déposer leurs avis afin, d'une part, de faire contre-poids face aux avis des opposants, et d'autre part, pour dénoncer les faiblesses qui subsistent encore dans ce Plan.
Notre ami Jacques Simonnet s’est livré à une analyse de ce plan (voir ci-après). Nous vous invitons à y puiser des arguments qui pourront alimenter vos contributions à cette consultation publique.
Si ce plan présente encore quelques faiblesses, elles résultent essentiellement d’un manque d’ambition et de gouvernance, alors que le fond technique est solide.
Nous sommes donc tout à fait favorables à ce que ce document soit approuvé, à condition de l’améliorer, en particulier sur les points suivants :
- Le projet doit être appuyé sur une PPE révisée en fonction des déclarations du Président de la République.
- La gouvernance de l’État doit être renforcée et clarifiée sans ambiguïté par rapport à des organismes multiples,
- notamment en indiquant quand l’Etat doit au plus tard prendre les décisions critiques.
- En veillant à ce que le classement des matières à usage non immédiat soit établi sur une base de long terme et ne dilapide pas leur potentiel énergétique.
- en évitant les demandes de comparaisons multicritères inutiles ou d’études alternatives à CIGEO
- en évitant de multiplier des concertations redondantes, coûteuses et à effet d'entrave ou dilatoires.
Nous vous invitons donc à manifester ici sur le site du MINISTÈRE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE votre soutien et vos critiques positives (au besoin en reprenant nos textes), avant le 16 juin, date de clôture de la consultation.
Ce document est vital pour la filière nucléaire qui doit continuer à nous fournir en énergie pilotable décarbonée.
--------------------------------------
La consultation porte sur la cinquième édition du plan, celui-ci couvrant maintenant 5 ans au lieu de 3 précédemment. Elle fait suite au plan 2016-2018. Ceci signifie que les années 2019, 2020 et 2021 n’auront jamais été couvertes par un plan national, contrairement aux dispositions légales. L’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) qui doit donner son avis sur ces plans avant leur promulgation, a protesté contre cette carence et en outre sur le fait qu'il n'ait pas été saisi dans les délais pour cette 5ème édition.
Trois documents sont soumis à consultation :
- 1. Le projet de PNGMDR lui-même, qui explique et formule des demandes aux acteurs du plan ;
- 2. Un projet de décret dont le but est de modifier le code de l'environnement pour justifier réglementairement les demandes du PNGMDR ainsi que sa périodicité ;
- 3. Un arrêté qui formalise réglementairement les demandes et leurs échéances de remise.
Selon les bonnes habitudes de la réglementation française, un jeu complexe de renvois réciproques rend ces trois documents indissociables et en conséquence difficilement assimilables.
Sur le plan opérationnel, le plan reprend l'ensemble des sujets prévus et demande aux exploitants de nombreuses études de situation et prévisionnelles nécessaires aux prises de décision.
Certaines de ces décisions, comme l'a bien montré Bernard Doroszczuk, président de l'ASN, lors de la présentation du bilan de la sûreté 2021 à l'OPECST, peuvent être critiques pour la fourniture d'électricité nationale. En effet, celle-ci dépend d'un cycle complet, dont la plupart des éléments ne disposent pas de redondance et une défaillance ou une saturation pouvant paraitre localement minime peut entrainer le blocage de tout le cycle. Dans ces conditions, on peut s'étonner que la vision du plan ne soit pas exhaustive et que celui-ci ne précise pas à quelle échéance les décisions réglementaires critiques doivent être prises pour éviter les blocages. Les échéances de fourniture à l'État sont précisées mais ce que l'État doit en faire ne l'est pas.
Alors qu'il y a dans certains cas une urgence à décider pour des échéances qui peuvent paraitre lointaines (par exemple 2040 pour la poursuite du retraitement, alors que les usines mises en route progressivement en 1990 ont été décidées en 1976, soit 14 ans avant, ce qui donne une idée du délai nécessaire et interroge sur l'absence d'un plan à plus long terme), on peut s'inquiéter de l'avalanche des études demandées aux exploitants [1] , dont certaines sont pertinentes pour les prises de décision, alors que d'autres paraissent uniquement inspirées par des antinucléaires cherchant à retarder les décisions, comme par exemple les études d'entreposage à sec, les précisions sur le coût de gestion des déchets ou les alternatives à CIGEO. Sur ce dernier point en particulier, compte tenu de l'avancement technique et réglementaire de CIGEO ainsi que des avis favorables qui ont été émis sur le projet par différentes instances, ceci après de nombreuses années d'études, de discussions et trois lois votées après des débats ouverts, il est légitime de s'inquiéter de la nature des arrière-pensées qui peuvent motiver aujourd'hui la recherche de telles alternatives.
Il est clair que les documents du PNGMDR ont été rédigés avant les déclarations de Belfort et que contrairement à ce qu'ils affichent, ils ne seront pas signés par Barbara Pompili. Sa successeur pourra-t-elle les signer en l'état alors que la base même sur laquelle ils sont fondés, à savoir la PPE[2], nécessite d'être profondément revue et leur esprit adapté en conséquence ?La cohérence du document est en jeu.
Un autre point critique, qui a été soulevé tant par l'OPECST que par PNC dans sa contribution à la consultation est celui de la gouvernance. La tendance est de multiplier les organes de consultation et les origines des participants à ces organes (étudiants, parlementaires, experts non institutionnels – une aubaine pour les experts (anti)nucléaires autoproclamés, etc.), si bien qu'on finit par ne plus savoir ni qui détient le savoir ni qui décide. En particulier, la création d'une commission de gouvernance ''largement ouverte à la société civile'', qui va s'ajouter au groupe de travail et aux divers comités d’expertise et de dialogue fait craindre un brouillage de la répartition des responsabilités peu propice à l'efficacité et à des prises de décisions rapides. Le rôle de la CNE2 [3] statutairement en charge du suivi des lois sur les déchets et dont la compétence est incontestable, risque d'être minimisé, ce que rien ne justifie.
Si le retrait de l'ASN du groupe de préparation a été justifié par le fait que l'ASN a été considérée comme étant juge et partie (ce retrait n'ayant accessoirement pas favorisé l'efficacité du groupe), qu'en serait-il de la participation au groupe de gouvernance de parlementaires (qui seraient également juges et parties dans la mesure où les décisions sont prises par les assemblées) ?
Ces demandes, ainsi que d'autres concernant les aspects éthiques ou même soi-disant philosophiques, et les analyses multicritères (les critères et leur pondération restant évidemment à définir…) prenant en compte ces aspects sur tous les sujets, proviennent du débat public préliminaire dont les conclusions ont été fortement orientées dans ce sens. Ceci transparait tout au long de la rédaction du PNGMDR. Les garants (·e·s – sic) du débat public ne manquent pas de s'en féliciter. S'il est clair que l'acceptation sociétale est indispensable à toutes les activités nucléaires et en particulier aux déchets, celle-ci doit être obtenue par la conviction et non par l'acceptation de manœuvres dilatoires, dont certaines semblent se cacher dans la rédaction du PNGMDR. Rédaction qui date de l'ancien temps, certes, mais qui est celle qui nous est soumise.
Le problème de la valorisation du plutonium et des reliquats d’uranium d’enrichissement et de retraitement doit être traité dans une optique de très long terme (bien plus de 30 ans) pour éviter de dilapider le potentiel énergétique considérable de ces matières utilisables dans des réacteurs de 4ème génération.
Que ce soit sur le recyclage (sans ou avec, simple ou multiple), les TFA, les MAVL ou d'autres sujets, les éléments sont connus et ressassés depuis des années, le temps n'est plus aux études, les décisions peuvent et doivent être prises sans plus tarder. Comme PNC le souligne dans sa contribution, il y a urgence à prendre des décisions et ce n'est pas ce qui transparait de ce PNGMDR.
En résumé, le projet constitue une base assez solide pour faire avancer les sujets, mais des arrière-pensées dilatoires et une profusion de demandes d'études à échéance de plusieurs années ainsi qu'une évolution de la gouvernance qui ne vont pas dans le sens des prises de décisions rapides pourtant nécessaires. Demandes dilatoires Intentionnelles ou simple dérive technocratique ?
Il est difficile, dans une éventuelle contribution à la consultation, d'attaquer les aspects diffus et pernicieux. Les points pouvant être cités apparaissent dans le texte ci-dessus, ce sont par exemple :
- La gouvernance devenant incertaine.
- L'abus de présence de la société civile.
- Le risque de manque de conclusivité des comparaisons multicritères.
- Le sérieux et la reconnaissance internationale de la validité du projet CIGEO.
- L'inutilité des études d'alternatives à CIGEO.
- L'absence de précisions sur les échéances de prises de décisions par l'État.
Textes en référence ou cités
----------------
1 Ici la liste des études dont l'échéance est précisée dans le projet d'arrêté ^
2 La Programmation Pluriannuelle de l'Energie prévoit de manière irresponsable l'arrêt de 12 réacteurs d'ici 2035, scénario rejeté par la déclaration de Belfort. ^
3 La 2ème Commission Nationale d'Evaluation, organisme indépendant, a été instituée par la loi de juin 2006 pour évaluer les travaux relatifs aux matières et déchets radioactifs et en rendre compte au Parlement. ^
Le Virus Antinucléaire (02/03/2022)
Il paraît que vers le début du XXIème des humains ont présenté d'étranges symptômes "antinucléaires" ...
Une fois n'est pas coutume, c'est une bande dessinée tout public que nous vous recommandons aujourd'hui, à consommer sans modération par les plus jeunes ou les moins jeunes. Son auteur, Jean-Luc Salanave, est un de nos rédacteurs et membre actif de notre association.
A la suite de Léo et Maya, ses deux jeunes héros, on y découvre le "virus antinucléaire" qui s'est répandu dans notre société, nos médias et jusque dans nos écoles, capable de brouiller le jugement des citoyens les plus "contaminés", parmi lesquels quelques décideurs politiques qui ont parfois sacrifié l'intérêt général à leurs intérêts particuliers.
>>
Qu'un virus fasse des dégâts, rien de plus normal. Normales aussi les prédispositions à contracter le virus antinucléaire que sont les peurs et les questionnements, légitimes lorsqu'il s'agit du nucléaire, de ses déchets et de ses accidents.
Fort heureusement, la France a eu la chance que l'immunisation collective prenne naturellement le dessus, le virus antinucléaire ne résistant pas aux bienfaits apportés par l'électricité nucléaire, depuis 40 ans, aux citoyens de notre pays ainsi qu'au climat.
Pourtant deux terribles "variants", Tchernobyl et Fukushima, sont venus rompre notre bel équilibre immunitaire, et relancer l'épidémie (le second, Fukushima, bien qu'inoffensif - pas de victimes au Japon - fut hypercontagieux).
Résultat, des victimes innocentes se sont multipliées: après Super Phénix, Astrid et Fessenheim, le sort incertain d'une douzaine de réacteurs serait encore suspendu au virus...
Dans cette BD vous trouverez un fourmillement de faits, de chiffres et de réalités simples et rassurantes, dont vous vous doutiez mais dont on ne nous parle pas, sur: les déchets nucléaires, les renouvelables, le CO2, les oeufs dans un même panier, les ressources naturelles, l'EPR, les coûts, Fukushima sur Garonne, les passoires thermiques, le match énergétique France-Allemagne, les prix négatifs, les électrons nucléaires peints en vert, le stockage d'électricité, etc.
"Les aventures de Léo et Maya: LE VIRUS ANTINUCLÉAIRE" est en vente ici: version souple (10 €), et ici: version rigide (12€).
Nous vous recommandons vivement ce petit livre comme vademecum écologique sur l'énergie. "Prescrivez-le" autour de vous, à vos amis, vos enfants, vos parents ... voire au centre de documentation de votre école, à votre député, à votre candidat préféré à l'élection présidentielle ... ou à vous même si vous êtes l'un(e) des candidat(e)s.
Bonne lecture de cette BD instructive et passionnante.
Cliquer sur l' image pour l'agrandir
Des signes de rétablissement ! (15/02/2022)
En des temps où la doxa de l’environnementalisme doctrinaire règne en terrain conquis sur une large part de l’administration et les médias, Jacques Simonnet en fin connaisseur du retraitement, nous raconte une belle histoire, toute simple, une fable qui, partant du cas concret des évaporateurs de l’usine de retraitement de La Hague, nous fait toucher quelque chose d’universel.
Alors que communiqués et articles s’enflamment sur leur dangerosité, se font les gorges chaudes de leur remplacement présenté comme «prématuré» et épiloguent implicitement sur une industrie obsolète incapable de maîtriser ses outils, donc structurellement néfaste pour l’environnement, la réalité est n’a jamais été aussi éloignée de la rhétorique.
>>
En effet, conçus initialement pour concentrer les produits à vitrifier de certains effluents liquides de l’usine de retraitement, ces dispositifs, en raison de leur efficacité et d’un souci environnemental, ont vu progressivement leurs champs d’application s’élargir au traitement de la quasi-totalité des effluents aqueux qui étaient auparavant rejetés en mer au terme d’une épuration moins marquée. Ce surcroît d’usage s’est accompagné d’une usure accrue des évaporateurs mais au bilan, il s’agit bien d’une avancée, rigoureusement pilotée, avec des gains décisifs en matière de rejets dans l’environnement qui l’emportent de beaucoup sur les quelques pourcents de durée de vie en moins de l’installation : le verre est plein, et l’analyse précise et fluide de Jacques nous montre combien sûreté et innovation sont intimement liées.
Un apologue industriel
Plus que révéler le flagrant délit de ridicule des outrances alarmistes qui ont jalonné une simple pratique vertueuse d’ORANO sur son site, cet exemple nous enseigne en contre-champs qu’il n‘y a pas d’industrie qui vaille sans une formidable volonté d’amélioration technique réglée sur le désir de s’adapter aux changements, supportée par des investissements humains et financiers continus.
Bâtie à coups d’essais et d’échecs, de patience et d’observations, de ténacité, aux antipodes de l’instantanéité du monde des algorithmes, cette volonté avait perdu de son écho auprès d’un public auquel on avait fait croire à un monde matériel facile, peu différent de celui des signes, une illusion fille de 30 années de désindustrialisation et de présupposés désincarnés au plus haut de l’état.
Ces décennies ont durement frappé l’industrie électronucléaire. La saga EPR en montre les stigmates.
Mais le grand corps affaibli se rétablit et irrésistiblement son tissu se régénère.
A l’instar de la pratique vertueuse des évaporateurs de la Hague, patiemment les problèmes se résolvent à force de recherche et de retour d’expérience. Génie civil, ingénierie, métallurgie, soudure retrouvent leur excellence.
Tout n’est pas recouvré, loin s’en faut, mais insensiblement au fur et à mesure que s’effondrent les mythes post-industriels et que la réalité du changement climatique s’impose, le rétablissement s'opère et les conditions d’une renaissance électronucléaire se mettent en place.
Il ne manque plus qu’un véritable élan politique.
Monsieur Macron, redressez l’Europe énergétique ! (15/01/2022)
Lettre ouverte d'UARGA au Président du Conseil de l'Union Européenne, Emanuel Macron (du 10 janvier 2022)
Après 15 vertueuses années durant lesquelles l’Europe s’est pieusement efforcée de déréguler le marché de l’électricité et d’y promouvoir les seules énergies renouvelables, force est de constater un bilan peu flatteur sur tous les fronts : l’espérance d’atteindre en 2050 nos objectifs d’émissions carbonées ne cesse de s’amenuiser année après année, et le marché de l’électricité désorganisé n’offre plus guère pour perspective qu’envol des prix et pénurie. Une réalité en décalage avec les discours de parangon de vertu climatique que nous projetons à la face du monde.
Des voix sont de plus en plus nombreuses à dénoncer cette impasse, mais il est très difficile de se faire entendre au sein de la grande instance européenne.
Aussi, sous l’impulsion de Jean-Luc Salanave, UARGA a saisi l’opportunité qu’offrait la présidence de la France à la tête du Conseil de l’Union européenne pour faire valoir, sous la forme d’une Lettre ouverte adressée à cette présidence, la nécessité absolue d’inclure la solution nucléaire dans la panoplie des armes que l’Europe doit promouvoir pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique.
L’abandon inéluctable des énergies fossiles dans un bref délai est le renoncement le plus difficile que nos sociétés auront à résoudre durant ce siècle. A cette fin, plutôt que de s’enliser dans des quadratures chimériques à l’efficacité douteuse - quand elles ne menacent pas à terme notre indépendance -, concentrons-nous sur l’optimisation d’une solution éprouvée, l’énergie nucléaire pour en faire l’une des bases de la ré-industrialisation de l’Europe.
A l'occasion de cette première newsletter de l'année 2022, UARGA vous présente ses meilleurs voeux.