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Les déchets nucléaires

Index
1. Les déchets nucléaires : le minimum à savoir
2. Classification des déchets nucléaires
3. Les déchets FAVC – Conditionnements et stockage
4. Les déchets nucléaires HAVL et la loi du 28 juin 2006
5. La vitrification des déchets HAVL, c’est quoi au juste ?
6. Qu’est-ce que la transmutation ?
7. Un stockage en formation géologique profonde : à quoi cela ressemble ?
8. Pourquoi un stockage profond et non en surface ?
9. On parle souvent d’analogues naturels : ça veut dire quoi ?
10. Cycle ouvert ou cycle fermé : quel impact sur les déchets ?
11. Déchets nucléaires : de quelles quantités parle-t-on ?
12. Les déchets nucléaires, ça coûte cher ?
13. Que font les pays étrangers de leurs déchets ?
14. Conclusion : démythifier les déchets et refuser les idées reçues

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1. Les déchets nucléaires : le minimum à savoir

  • Toute industrie, toute activité humaine produit des déchets(en France en 2017 on en produit presque 5 tonnes par an et par habitant)[1] : l’industrie nucléaire produit donc, comme toutes les autres industries, des déchets.
  • Les déchets nucléaires ont trois particularités qui leur sont spécifiques :
    • ils sont très aisément détectables et identifiables grâce à leur radioactivité,
    • Leur nocivité décroît avec le temps. On se souvient que, pour un élément radioactif, plus sa période est longue et plus son activité est faible et, inversement, si son activité est forte, alors elle disparaîtra rapidement,
    • Ils sont produits en très petites quantités (moins d’1 kg/an.habitant, conditionnement compris, à comparer par exemple à la production de déchets toxiques chimiques qui est de 160 kg/an.hab. en France en 2017).
  • Plus de 90% des déchets nucléaires ont une faible ou très faible radioactivité, et sont conditionnés en ligne par leurs producteurs puis envoyés à l’ANDRA pour stockage définitif dans des sites dédiés. Cela fonctionne ainsi depuis longtemps et de manière satisfaisante : la preuve ? On n’en parle jamais !
  • Aussi, quand on lit, entend ou parle du «problème des déchets nucléaires», c’est aux déchets de haute activité et à vie longue (les HAVL) qu’on fait référence ; ils représentent une fois conditionnés moins de 200 tonnes par an en France, grâce au retraitement des combustibles usés. Rappelons qu’on décharge chaque année des réacteurs français environ 1200 tonnes de combustibles usés qui contiennent seulement 3 à 5% de véritables déchets HAVL (produits de fission et actinides mineurs), les 95 à 97 % restant étant des matières énergétiques valorisables et recyclables (uranium et plutonium) ; on conservera la valeur de 5% dans la suite du texte, pour des raisons de clarté, sachant que c’est la valeur vers laquelle tend le fonctionnement des réacteurs.
  • Le stockage provisoire des déchets HAVL conditionnés, qu’on dénomme entreposage, peut être et est pratiqué pendant des dizaines d’années sans risque et sans aucun impact sanitaire, car leur dégradation est insignifiante sur ces durées dans de bonnes conditions de refroidissement ; cela est encore plus vrai pour des déchets qui ont été vitrifiés comme on le fait en France ;
  • On a donc le temps avant de choisir la meilleure solution de gestion définitive des déchets ; mais le fait de prendre son temps ne signifie pas qu’il n’y ait pas de solution, bien que ce soit souvent perçu comme tel par une population qui a tendance à croire ce qui lui est seriné à profusion par les antinucléaires, relayés sans explication par les médias.

 

2. Classification des déchets nucléaires

Mais d’abord, d’où viennent-ils et que sont-ils, ces fameux déchets nucléaires ?

  • Il y a bien sûr les combustibles usés sortant des réacteurs, contenant initialement l’uranium enrichi dont une partie s’est fissionnée et a engendré des produits de fission, tandis qu’une autre a absorbé des neutrons en créant des éléments plus lourds (les transuraniens) ; EDF produit chaque année 1200 tonnes d’assemblages combustibles usés en provenance de ses 58 réacteurs. La quasi-totalité de la radioactivité produite (environ 99%) se trouve dans le combustible lui-même à l’intérieur de ces assemblages, le reste (environ 1%) dans la structure métallique des assemblages activée par les neutrons. Mais sur ces 99%, tout n’est pas un déchet, la majeure partie, 95% environ, peut être recyclée pour donner de l’énergie, seule une faible partie, environ 5 %, est réellement un déchet non valorisable, de la même manière que les cendres de la bûche à peine entamée dans votre cheminée.
  • Il y a ensuite des matériaux ou équipements provenant de la maintenance des installations qui ont été au contact de la radioactivité et ont été (ou peuvent être) contaminés par elle, que ce soit dans les centrales nucléaires ou les usines produisant ou retraitant le combustible (qu’on appelle les usines du cycle) ;
  • Il y a aussi les effluents liquides et gazeux provenant de ces installation, qui sont traités dans un autre article ;
  • Il y a aussi les déchets miniers, qui comprennent les résidus de lixiviation du minerai d’uranium et les «stériles» correspondant à ce qui est extrait de la mine mais dont la teneur n’est pas suffisante pour justifier son traitement ; les déchets miniers ne contiennent que de la radioactivité naturelle et à des teneurs très faibles ;
  • Il y a encore les déchets de démantèlement des différentes installations nucléaires, ou tout au moins cette partie des installations qui a été contaminée au contact de la radioactivité ;
  • Il y a enfin des déchets nucléaires provenant d’hôpitaux (radiothérapie, traceurs…), d’universités (physique nucléaire, traceurs radioactifs…), d’industries diverses (par exemple les sources scellées pour le contrôle des soudures), voire de l’industrie chimique (terres rares, engrais phosphatés)

En France, c’est l’ANDRA (Agence Nationale pour les Déchets RAdioactifs), un EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial) indépendant des industriels, qui a pour mission de prendre en charge les déchets nucléaires, une fois préconditionnés par leurs producteurs ; elle est financée par les taxes sur les colis à stocker, payées par les producteurs.

La réglementation française classe les déchets nucléaires selon leur radioactivité en 4 catégories :

Classification francaise des déchets

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

  • Déchets très faiblement actifs (TFA) : on ne pratique pas en France «l’exemption», comme cela est pratiqué dans la plupart des autres pays en Europe et dans le monde (en Allemagne et en Belgique par exemple), qui permet à un industriel de recycler ses déchets dans le domaine public, une fois qu’il a été vérifié que leur radioactivité est inférieure à un seuil défini; on a donc créé une catégorie de déchets TFA (radioactivité inférieure à 100 Bq/g) qui prend en compte notamment les déchets de démantèlement; dont l’activité, de l’ordre de 1 Bq/g en alpha et 10 Bq/g en bêta au maximum est au pire similaire à celle de certains produits naturels (granite, engrais phosphatés) ; conditionnés en big bags, ils sont stockés par l’ANDRA au CIRES (Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage) à Morvilliers (Aube) ;
  • Déchets de faible activité et à vie courte (FAVC) : par vie courte, on entend conventionnellement les éléments radioactifs dont la période est égale ou inférieure à trente ans et qui donc, au bout de 300 ans, auront pratiquement disparu[2] ; ce sont généralement des outillages, vêtements d’intervention, matériels et matériaux ayant été au contact de la matière radioactive, présentant un niveau d’activité compris entre quelques centaines et un million de Bq/g ;
  • Déchets de faible et moyenne activité et à vie longue (MAVL et FAVL) : ils se distinguent des précédents par l’existence d’éléments radioactifs à vie longue, en général des émetteurs alpha dont la période est supérieure à 30 ans (par exemple, la plupart des isotopes du plutonium), tout en étant bien moins radioactifs que le combustible usé (ex. déchets de structure des combustibles ou graphite issu de la filière graphite-gaz); ils se distinguent des suivants (les HAVL) en ce que leur activité résiduelle est beaucoup plus faible, au maximum de quelques millions de Bq/g et donc leur puissance thermique est négligeable, quelques watts tout au plus pour 1 m3 de déchets ;
  • Déchets de haute activité (initiale) et à vie longue, les HAVL[3]: très actifs et vie longue. Ce sont les produits de fission et actinides séparés de l’uranium et du plutonium lors des opérations de retraitement (5% du combustible dont 10 à 15% seulement sont encore radioactifs après la décroissance de 5 ans préalable à la vitrification) ou le combustible usé lui-même dans le cas où on n’effectue pas de retraitement). Étant néanmoins encore très radioactifs (typiquement plusieurs milliards de Bq/g), ils ont aussi une puissance thermique résiduelle importante (typiquement 1 à 2 kW par conteneur de déchets vitrifiés au moment où ils sont produits); cette puissance, due à leur radioactivité, diminue rapidement avec le temps (après 100 ans il ne reste déjà qu’un peu moins de 0.4 kW), c’est la raison pour laquelle il faut les laisser refroidir dans un entreposage adéquat plusieurs dizaines d’années avant de les stocker.

En France les déchets FAVC et TFA représentent près de 95% du volume total des déchets nucléaires et moins de 1 % de la radioactivité totale des déchets.

 

3. Les déchets FAVC – Conditionnements et stockage

Déchets A compactés et immobilisés dans du ciment

Fut métallique 200L

 

Déchets A ou B bétonnés (B si présence de VL)

Conteneur en béton de 0,7 ou 1,5 m3

Dans toute l’industrie nucléaire, depuis l’origine, le confinement est la règle d’or ; aussi, la technique de gestion des déchets est-elle le confinement dans des configurations stables pour les empêcher de se disperser dans la biosphère : c’est ce qu’on appelle le conditionnement. Les déchets FAVC peuvent être conditionnés de différentes façons, de préférence aussitôt après leur production, le but étant toujours de confiner la radioactivité dans le plus petit volume possible et que ce confinement puisse être garanti environ 300 ans :

  • Le plus simple (et le plus pratiqué) consiste à compacter les déchets dans un fût métallique et de les immobiliser en coulant dans le fût un mortier ou un coulis de ciment ; technique acceptée par l’ANDRA pour des activités inférieures à un seuil donné variable selon le type de radioélément ;
  • Si le matériau s’y prête, on peut incinérer les déchets, récupérer les cendres et les conditionner en fûts métalliques comme ci-dessus ; mais attention, pas dans n’importe quel incinérateur : il n’y a qu’une installation de ce type autorisée en France (Centraco dans le Gard qui incinère quelques 3000 tonnes de déchets chaque année). On devine que, avec cette technique, le volume final sera très réduit. Dans la même usine, on peut aussi fondre les déchets métalliques pour en faire des lingots, eux aussi destinés au stockage ;
  • Dans le cas d’une activité un peu plus élevée, on doit pratiquer l’enrobage du déchet (c’est à dire qu’il sera enfermé dans une matrice l’isolant de l’extérieur) ; le matériau d’enrobage doit pouvoir résister 300 ans : béton et résines thermodurcissables sont les plus employés. Le tout est ensuite mis en conteneur (béton ou métallique) ;
  • Dans tous les cas et quelle que soit la technique utilisée, la caractérisation (c’est à dire l’identification de tous les composants, radioactifs ou non) et la traçabilité du déchet sont obligatoires : on doit pouvoir retrouver l’origine, la nature et le producteur de chaque déchet tout au long des opérations de conditionnement, du transport et même dans son stockage définitif ;
  • Enfin, toutes ces techniques de confinement doivent obéir à des spécifications très précises, fruits de nombreuses années de recherche et de mise au point, approuvées par les Autorités françaises (et le cas échéant, étrangères) ; les procédures d’Assurance de la Qualité s’appliquent dans toute la chaîne de fabrication de ces colis de déchets.
 

Le stockage des déchets FAVC ainsi conditionnés est fait par l’ANDRA au Centre de Stockage de l’Aube à Soulaines, seul site autorisé pour ce stockage. La technique consiste à construire de grands parallélépipèdes de béton dans lesquels sont placés les colis de déchets livrés par les producteurs (ou fabriqués par l’ANDRA dans le cas des petits producteurs tels qu’hôpitaux et universités n’ayant pas les moyens d’avoir leurs propres installations de conditionnement). Un toit mobile permet de réaliser l’opération de remplissage à l’abri des intempéries. Deux cas :

  • Pour les déchets immobilisés, les colis seront ensuite bloqués par du béton maigre coulé dans les ouvrages ;
  • Pour les déchets enrobés, le remplissage des ouvrages de béton est fait avec du gravillon.

Site de Soulaines Andra

Une fois rempli, l’ouvrage est recouvert d’un toit définitif en béton et on peut passer à l’ouvrage suivant. L’ensemble, qui est drainé, sera ensuite recouvert d’une membrane imperméable, de couches de terre et d’une couverture végétale. La surveillance est prévue sur une période de 300 ans, d’abord assez forte (notamment pour détecter une éventuelle contamination des réseaux de drainage), puis plus légère par la suite.

Très visitée, notamment par des étrangers, la technique utilisée à Soulaines a été reprise, parfois avec des variantes locales, par de nombreux pays.

Enfin rappelons que la pratique de l’immersion de déchets solides dans les fosses océaniques (seulement pour des déchets de faible activité) a cessé dans les années 70 et a été définitivement interdite par la Convention de Londres de 1980 (l’URSS a néanmoins poursuivi cette pratique dans la mer du Japon jusqu’en 1990).

Tout ce qui suit est relatif aux déchets HAVL et MAVL, c’est à dire ceux auxquels on fait généralement référence quand on parle de déchets nucléaires.

 

4. Les déchets nucléaires et les lois du 28 juin 2006 et du 25 juillet 2016

Une première loi sur le devenir des déchets nucléaires de haute et moyenne activité à vie longue avait été votée au Parlement le 30 décembre 1991 ; elle faisait suite à un moratoire du gouvernement Rocard décidé suite aux rejets répétés par les populations locales des projets de stockage envisagés alors par l’ANDRA. Que disait cette loi ?

  • Le Parlement devra prendre une décision en 2006, et en attendant on étudie et on réfléchit.
  • Entre 1991 et 2006, étude en parallèle de trois voies possibles :
    1. Séparation et transmutation des éléments à vie longue présents dans ces déchets ;
    2. Stockage réversible ou irréversible en formation géologique profonde ;
    3. Entreposage longue durée (un ou deux siècles) en «surface ou subsurface» (subsurface veut dire enterré mais proche de la surface).
  • Les voies de recherche1 et 3 ont été étudiées par le CEA ; en particulier le réacteur rapide Phénix a été réactivé pour les études de la voie 1 (alors que dans le même temps, on arrêtait Superphénix !) ;
  • La voie 2 a été étudiée par l’ANDRA. En 1991 on espérait ouvrir 2 laboratoires d’études ; un seul sera ouvert (Bure dans la Meuse) dans un site argileux, un deuxième site dans le granite, envisagé dans la Vienne, ayant été rejeté par les populations locales. L’ANDRA a pu compenser en collaborant à des études réalisées à l’étranger dans le granite (Suisse, Suède, Canada) ;

Et le Parlement a été fidèle à ses engagements… Suite aux rapports du comité des sages (la CNE), qui a contrôlé régulièrement l’avancement des études, de l’ASN et de l’OPECST[4], une proposition de loi a été déposée au Parlement qui l’a votée le 28 juin 2006. Qu’apporte de nouveau cette loi ?

  • Appelée aussi loi sur la «transparence», elle rend publiques toutes les informations sur les déchets, passés, présents et futurs, sous la forme, d’une part de l’Inventaire National des Déchets, géré par l’ANDRA, qui liste tous les sites français détenant des déchets radioactifs (avec les quantités et la radioactivité contenue), et d’autre part le Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs (PNGMDR), ces deux documents sont consultables sur les sites respectifs de l’ANDRA et de l’ASN. De nombreux autres points sont précisés, comme le financement des recherches et l’échelonnement des démarches administratives pour aboutir à la mise en service d’un stockage ;
  • Le stockage géologique réversible est considéré par la loi comme la solution unique retenue quelles que soient les conclusions sur la transmutation ; et on y trouve des engagements de date telles que 2015 pour l’autorisation d’un site définitif et 2025 pour le début de son exploitation ;
  • On n’abandonne pas pour autant la voie de la transmutation : il est précisé au contraire qu’on poursuit les études pour en faire le bilan en 2012 en vue de construire un réacteur de démonstration en 2020.
  • Quant à la voie de l’entreposage longue durée, elle sera réservée à des cas très spécifiques comme celui des déchets graphite (héritage de la génération des réacteurs UNGG) et éventuellement à celui des déchets tritiés (provenant des activités militaires).

Les échéances de la loi de 2006 n’ont pas été respectées. Les programmes de transmutation, compte tenu de la complexité des opérations à réaliser et de l’importance de la R&D à faire aboutir, ont été plus ou moins gelés. Par contre les travaux sur le stockage en couche géologique profonde ont été poursuivis.

Une loi de 2016 est venue compléter la loi de 2006 :

  • Elle confirme le choix du stockage réversible en couche géologique profonde.
  • La loi précise la définition de la réversibilité qui doit être effective pour au moins 100 ans. Le principe de réversibilité, antinomique avec le caractère définitif du stockage, a été retenu contre des avis défavorables, malgré sa contribution significative à la complexité et donc au coût du projet ainsi qu’à la diminution de la sûreté qu’il implique.
  • La loi impose également une phase industrielle pilote dont on tirera des enseignements avant l’exploitation industrielle proprement dite. L’échelonnement des actes administratifs en est revu et précisé. L’échéance de l’autorisation est reportée de 2015 à 2018, sans changement de la date de mise en service en 2025. L’échéance de 2015 n’aura pas été respectée, et de loin, il est pratiquement impossible que celle de 2025 le soit.

Actuellement en 2020, un certain nombre d’étapes ont été franchies pour la création de CIGEO (centre industriel de stockage géologique), futur stockage réversible en couche géologique profonde localisé à Bure, sur la frontière entre la Haute-Marne et la Meuse. Le dossier de demande d’utilité publique a été déposé, il donnera lieu à un débat public avant l’émission du décret de création, L’étape suivante sera celle de ce décret

 

5. La vitrification des déchets HAVL, c’est quoi au juste?

Coulée de verre

Dans le procédé de retraitement, après séparation de l’uranium et du plutonium en vue de leur recyclage, les produits de fission et les actinides mineurs se retrouvent en solution dans de l’acide nitrique où on les maintient quelques années dans des cuves spécifiques pour faire diminuer leur radioactivité et faciliter leur vitrification. On va pour cela d’abord les calciner dans un tube tournant, chauffé à environ 650°C, ce qui va les transformer en oxydes solides ; on les introduit ensuite dans un bain liquide de fritte de verre borosilicaté à 1150°C (le four de fusion) où ils vont rester environ 8 heures pour être littéralement «digérés» par le verre (ou plus précisément incorporés à la structure du verre). Le résultat est un verre noir dans lequel les oxydes de PF font partie intégrante de la structure du verre[5].

Ce verre en fusion est ensuite coulé dans un conteneur en acier inoxydable (par conteneur en moyenne 150 litres de verre contenant environ 50 kg de PF et actinides), qu’on va laisser refroidir pour qu’il se solidifie. Il est alors fermé par un couvercle soudé. Il n’y a plus alors qu’à l’entreposer en puits ventilés (ventilation forcée d’abord, naturelle ensuite), pour évacuer les calories.

Conteneur CSDV

Entreposage de déchets C, en puits ventilés
(chaque rond = un puits avec 9 ou 12 conteneurs)

Un tel conteneur a, au moment de son remplissage, une puissance thermique résiduelle de près de 2 kW, ce qui lui donne une température à cœur voisine de 500°C ; Il doit donc être entreposé plusieurs dizaines d’années avant de pouvoir être placé dans un stockage profond, pour éviter qu’un trop grand dégagement calorifique au cœur du stockage ne «cuise» l’argile environnante. On comprend donc pourquoi les scientifiques disent qu’on a le temps avant de choisir un site de stockage : l’entreposage des déchets vitrifiés est de toute façon nécessaire sur d’assez longues périodes et c’est également vrai pour les combustibles usés non retraités.

Beaucoup de R & D a été faite sur ce verre pratiquement inaltérable, mis au point en France, et on a pu montrer qu’il pouvait résister remarquablement à la corrosion par l’eau, même chaude.

 

6. Qu’est-ce que la transmutation ?

  • Transmuter un élément radioactif indésirable contenu dans les déchets nucléaires, c’est le transformer en un autre élément, si possible stable ou à défaut de période plus courte, en le soumettant à un flux de particules et ainsi faire disparaître la radioactivité plus rapidementComme on dispose de flux importants de neutrons dans les réacteurs, c’est évidemment là en priorité qu’on étudie les possibilités de transmutation par recyclage des déchets HAVL ;
  • Loin d’être un rêve d’alchimistes, la transmutation est en fait un phénomène naturel : ainsi l’action des rayons cosmiques sur des atomes de gaz dans la haute atmosphère peut occasionner des transmutations ; par exemple la transformation de l’azote stable en carbone 14 radioactif est une transmutation. De même la radioactivité naturelle peut être considérée comme une suite de transmutations jusqu’à l’arrivée à un atome stable ;
  • Dans les déchets HAVL, ce sont évidemment les radioéléments de longue période qu’on va chercher à transmuter ; mais il y en a deux types qui ne répondent pas de la même façon aux neutrons :
      • Des produits de fission (PF) à vie longue : ceux-ci sont peu toxiques car de faible activité, mais ils peuvent être assez mobiles, donc dimensionnants pour le stockageles principaux : le technétium 99 (période 213 000 ans), le césium 135 (2,3 millions d’années), l’iode 129 (15,7 millions d’années), ce dernier n’étant dans les déchets qu’à l’état de traces si on a effectué le retraitement, car il est alors majoritairement et volontairement rejeté avec les effluents liquides ;
      • Les transuraniens (ou actinides, comme on dit souvent bien que ces deux termes ne soient pas rigoureusement synonymes[6]), toxiques car d’activité alpha assez élevée mais très peu mobiles: neptunium, plutonium, américium, curium, (nombreux isotopes pour les trois derniers) ;
  • Le retraitement, dans sa version actuelle ou dans une version aménagée, est une première étape indispensable vers la transmutation, d’une part pour isoler les produits de fission et d’autre part pour séparer le plutonium ; en effet quand il est recyclé en réacteur sous forme de nouveau combustible (MOX ou rapide), il y est «brûlé» (et en prime il fournit un supplément d’énergie) ; or le plutonium c’est à lui seul 90% de la radioactivité résiduelle des combustibles usés entre 100 et 200 000 ans ;
  • Pour transmuter, il faut d’abord séparer les PF des transuraniens : en effet les PF à vie longue se transmutent mieux avec des neutrons lents (comme dans les réacteurs de la génération actuelle), alors que les transuraniens se tr
    Périodes des isotopes du plutonium les plus fréquents:
    Pu238 88 ans
    Pu239 24400 ans
    Pu 240 6540 ans
    Pu 241 14,4 ans
    Pu 242 387 000 ans
    ansmutent mieux avec des neutrons rapides (comme dans les réacteurs type Phénix ou ceux de la génération IV en cours d’étude). Il faudra donc au préalable effectuer des séparations entre les deux types de radioéléments. Par ailleurs, les rendements en réacteur sont peu élevés, et il faudra donc renouveler l’opération après de nouvelles séparations ; autrement dit il faudra faire plusieurs fois ce qu’on fait déjà quand on retraite les combustibles usés, puisqu’on y sépare U et Pu du reste, mais en beaucoup plus complexe, en utilisant une combinaison de solvants spécifiques pour isoler les PF des actinides. Le CEA a mis au point en laboratoire ces différentes séparations et a pu ensuite démontrer que la transmutation en réacteur rapide était effectivement possible bien que très lente ;
  • L’utilisation d’accélérateurs de particules, au lieu de réacteurs dédiés à la transmutation, peut sembler attrayante car elle peut être plus sélective, mais elle n’est pas réellement adaptée aux quantités à traiter, puisqu’on ne peut l’utiliser que sous vide (pour minimiser les collisions entre atomes) donc avec des quantités très faibles. Mais on peut imaginer, comme le Professeur Rubbia, des systèmes hybrides constitués d’un accélérateur couplé à un réacteur sous-critique (système dit ADS).

Chacun comprendra donc que la transmutation, quelle qu’attrayante qu’elle soit dans son principe, conduirait à une complexification peut être rédhibitoire du cycle du combustible sans parler d’une consommation d’énergie supplémentaire non négligeable et coûteuse, ni de risques de doses supplémentaires aux personnels qui devront manipuler ces produits, à moins que la R&D future ne découvre de grandes simplifications à ce processus.

On pourra également consulter le document élaboré par une association amie.

 

7. Un stockage en formation géologique profonde : à quoi cela ressemble ?

♦ Comme pour une mine souterraine, il y a d’abord une descenderie (verticale ou inclinée) qui permet d’amener les lourds colis blindés à la profondeur retenue et deux puits pour assurer la circulation d’air (entrée et sortie) ;

Le concept des barrières se décline sur 3 périodes successives :

  • 100-1000 ans, le colis qui est inaltéré, l’activité décroît rapidement
  • jusqu’à 10000 ans, la barrière ouvragée
  • au-delà de 10000 ans, la formation géologique

♦ Des galeries horizontales percées dans la couche géologique choisie (argiles, granite, schistes, sel, etc.) et aux profondeurs retenues (en général 400 à 600 mètres) permettent d’accéder à des alvéoles, verticales ou horizontales, dans lesquelles seront disposés les déchets conditionnés ;

♦ Le concept de base, retenu pour toutes les installations projetées dans le monde, repose sur le principe des 3 barrières indépendantes, chacune devant assurer sa part dans la résistance aux agressions extérieures :

  • la première est toujours le colis de déchets lui-même qui doit donc «avoir fait ses preuves» pour assurer sur le long terme un bon confinement et une bonne résistance à l’eau ;
  • la deuxième est une barrière ouvragée constituée d’argile, de béton ou autre dont le but est d’isoler le plus longtemps possible le colis de la formation géologique ;
  • la troisième, enfin, est la formation géologique reconnue stable sur des millions d'années dans laquelle on a construit le stockage.

♦ A partir de ces principes communs à tous les projets, les études divergent selon qu’on pratique, ou non, le retraitement. Quand le combustible usé est considéré comme le déchet ultime, la première barrière est un conteneur spécifique étanche [7] (pour éviter des entrées d’eau qui pourraient poser des problèmes de criticité), non susceptible de corrosion, tout en permettant l’évacuation des calories, d’où le choix du cuivre pur comme c’est pratiqué en Suède et en Finlande, alors qu’aux Etats-Unis est privilégiée une enveloppe constituée d’un sandwich de plusieurs métaux nobles. Quand le déchet ultime est un verre, la première barrière est le  verre lui-même associé à son conteneur, le verre lui-même ayant une excellente résistance à l’eau, comme cela a été prouvé en laboratoire et se vérifie sur des verres analogues naturels tels que l’obsidienne ;

♦ Dans tous les cas, les déchets sont livrés en conteneurs de transport sur le site de stockage ; selon les cas soit le conteneur de transport, considéré comme la première barrière, sera placé dans une alvéole, soit il ne servira qu’au transport et les déchets seront placés dans une alvéole, soit directement soit après avoir été placés dans un surconteneur de stockage ;

♦ Une fois remplie, l’alvéole est fermée en construisant un scellement ; selon que le stockage est réversible ou irréversible, cette barrière est définitive ou démontable. Vraisemblablement une aération sera maintenue (au moins pendant la période de réversibilité) pour évacuer les calories résiduelles, même si on ne stockera dans les galeries que des déchets conditionnés déjà très refroidis (donc vieux d’une cinquantaine d’années) ; enfin des capteurs – notamment de température - renseigneront les surveillants à la surface des conditions régnant dans l’alvéole ainsi isolée ;

♦ En France, selon les termes de la loi du 28 juin 2006 (non remis en cause par la loi de 2016 mais les dates ne pourront certainement pas être respectés), les opérations de stockage devraient commencer en 2025 et pourraient se poursuivre jusqu’à la fin du siècle; ce ne serait qu’après cette échéance qu’il pourrait être envisagé de mettre un terme à la réversibilité pour permettre la fermeture définitive de certaines parties du stockage[8] ;

♦ On voit donc que le soin apporté à un tel stockage n’a rien de commun avec un «enfouissement» dont l’image suggère qu’on jette les déchets dans un trou et qu’on rebouche ensuite pour mieux les oublier. Voilà pourquoi ce terme d’enfouissement est inadapté quand on parle de la gestion des déchets nucléaires en formation géologique profonde. Le Conseil de l’Union européenne a adopté le 19 juillet 2011 la directive 2011/70/Euratom mentionnant que le stockage géologique est la solution de référence pour les déchets HA et MA-VL. Les réflexions de l’Agence internationale de l’énergie atomique en 2003 et de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE en 2008 convergent avec celle de l’Union européenne en 2011 pour considérer que le stockage géologique est la meilleure solution disponible.

8. Pourquoi un stockage profond et non en surface ?

 

♦ Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas pour les oublier qu’on envisage partout dans le monde pour les déchets HAVL conditionnés un stockage profond ou, comme disent les scientifiques, «en formation géologique profonde» (ils veulent dire par là que le choix du site de stockage sera fait dans des couches géologiques dont on sait qu’elles sont stables depuis des centaines de millions d’années) ;

♦ Le but recherché est, au cas ou des radioéléments viendraient à migrer dans le sol ou à être emportés par une circulation d’eau, de retarder leur migration de manière telle qu’ils n’atteignent la biosphère qu’après un temps suffisamment long pour que la radioactivité ait décru à des valeurs trop faibles pour qu’elle ait des conséquences néfastes, ceci avec des marges substantielles.

♦Tous les projets existants dans le monde sont prévus aux alentours de 500 - 600 mètres de profondeur ; dans les argiles, les schistes, le granite ou le sel ; pourtant, ce n’est pas pour se protéger des radiations qu’on veut aller à cette profondeur, en fait quelques mètres de terre suffiraient largement à s’en protéger ; mais :

  • A cette profondeur ils sont à l’abri des tremblements de terre dont les effets dévastateurs apparaissent essentiellement en surface ou proches de la surface de la Terre (sans compter que, pour une plus grande sûreté, on choisit des zones connues pour être pas ou très peu soumises aux séismes) ;
  • A cette profondeur, dans ces substrats et en l’absence de failles, il n’y a pas de circulation d’eaux souterraines et donc pas de communication avec les eaux de surface[9] ; ainsi par exemple, si on connaît un gisement de sel vieux de centaines de millions d’années, c’est qu’il n’y a pas eu d’arrivée d’eau pendant toute cette période. Et même s’il y avait un jour lointain une arrivée d’eau, le concept des trois barrières – dont une en argile imperméable - retarderait considérablement l’attaque du déchet par l’eau, en tout cas bien après qu’il soit devenu aussi inoffensif qu’un gisement natur

    Qualités requises pour un stockage:
    -stable (sismicité)
    -imperméable et sec
    -exempt de failles
    -sans intérêt minier
    -insensible aux variations géologiques

    el d’uranium ;
  • A cette profondeur, il n’y a pas de risque de glaciations ou inondations (la glaciation ne va jamais au-delà de 100 à 200 m de profondeur) ;
  • A cette profondeur, pas de risque consécutif aux chutes d’avions, volontaires ou non, ni de risque de chutes de météorites[10] ;
  • A cette profondeur enfin, pas de risque d’intrusion humaine, malveillante ou involontaire : le site est choisi en fonction de l’absence d’intérêt minier, archéologique ou géologique. Et si, après oubli dans quelques millénaires, quelqu’un venait à effectuer des forages dans un tel stockage, il n’y aurait pas plus de risques que lorsqu’on fait aujourd’hui un forage dans un gisement d’uranium.
 

9. On parle souvent d’«analogues naturels». Ça veut dire quoi?

La notion d’analogue naturel appliquée aux déchets recouvre deux concepts très différents :

1) On a découvert, il y a maintenant une trentaine d’années, que des réacteurs nucléaires naturels avaient divergé au sein d’un gisement d’uranium à Oklo (Gabon), il y a environ deux milliards d’années lorsque les conditions de teneur en uranium fissile, de température et de modération étaient favorables[11] . Outre l’intérêt scientifique de cette découverte, on a retrouvé des traces de scories de la réaction nucléaire piégées dans le milieu schisteux du gisement d’uranium, prouvant ainsi qu’elles ont très peu migré dans ce milieu, et cela, bien que Dame Nature n’ait pas prévu de «barrières de confinement» sophistiquées comme on le prévoit pour le stockage en formation géologique profonde.

Ici, l’analogue naturel montre qu’une formation géologique convenable remplit son rôle de barrière au cours des âges. On peut donc être assuré que les radioéléments stockés dans ces conditions ne remonteront pas à la surface au cours des prochains millénaires.

On veut d’autres exemples ? Le cas du gisement de Cigar Lake (cf. note 9) est loin d’être le seul : beaucoup d’autres gisements d’uranium, vieux de 500 millions à plus de 2 milliards d’années se trouvent sous des lacs ou nappes sans qu’on ait pu les détecter par la radioactivité contenue dans ces eaux.

2) La vitrification, telle qu’on la pratique en France, utilise un verre borosilicaté ; ce choix des scientifiques du CEA n’est pas anodin : la composition de ce verre est voisine de celle d’un verre naturel basaltique d’origine volcanique, l’obsidienne, dont on connaît des occurrences vieilles de plusieurs centaines de millions d’années ; c’est bien la preuve qu’il peut résister à l’usure du temps sur d’aussi longues périodes. Et plus près de nous, on connaît des verres égyptiens et romains qui ont traversé les siècles sans altération notable.

Ici, l’analogue naturel montre qu’on peut être confiant sur la possibilité des déchets vitrifiés de résister plus que largement au temps nécessaire à la décroissance des éléments radioactifs qu’ils contiennent.

Le verre borosilicaté n’est d’ailleurs pas le seul matériau naturel capable à la fois de confiner les éléments radioactifs et de rester inchangé sur des périodes géologiques longues. Ainsi par exemple, des scientifiques australiens et américains travaillent sur des apatites (phosphates mixtes de calcium) dont on connaît aussi bien la capacité à piéger des atomes que leur résistance à l’usure du temps.

 

10. Cycle ouvert ou cycle fermé : quel impact sur les déchets?

Rappel : le cycle du combustible nucléaire est dit «ouvert» lorsque le combustible usé entier est considéré comme déchet ; le cycle est dit «fermé» lorsque le combustible usé est retraité, ce qui permet de récupérer et recycler l’uranium et le plutonium encore présents alors que les 5 % restants, les seuls véritables «cendres» de la réaction, sont conditionnés sous forme de «verres». La France, le Royaume-Uni, la Russie, les Pays-Bas, le Japon pratiquent le cycle fermé ; la Belgique, la Suisse et l’Allemagne, l’ont fait pendant de nombreuses années ; les Etats-Unis, le Canada, la Suède, la Finlande pratiquent le cycle ouvert.

Vu sous l’angle déchets, il y a trois différences essentielles entre les deux options:

 Dégagement thermique des

déchets nucléaires (W/t d’uranium initial)

 

Combustible

Verre

Après 10 ans

1872

1592

Après 100 ans

505

189

Après 1000 ans

86

5.9

Après 10000 ans

19

1.6

Après 100000 ans

1.6

0.3

Source MIT 50000MWj/t 4.5% de 235-U

  • avec le cycle fermé, les déchets ne contiennent ni uranium ni plutonium; or c’est ce dernier élément qui est responsable de 90% de la radioactivité entre 200 et 200 000 ans, comme on peut le voir sur le tableau ci-contre où, pour plus de visibilité, on a comparé non pas les activités mais les dégagements thermiques dans les deux options[12]; on aura donc un déchet beaucoup moins chaud (moins radioactif) durant cette période avec le cycle fermé ; au-delà de cette période, la différence devient négligeable, puisque la quasi-totalité du plutonium a disparu. Si on compare avec un gisement naturel d’uranium en équilibre avec ses descendants qui dégage de 1 à 5 W/t (selon sa teneur) on s’aperçoit que les déchets vitrifiés atteignent ce niveau après 10.000 ans contre environ 100.000 ans si on ne retraite pas. Cessons donc de dire que les déchets nucléaires seront nocifs sur des millions d’années : ce n’est pas exact et il vaudrait mieux s’intéresser sur ce point aux toxiques chimiques (mercure, plomb…) qui eux sont éternels ;
  • Là où le fonctionnement d’un réacteur de 1 GW (en gros c’est la puissance nécessaire pour une ville de 1 million d’habitants s’il fonctionne plus de 90% du temps) conduira chaque année à environ 2,5 m3 de déchets vitrifiés dans le cas du cycle fermé, le cycle ouvert conduira chaque année à environ 40 m3 de combustible usés confinés en conteneur, soit un volume 16 fois plus grand ;
  • enfin, avec le cycle ouvert, le combustible usé entier ne dispose pas de barrière de confinement comme l’est le verre dans son conteneur en acier inoxydable dans le cas du cycle fermé; il faut donc compenser en le plaçant dans un «conteneur» qui devra assurer le rôle de première barrière (étanchéité, résistance à la corrosion par l’eau) ; le cuivre extrêmement pur (renforcé par de la fonte pour la tenue mécanique) étant retenu pour ce faire par les pays scandinaves, le coût de ce confinement (longueur 5m, diamètre 1m, poids 20 t pour 12 assemblages) est donc assez élevé.

11. Déchets nucléaires : de quelles quantités parle-t-on ?

♦  Les déchets dus au fonctionnement des réacteurs nucléaires et au cycle du combustible associé, en France, en 2018 : environ 26400 m3 , répartis en : déchets FAVC,  6000 m3 ; déchets FA-MAVL, 300 m3 ; déchets HAVL,140 m3 ; déchets TFA 20000 m3. Les déchets TFA qui représentent le plus gros volume et la plus faible activité comprennent des déchets de démantèlement d’installations dont le démantèlement est déjà en cours (réacteur Chooz A, UP2 La Hague, etc.).

♦  Les déchets de démantèlement des réacteurs : le parc actuel de réacteurs en France devra être démantelé en fin de vie, c’est à dire déconstruit et les déchets correspondants conditionnés ; selon les experts, cette opération de démantèlement de l’ensemble du parc actuel (58 réacteurs) devrait produire 1 million de m3 de déchets TFA, 350 000 m3 de déchets FAVC, 4000 m3 de déchets VL, mais pas de déchet HAVL ; le tout sur une bonne cinquantaine d’années ;

♦  Les déchets miniers provenant des mines d’uranium françaises, aujourd’hui toutes fermées, représentant environ 52 millions de tonnes (hors stériles) ; ce sont essentiellement les résidus de lixiviation du minerai : ils ne contiennent que de la radioactivité naturelle.

 

Où en est-on à fin 2018 après plus de 50 ans d’industrie nucléaire ? Selon l’ANDRA :

  • Un stockage de déchets FAVC (appelé Centre de Stockage de la Manche, 527 000 m3) est plein et fermé depuis 1994 et couvert avec une surveillance légère ;

    Le centre Manche de l'ANDRA

  • Un deuxième stockage de déchets FAVC, le CSA (Centre de Stockage de l’Aube) est en fonctionnement à Soulaines depuis 1992 ; de capacité 1 million de m3, il contient environ 590 000 m3 de déchets FAVC conditionnés ;
  • Un stockage de déchets TFA est ouvert à Morvilliers (Aube) depuis l’été 2003 ; capacité de stockage : 650 000 m3 ; il contient 376 000 m3 ;
  • Environ 137 000 m3 de déchets FAVL et MAVL sont entreposés dans divers centres nucléaires (Orano, EDF et CEA) dont 47 000 sont des déchets graphite (provenant de l’ancienne filière UNGG) tandis qu’une bonne moitié du reste est déjà conditionnée ;
  • Sont entreposés à La Hague 3900 m3 (environ 9500 tonnes) de déchets HAVL contenant l’essentiel de l’activité, conditionnés sous forme de «verres», plus environ 2100 tonnes de combustibles MOX usés qu’EDF ne prévoit pas de retraiter dans l’immédiat.

Pour se faire une meilleure idée des petites quantités de déchets produits par l’industrie nucléaire, voici quelques éléments de comparaison :

Les déchets nucléaires
en France en 2018 :

  Total                                     26 400 m3

  Dont     TFA                          20 000 m3

               FAVC                         6 000 m3

               MA et FAVL                  300 m3

               HAVL                            140 m3

 

Concernant les déchets non nucléaires, on produit annuellement en France (valeurs 2017)  :

  • quelques 326 millions de tonnes de déchets de toutes sortes, dont 70 millions pour les activités économiques (hors construction) et pour 11 millions de tonnes, des déchets toxiques ;
  • Le désamiantage d’édifices publics ou privés produit chaque année plus de 60 000 tonnes de déchets amiante ;
  • Si on remplaçait le parc nucléaire par un parc de centrales au charbon de même puissance, on produirait chaque année 18 millions de tonnes de cendres contenant non seulement des radioéléments naturels en quantités importantes, mais aussi plusieurs tonnes de métaux lourds toxiques, sans compter évidemment le CO2 généré par sa combustion. De plus, l’UNSCEAR considère que pour produire la même quantité d’électricité, l’impact radiologique de l’utilisation du charbon est largement supérieur à celui de l’utilisation de l’énergie nucléaire (voir le rapport), ceci s’ajoutant aux effets sur la santé des poussières et des composés acides émis par le charbon dont est exempte l’énergie nucléaire.
 

12. Les déchets nucléaires, ça coûte cher ?

Bien sûr, isoler, conditionner et stocker ou entreposer les déchets nucléaires a un coût, mais comme on en produit peu par rapport à l’électricité produite, ce coût reste très raisonnable. En gros cela revient à un peu moins de 2% de notre facture d’électricité, sur laquelle est prélevé ce coût déjà compris dans le coût du kWh, ce qui est peu quand on les compare, par exemple, aux 15 à 20% de taxe d’assainissement de notre facture d’eau qui correspondent aux coûts de traitement des eaux usées.

 

Il faut également considérer le coût du démantèlement (et de prise en charge des déchets associés), pour lequel EDF prélève également sur les factures d’électricité de l’ordre de 0,0015 € par kWh (constituant des provisions pour le démantèlement des installations nucléaires) ; soit environ 1 % du montant payé par le consommateur, c’est à dire du même ordre de grandeur que l’éco-contribution qu’on paie pour le recyclage des automobiles ou des équipements électroniques (ordinateurs, téléphones, etc.)

 

13. Que font les pays étrangers de leurs déchets?

  • Aux États Unis, le site de Yucca Mountain (Nevada) est retenu depuis 2001 comme site de stockage profond (à – 450m) pour stocker les combustibles usés non retraités (77.000 t) de 2015 à 2060 ; mais la contestation efficace de l’État du Nevada qui vise l’abandon du projet se poursuit si bien qu’aucune décision définitive n’est aujourd’hui prise ni dans un sens ni dans l’autre. Rappelons que le DOE (Department of Energy) a longtemps prélevé 0,1 cent pour chaque kWh produit par les 104 réacteurs américains (ce qui fait de l’ordre de 800 millions de dollars chaque année) pour payer l’évacuation de leurs combustibles usés, ce qui a conduit plusieurs exploitants, devant la carence du DOE, à réclamer avec succès le remboursement des sommes versées. Par ailleurs le WIPP est en service depuis 1999 pour les déchets plutonifères militaires, dans une couche de sel près de Carlsbad (Nouveau-Mexique), premier site opérationnel au monde de stockage en formation géologique profonde ; son exploitation a été interrompue suite à un incendie d’origine externe et de déchets mal conditionnés, mais a repris et se poursuit normalement.
  • En Suède, outre l’entreposage CLAB à Oskarshamn, opérationnel en subsurface (25 m sous terre) depuis 1985 pour le refroidissement sous eau des combustibles usés, un centre de stockage souterrain (50 m) dans le granite de déchets de faible et moyenne activité, le SFR, est en service depuis 1988 à Forsmark. Ce site a été retenu sur la base du volontariat pour accueillir un centre de stockage définitif pour les combustibles usés non retraités et placés dans des conteneurs étanches en cuivre qui a obtenu l’agrément des autorités de sûreté et environnementale ; une usine d’encapsulation est prévue à Oskarshamn, près du CLAB. Les travaux devraient commencer rapidement et durer 10 ans. Un laboratoire souterrain à 420m de profondeur dans le granite est en activité depuis 1995 à Aspö ;
  • En Belgique, le retraitement par AREVA était la règle avant l’interdiction du recyclage en 1996. Le stockage direct s’impose pour la suite. Un centre de stockage définitif pourrait voir le jour à Mol où un laboratoire fonctionne à – 500m depuis 1980 dans l’argile ;
  • En Suisse, l’entreposage sur 30 à 40 ans de combustibles usés non retraités et de déchets vitrifiés en provenance de France est opérationnel au Zwilag dans le canton d’Argovie depuis 2001 ; un stockage définitif est en cours d‘étude, le choix, difficile, du site en principe dans l’argile est en cours ;
  • En Allemagne, toujours pas de décision sur le stockage profond depuis que le gouvernement Schröder a annulé en 1999 le choix de Gorleben fait par l’ancienne majorité. En attendant, les combustibles usés sont stockés en châteaux (appelés Castor qu’ils soient ou non de concept allemand ou français) sur les sites des réacteurs, tandis que les résidus vitrifiés en provenance de France sont entreposés en châteaux en surface à Gorleben. La recherche d’un site, excluant Gorleben, est en cours. Par contre le site de l’ancienne mine de fer de Konrad a été confirmé comme site de stockage de déchets de faible et moyenne activité avec une ouverture attendue maintenant pour 2027 après avoir été prévue pour 2013 ;
  • En Finlande, en même temps que l’annonce de la construction d’un cinquième réacteur, la décision d’ouvrir un site de stockage profond sur le modèle suédois dans le granite à Olkiluoto pour ses combustibles non retraités a été rendue publique fin 2003, pour une construction devant s’étaler jusqu’à 2020 ;
  • Aux Pays-Bas, le Habog a ouvert en 2003 comme lieu d’entreposage longue durée notamment des résidus vitrifiés en provenance de La Hague ;
  • En Angleterre, où le retraitement semble être remis en question, le projet d’un laboratoire souterrain à Sellafield a été abandonné, mais pas le principe d’un stockage en couches géologiques profondes ; recherche de sites relancée après plusieurs tentatives avortées ;
  • Au Japon, où l’usine de retraitement réalisée sur le modèle français d’UP3 de La Hague a cisaillé son premier combustible en avril 2006, un entreposage longue durée (50 ans) a été décidé à Rokkasho-Mura ; la recherche d’un site pour le stockage des déchets HAVL est en cours.
  • Au Canada, fidèle à sa filière uranium naturel et eau lourde sans retraitement, un laboratoire souterrain est en exploitation à Whiteshell (Manitoba) ; une loi de 2002 prévoit la gestion à long terme des combustibles usés en formation géologique profonde.

14. Conclusion: démythifier les déchets et refuser les idées reçues

• Il n’y a pas de solution pour les déchets nucléaires : Faux, la solution du stockage en formation géologique profonde s’impose comme la solution de référence dans le monde entier. Une installation de ce type fonctionne d’ailleurs aux Etats-Unis depuis plusieurs années pour des déchets militaires contenant du plutonium. Il faut bien comprendre qu’un entreposage de plusieurs dizaines d’années est de toute façon nécessaire pour que leur puissance thermique diminue. Ce délai est mis à profit pour rechercher les solutions optimales qui garantiront le bien fondé du substrat et de la technologie retenus.

Il ne faut pas croire ceux qui profitent de ce délai pour affirmer qu’il n’y a pas de solution ; le stockage en formation géologique n’est-il pas ce que nous propose Dame Nature quand on voit tous les gisements divers qui se trouvent sous nos pieds ?

 

Stockage, facteurs de confiance:
> formation géologique adéquate
> plutonium enlevé
> inaltérabilité des verres
> analogues naturels

> très petites quantités

Les déchets nucléaires font courir un risque inacceptable aux générations futures sur des millions d’années : voilà un slogan particulièrement fallacieux mais qui porte car il permet de diaboliser ces déchets ; en fait, la radioactivité résiduelle de ces déchets après quelques milliers d’années est équivalente à celle d’un gisement naturel d’uranium. Qu’est-ce que dix ou cent mille ans pour des temps géologiques qui se comptent en millions, voire en centaines de millions d’années ? Et que dire alors des toxiques chimiques qui, eux, sont éternels ?

• Le stockage profond c’est s’en débarrasser en les enfouissant pour mieux les oublier : c’est au contraire une solution élaborée qui est choisie, où tout ce qui peut arriver à ces déchets au cours des prochaines dizaines de milliers d’années est étudié avec le plus grand soin. Le concept des trois barrières indépendantes et successives est retenu partout dans le monde pour s’assurer de leur intégrité vis à vis de toutes sortes d’agressions extérieures ;

• En fait les déchets, comme d’ailleurs la radioactivité, sont victimes de la sensibilité des mesures : en application d’un principe de précaution abusif bien que constitutionnel, découlent des normes de radioprotection plus sévères que nécessaire et une crainte irraisonnée des faibles doses alimentée par l’hypothèse de la loi linéaire sans seuil. Pourtant, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas plus détectables que la radioactivité par les sens (ex. électricité) mais dont on connaît les effets et dont on sait parfaitement se protéger. Beaucoup de toxiques chimiques (ex. arsenic) ou biologiques (ex. virus) sont également non détectables par les sens : au moins les déchets radioactifs ont-ils l’avantage de pouvoir être détectés très finement grâce à leur rayonnement.

 

A voir également sur ce site

  • Considérations sur le stockage géologique des déchets nucléaires haute activité. P3: concepts étrangers.  Catherine Veyer ARA (2021-11)
  • Considérations sur le stockage géologique des déchets nucléaires de haute activité. P2 : la solution à l’étude en France. Catherine Veyer ARA (2021-04)
  • Nouvel entreposage de Verres à La Hague Patrick Cantin, Bertrand Ytournel ARA (2021-10)
  • Considérations sur le stockage géologique des déchets nucléaires haute activité P-1 Catherine Veyer (ARA 2020-11)
  • Déchets radioactifs - la vérité des faits et l exactitude des chiffres - Dominique Greneche -  (12/2019)
  • Article de newsletter sur le débat relatifs à la gestion des déchets "Et la CNDP créa le Public" (12/12/2019)
  • Quelques commentaires sur le stockage géologique des déchets de Haute Activité à Cigéo" par Francis Sorin (11/06/2019)
  • Note associée à newsletter "De grâce, Débattez !" "Gestion exemplaire des déchets radioactifs"  (31/05/2019)
  • Le démantèlement de la centrale nucléaire de Chooz A Jacques Simmonet (12/2017)
  • Déchets nucléaires : la belle histoire de CIGEO . Vidéo UARGA (Jean-Luc. Salanave- Gérard Lépine) (18/09/2017)
  • Transmutation des déchets radioactifs: une vraie solution?  Document ARA (05/2017)
  • ENERGIES ET MEDIAS N° 30 Octobre 2009 Le cycle du combustible et les déchets (11/2009)
  • Article de newsletter: "Fin du débat public sur les déchets radioactifs"(18/02/2006)
  • La transmutation des déchets radioactifs ARSCO . Louis Patarin (30/01/2004)
  • Nucléaire et Environnement  Jacques FROT ( juin 2002)
  • Idée reçue : Déchets nucléaires, un problème non résolu (juin 2020)

 

 (1) Source : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/dechets-chiffrescles-edition2020-3-010692.pdf

 (2)300 ans, c’est 10 périodes de 30 ans donc il n’en subsistera au bout de ce temps qu’un maximum de 1/210, soit moins de un millième de la quantité – déjà faible - du départ.

 (3)Cette formulation même de déchets à haute activité et à vie longue couramment utilisée parait contradictoire puisqu’à une forte activité initiale correspond toujours une vie courte et inversement, il n’existe donc pas de radioélément correspondant à cette définition, qui d’ailleurs n’existe pas dans la classification de l’ANDRA ni dans celle de l’ASN. En fait il faudrait la comprendre comme mélange de déchets à haute activité et de déchets à vie longue. On classe en effet dans la même catégorie des produits de fission de haute activité, donc à vie courte (tels que 131-I, 135-Cs, 99-Tc) et des radioéléments de faible activité à vie longue ou très longue, tels que 235, 236 et 237-Np) qui souvent mélangés aux PF. Cette dénomination étant assez généralisée, nous la conservons cependant dans cet article. Les radioéléments à vie longue séparés sont classés dans les catégories VL.

 (4)CNE, Commission Nationale d’Évaluation ; ASN, Autorité de Sûreté Nucléaire ; OPECST, Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques.

 (5)Exactement comme dans un verre de cristal où le plomb fait partie de la structure du verre : si vous cassez un verre en cristal, ce n’est pas pour cela que le plomb va s’en échapper.

 (6)Transuraniens, éléments suivant l’uranium dans le tableau périodique des éléments, soit de numéro atomique supérieur à 92 ; actinides, éléments suivant l’actinium dans ce même tableau, donc de numéro atomique supérieur à 89.

 (7)on pourrait penser que ce soit la gaine du combustible, comme c’est le cas dans le réacteur, mais le Zircaloy dont elle est constituée a pu s’être fragilisé sous le flux intense de neutrons qui règne dans le réacteur et pendant les dizaines d’années d’entreposage nécessaires avant le stockage.

(8)Il doit être bien clair que réversibilité ne veut pas dire qu‘on reprendrait les verres pour en récupérer les produits de fission et en faire autre chose.

(9)On se réfère souvent sur ce sujet au gisement d’uranium de Cigar Lake, au Canada, un des plus riches du monde : situé à 450 m de profondeur, sous un lac dont il est protégé par une couche d’argile, on ne détecte aucune radioactivité due à ce gisement dans les eaux du lac.

(10)Dans le cas d’une météorite suffisamment grosse pour affecter le sol sur 500 m de profondeur, l’impact de la radioactivité libérée serait négligeable comparé au désastre subi par la planète.

(11)Compte tenu des périodes respectives de l’uranium 235 et l’uranium 238, il y avait plus de 4% d’uranium 235 dans l’uranium naturel il y a deux milliards d’années, contre 0,72% aujourd’hui.

 

(12) Les dégagements thermiques sont considérés comme proportionnels aux (radio)activités contenues.

 

Rev: 24/12/2020

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