Dix raisons pour la France de sortir du marché européen de l'électricité (10/10/2023)
L'énergie, dont l'électricité décarbonée sera demain la composante majeure, constitue le sang de toute économie et la clé du développement durable et équitable de nos sociétés.
A l'approche des élections de 2024 l'Europe doit tirer les leçons du dysfonctionnement de son marché électrique, et le réformer pour qu'il accompagne pleinement la transition écologique, économique et sociale de l'Union et de chacun de ses États souverains. Vu de France, où des voix s'élèvent pour que soient rétablis les avantages économiques, sociaux et climatiques de son système électrique historique, le bilan de vingt ans de "concurrence européenne" est très négatif. Non exhaustive, pas plus que les solutions qu'elle suggère, voici une liste de dix raisons de sortir du marché électrique européen et/ou de le réformer :
1. La hausse des prix est incontrôlée : le marché concurrentiel de l'électricité, issu des directives européennes de 1996, 2003, 2009 et 2019 avait pour ambition de faire bénéficier les consommateurs européens de prix bas et compétitifs en favorisant la concurrence entre les fournisseurs. C'est un échec. Ce marché a généré une hausse régulière et significative des prix, provocant, notamment en France, faillites d'entreprises et précarité pour les consommateurs domestiques (la hausse moyenne atteint 80% en 15 ans pour les ménages français)[1].
2. Le marché est instable : outre son renchérissement, le marché électrique européen a échoué à fournir aux économies européennes stabilité, sécurité et visibilité énergétiques. En décourageant l'investissement dans des moyens de production fiables et pilotables, il a généré un risque accru de pénurie, de coupures électriques ainsi qu'une hyper-volatilité des prix. Loin de la relative stabilité qui prévalait antérieurement, les prix horaires du marché peuvent désormais devenir négatifs en cas de productions renouvelables importantes, ou rebondir le même jour à plusieurs centaines d'euros/MWh.
3. L'Europe électrique a contraint de façon délétère les atouts spécifiques des États : afin de protéger leurs consommateurs des aléas d'un marché incertain, certains États ont négocié avec la Commission européenne des conditions dérogatoires, en échange desquelles la Commission a exigé des contreparties. Si la France n'a pas (encore) refusé d'ouvrir ses concessions hydrauliques à la concurrence (à la différence d'autres États) elle a en revanche tenu à conserver des tarifs réglementés (cf. TRV au § 4) et proposé en échange de créer une concurrence artificielle face à EDF (cf. ARENH au § 5). Malgré ces mesures et la profonde réforme [2] de son système électrique pour l'adapter au marché européen, la France a vu se dégrader tous ses atouts historiques, à savoir: son électricité à bas prix, atout majeur pour son industrie, pour les particuliers et pour ses voisins européens (France 1er pays exportateur mondial d'électricité), son indépendance et sa souveraineté (aujourd'hui contrainte d'importer éoliennes et capteurs solaires), la faible empreinte carbone de son électricité en avance de 30 ans (importations électriques européennes carbonées aujourd'hui).
4. Le marché européen a entraîné dans sa hausse les tarifs régulés des États : parmi les dispositions dérogatoires à la règle européenne de libre concurrence (cf. point 3), plusieurs États, dont la France, ont tenu à conserver des Tarifs Régulés de Vente (TRV) pour protéger les consommateurs domestiques et les petites entreprises. Malheureusement, contrainte en contrepartie de préserver des marges aux fournisseurs alternatifs s'approvisionnant à la fois sur l'ARENH et sur le marché, la France a dû dénaturer ses tarifs en les indexant en partie sur les prix de marché européen. Résultat, ces TRV n'ont pu empêcher les consommateurs français restés fidèles aux tarifs EDF de voir eux aussi leur facture électrique exploser (de 71% en 10 ans) [3].
5. L'ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) est un échec : c'est le dispositif proposé en contrepartie du maintien du TRV et de la position dominante d'EDF (cf. § 3). Il prévoit la vente à prix coûtant (42€/MWh) de plus du quart de la production nucléaire d'EDF (100 TWh) à ses concurrents pour leur permettre de faire des offres au-dessous du TRV. Bilan : l'ARENH aura créé plusieurs dizaines de nouveaux "fournisseurs alternatifs", qui ont détourné d'EDF plusieurs millions de clients, mais qui n'ont pas pour la grande majorité d’entre eux, utilisé les milliards d'euros ainsi encaissés pour financer de nouveaux outils industriels de production électrique pour compléter le parc de production du pays. La loi Nome de 2010 imposait pourtant que tout fournisseur, historique ou « alternatif », dispose de capacités de production et d'effacement suffisantes pour assurer à tout moment le bon équilibre entre offre et demande d’électricité. L'ARENH est un échec économique, financier et industriel. Selon la Cour des Comptes il a déjà coûté au moins 7 milliards d'euros de « manque à gagner » à EDF sur 2011-2021, auxquels s'ajoutent 8 milliards d'euros de pertes causées par les 20 TWh supplémentaires imposés par Bercy à EDF juste avant la présidentielle de 2022. L’Autorité de la Concurrence, dressant le bilan des "objectifs assignés à l’ARENH, à savoir l’émergence de la concurrence à l’amont et la baisse significative des prix de détail en aval", constate : "Or aucun de ces objectifs n’a été atteint"[4].
6. La déroute du marché a imposé aux États des interventions internes coûteuses : la flambée des prix électriques n’ayant pu être empêchée ni par le marché concurrentiel européen, ni par les TRV, ni par l’ARENH, la France a dû recourir à des interventions supplémentaires comme des chèques énergie et des boucliers tarifaires [5]. Cette escalade du "quoi qu'il en coûte" a atténué la hausse des factures, mais sans parvenir à l'enrayer. Elle aura coûté plusieurs milliards aux contribuables ... mais sans s'attaquer aux causes. Par ailleurs, en amont, pour favoriser l'implantation (chère à Bruxelles) de producteurs étrangers en France, l’Exécutif ira même jusqu'à proposer à certains des cadeaux anti-concurrentiels comme la gratuité du raccordement au réseau électrique afin d'abaisser facialement leurs coûts de production prohibitifs (exemple : parc éolien offshore de Saint Brieuc).
7. La Commission Européenne elle même reconnaît l'échec du marché européen : son étude d'octobre 2020, sur l’évolution des prix de l’électricité de 2008 à 2019 [6], conclut que les situations des ménages et de l'industrie européenne se sont dégradées par rapport à celles observées hors UE. Cet aveu d'échec confirme la prédiction de l'un des meilleurs spécialistes des systèmes électriques, Marcel Boiteux (1922-2023) [7], pour qui la libre formation des prix de l'électricité (un bien qui ne se stocke pas) par le seul équilibre commercial offre/demande ne peut fonctionner ; l'inertie commerciale conduirait en effet à dépasser les limites supportables des réseaux (fréquence, tension), causant des pannes. Cette inadaptation du marché électrique européen aux règles de formation des prix d'un marché concurrentiel classique a été encore amplifiée lorsqu'aux nécessaires injections/soutirages de réglage pilotées par les gestionnaires du réseau (hors transactions commerciales offre/demande) sont venues s'ajouter des injections intermittentes non sollicitées, sans lien avec la consommation (cf. §8).
8. Les privilèges accordés au photovoltaïque et à l'éolien sont la première cause de dysfonctionnement du marché électrique européen : ces privilèges anti-concurrentiels (obligation d'achat, priorité d'injection) accordés aux producteurs photovoltaïques et éoliens (sans les accorder, par exemple, à la production nucléaire, pourtant moins émettrice de CO2 [8]), et encouragée par le Traité Euratom) sont la cause majeure des dysfonctionnements (volatilité et hausse des prix, pénuries, risque de coupures, dépendance aux fossiles). En imposant de faire cohabiter depuis 15 ans des acteurs concurrentiels et des acteurs subventionnés l'Europe a enfreint trop longtemps les règles de la libre concurrence, désorganisé le marché, découragé l'investissement dans les moyens pilotables (sommés de s'effacer à chaque coup de vent ou de soleil, indépendamment de la demande de leurs propres clients) et au final fait flamber les prix pour les consommateurs, ainsi que les taxes pour les contribuables (bien avant la crise gazière russo-ukrainienne). La solution : mettre fin, progressivement mais rapidement, à la priorité d'injection et à l'obligation d'achat des MWh solaires et éoliens pour qu'émerge enfin une offre renouvelable mature et durable, "vendable à un consommateur final", une offre qui agrège dans un même "ruban électrique" des électrons intermittents et/ou des électrons stockés et/ou des électrons de backup pilotables, à un coût marginal non plus nul, mais incluant les externalités (coûts indirects) induites par ces énergies nouvelles.
9. La sortie de la France du marché européen de l'électricité n'interdirait pas les échanges transfrontaliers (contrairement à certaines affirmations), ni la solidarité entre pays européens, ni les contrats électriques de gré à gré entre producteurs et industriels, nationaux ou européens: en effet ces échanges existaient avant la création du marché. Les États-Unis ont fait la démonstration que peuvent coexister, et pratiquer des échanges, des acteurs ou des États dérégulés (sous libre concurrence des prix) et régulés (avec des tarifs, voire des monopoles électriques intégrant production, distribution et commercialisation) [9]. Revenir à une EDF intégrée, proposant des tarifs et des contrats long terme basés sur ses coûts de revient, ne serait pas illégal au regard de la concurrence (la vente au-dessous du prix de revient est illégale). Il suffirait que la France accepte de soumettre la loyauté des comptes d'EDF au contrôle d'une autorité indépendante ou de la Commission Européenne.
10. En voulant faire de son système électrique non seulement un marché mais aussi un instrument de la lutte contre le dérèglement climatique, l'Europe a encouragé le développement débridé du solaire et de l'éolien, qui pour la France est contre-productif. En effet, son l'électricité nucléaire déjà décarbonée n'avait aucun bénéfice ni aucune complémentarité à attendre des renouvelables intermittents. Au final, en France, solaire et éolien sont (i) contre-productifs économiquement (après 15 ans d'aides, leur non-rentabilité nécessité toujours des subventions - taxes CSPE et TICPE, dont n'a jamais eu besoin le nucléaire), (ii) anti-écologiques (ils sont responsables de rejets de CO2 supérieurs à ceux du nucléaire [8]), (iii) sources de dépendance énergétique accrue (ils sont importés), (iv) consommateurs de plus de surfaces (et donc de biodiversité) et de plus de ressources naturelles (métaux critiques, béton), (v) injustes socialement (bénéficiant à des particuliers aisés et à la finance dite "verte", mais financés par des taxes imposées à tous), (vi) et enfin, injustes commercialement par la distorsion de concurrence que leurs productions prioritaires imposent au nucléaire en le contraignant à s'effacer à chaque coup de vent ou de soleil, au détriment de son facteur de charge, de sa rentabilité et donc de ses coûts, au détriment aussi de ceux qui parmi ses clients du moment sont attachés à une "garantie d'origine nucléaire" de leurs électrons !
En conclusion: la vocation d'un marché concurrentiel est d'adapter une offre à une demande, au meilleur prix. Or, prétextant des objectifs climatiques louables (et des obligations de moyens discutables) l'Europe a demandé l'inverse au marché électrique européen, à savoir, adapter la demande à des offres intempestives d'électrons renouvelables intermittents. Ce marché doit être réformé, son offre doit être normalisée pour rétablir une concurrence loyale entre tous les fournisseurs et toutes les technologies de production, selon leurs seuls mérites respectifs. Chaque État membre devra alors être libre d'adopter les règles de ce nouveau marché, ou bien d'en sortir (service public de l'électricité, tarifs régulés basés sur les coûts de revient du producteur national), ou encore d'en sortir partiellement (en laissant aux ménages et entreprises le choix entre tarifs régulés et prix de marché). Les échanges transfrontaliers, indispensables, devront sans doute eux aussi voir leurs règles adaptées à ce nouveau marché, pour permettre la solidarité européenne et satisfaire les besoins des consommateurs et de nos économies.
[1] En 15 ans, de 2007 à 2022, le prix de l'électricité pour les ménages français a augmenté en moyenne de 80%, passant de 115 à 207 €/MWh TTC en euros courants (source: statistiques.developpement-durable.gouv.fr, SDES)
[2] La séparation de RTE en 2000 puis la Loi NOME de 2010 (nouvelle organisation du marché de l'électricité) mettent fin à EDF comme opérateur national historique intégré (producteur, transporteur, fournisseur): création de l'ARENH au bénéfice de fournisseurs alternatifs, suppression des TRV pour les grandes et moyennes entreprises, création du marché de capacité (pour gérer les pointes).
[3] La part variable TTC des TRV (tarifs régulés de vente) des consommateurs français résidentiels passant de 132,9 €/MWh en août 2013 à 227,6 €/MWh en août 2023, soit +71% (source CRE, Commission de Régulation de l’Énergie).
[4] Autorité de la Concurrence-Avis n°22-A-03 du 25/2/2022- §145
[5] Les boucliers tarifaires ont eu comme objectifs de contenir la hausse des prix de l'électricité à +4% en 2022 et +15% en 2023 pour les particuliers.
[6] European Commission, Study on energy prices, costs and their impact on industry and households, 2020, https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/16e7f212-0dc5-11eb-bc07-01aa75ed71a1/language-en, p.71 et 289.
[7] Marcel Boiteux, revue Futuribles-n°331-Juin 2007-https://www.futuribles.com/les-ambiguites-de-la-concurrence-electricite-de-fr/
[8] Photovoltaïque 56 grammes de CO2/kWh; éolien 14 gCO2/kWh; nucléaire 4 gCO2/kWh (sources: Centre Commun de Recherche de la CE; Ademe)
[9] https://www.publicpower.org/resource/retail-electric-rates-regulated-and-deregulated-states-2021-update
Feuilleton de l'été “Le nucléaire en BD“. Episode N° 6 et dernier (31/08/2023)
Aujourd'hui dernier épisode de notre feuilleton de l'été "le nucléaire en BD". Merci à tous ceux qui l'ont apprécié et relayé. Merci pour toutes les réactions et témoignages que vous avez directement adressés à l'auteur.
Les 2 pages du jour:
PAGE 31 propose un petit calcul de rentrée, niveau collège, qui montre de façon irréfutable que lors de l'incident électrique européen du 8 janvier 2021, alors que la France avait déjà coupé le courant à 16 de ses plus gros industriels, et appelait au secours la polluante électricité (au gaz et au charbon) de ses voisins européens, en 2021, donc, nous avions déjà un retard de construction de 18 réacteurs nucléaires (en plus des 52 à pleine puissance ce jour là sur les 56 existant). Imaginez combien de plus manqueront dans les années qui viennent avec l'explosion des nouveaux usages électriques comme la voiture et le chauffage ! L'imprévoyant RTE n'a pas fini de recourir à d'autres coupures de cette électricité décarbonée pourtant nécessaire à notre laborieuse relance industrielle !
PAGE 35 montre un tout autre exemple, celui de l'Allemagne, qui, malgré ses graves erreurs énergétiques et climatiques, s'en sort mieux que la France en demeurant de loin la 1ère puissance économique européenne et le véritable décideur à Bruxelles. Dans cette caricature du "match" France-Allemagne qui oppose le modèle social français à l'extraordinaire patriotisme économique allemand, "l'Allemagne produit ses richesses avant de les redistribuer, la France les distribue avant de les produire", continuant de creuser la dette française abyssale de plus de 3000 milliards d'euros ! Nos 20 ans de désindustrialisation, ainsi que "l'oubli" de construire 18 réacteurs en sont le triste résultat. Restons optimistes: la relance annoncée par le Président Macron semble enfin annoncer le début d'un vrai plan « Marshall » du nucléaire".
Bonne pause BD, bonne lecture et bonne rentrée à tous.
PS: Si vous désirez lire, ou offrir, ou nous aider à diffuser "Le virus antinucléaire", cette BD est en vente 12€ en ligne à www.fnac.com, ou à thebookedition.com ou en librairies (pour commande en nombres demander devis et ristourne à salanave@yahoo.fr).
Feuilleton de l'été “Le nucléaire en BD“. Episode 5 (16/08/2023)
Voici notre épisode 5 de notre feuilleton de l'été"le nucléaire en BD"[
Pour chacun, les congés sont des moments propices aux bonnes résolutions. Mais un avenir heureux ne peut se construire qu'en corrigeant les erreurs d'hier. Notre épisode en bande dessinée d'aujourd'hui rappelle deux énormes fautes qui ont failli compromettre l'avenir énergétique et écologique de notre pays.
En 2015, pensant à tort, comme 69% des français, que le nucléaire était responsable du réchauffement climatique (cf. page 10), le gouvernement Hollande sous le chantage électoral d'EELV faisait voter la LTECV-2015 (loi de transition énergétique pour une croissance verte) qui allait engager la France dans une impasse climatique et coûter (selon la Cour des Comptes) des centaines de milliards inutiles aux citoyens: voir ici PAGE 21.
Pour rendre la tromperie crédible une campagne de désinformation du public fut nécessaire. Elle fut ciblée sur les victimes du séisme de Fukushima de 2011 qui furent attribuées, pendant plusieurs années sur les ondes de radiofrance, à l'accident nucléaire survenu ... le lendemain du tsunami meurtrier ! Oui, plus c'est gros, plus le lavage de cerveau est efficace ! voir ici PAGE 22. Et pour ceux qui n'osent y croire écoutez directement France Inter ICI (entre 8min 20s et 8min 30s; dépêchez vous, le replay de ce scandaleux journal de 2017 n'a pas encore été retiré).
PS: dans 15 jours dernier épisode de notre feuilleton. Si vous désirez lire, ou offrir, ou nous aider à diffuser "Le virus antinucléaire", cette BD est en vente 12€ en ligne à www.fnac.com, ou àthebookedition.com ou en librairies (pour commande en nombres demander devis et ristourne à salanave@yahoo.fr).
Feuilleton de l'été “Le nucléaire en BD“. Episode 4 (01/08/2023)
Voici les 2 pages de l'épisode 4 de notre feuilleton de l'été"le nucléaire en BD"[
Vous pensez que le nucléaire est la meilleure énergie d'avenir car c'est de loin celle qui dérègle le moins le climat ? Oui, mais il possède aussi un autre avantage méconnu, tout aussi vital pour les terriens: il est moins gourmand en ressources naturelles que, par exemple, l'éolien et le photovoltaïque (gourmands en matériaux et autres métaux naturels et précieux).
La PAGE 13 propose un petit devoir de vacances: vérifier que l'éolien utilise 10 fois plus de béton que le nucléaire !
Et en PAGE 15 la jeune scientifique qui décrit le réacteur EPR nous rassure: du béton dans l'EPR il y en a pourtant ... plus qu'il n'en faut !
PS: dans 15 jours, la suite des épisodes précédents, avec un EPISODE 5 en 2 pages:
- Comment la loi climatique de 2015 s'est trompée de cible,
- Fukushima pour les nuls (et pour certains médias).
Feuilleton de l'été “Le nucléaire en BD“. Episode 3 (15/07/2023)
Comme promis et très attendu voici l'épisode 3 de notre feuilleton de l'été "le nucléaire en BD"[
Voici deux pages où l'on découvre que l'Education Nationale a une responsabilité dans la perte de culture scientifique de toute une génération (TDC-785 sur l'énergie nucléaire ... ou un certain lavage de cerveau) et aussi que l'électricité photovoltaïque dérègle le climat bien plus que l'électronucléaire.
Voir PAGE 10 et PAGE 11. Bonne lecture !
PS: dans 15 jours dans l'EPISODE 4: éoliennes, réacteurs EPR, béton et pâturages.
PS: dans 15 jours dans l'EPISODE 4: éoliennes, réacteurs EPR, béton et pâturages.
Feuilleton de l'été “Le nucléaire en BD“. Episode 2 (26/06/2023)
Le 10 juin 2023 nous vous offrions deux premières pages de notre feuilleton de l'été "le nucléaire en BD"
En voici deux autres aujourd'hui, toujours sur les déchets radioactifs. On y découvre qu'il est très simple de se protéger de ces derniers, y compris des plus dangereux, que leur radioactivité décroît de façon naturelle et ... qu'il est normal qu'ils ne soient pas parmi les préoccupations ni les compétences de l'ADEME (Agence de la Transition Écologique).
Voici donc les PAGE 8 et PAGE 9. Bonne lecture !
PS: dans 15 jours dans l'EPISODE 3: renouvelables, CO2, sondages, Education Nationale ... et nucléaire.
Feuilleton de l'été “Le nucléaire en BD“ (10/06/2023)
L'été arrive et avec lui les occasions de rencontres, d'échange entre petits enfants et grands parents ou entre amis. Le réchauffement climatique et notre avenir seront sans doute au cœur des discussions. Et donc aussi l'énergie, car sans énergie, pas d'avenir.
Cet été, chaque quinzaine, nous vous offrirons en exclusivité une page ou deux de la bande dessinée "Le virus antinucléaire".
L’ouvrage raconte les aventures de Léo et Maya, qui découvrent l'énergie nucléaire.
Trop tard, direz-vous, cette énergie a déjà retrouvé sa place aux yeux de l'opinion et des décideurs politiques ; la construction de nombreux réacteurs est en cours dans le monde, et relancée en France où plus de 1100000 créations d’emplois sont prévues d'ici 2030 à des postes de techniciens, d’ingénieurs, de soudeurs etc... hommes et femmes.
Non, pas trop tard justement ! Il est important d’avoir les idées claires sur le sujet et de redonner la place qu’il convient aux éléments factuels et aux réalités, car beaucoup d’idées fausses ont encore cours. Et cela sera utile lors de l’enquête publique à laquelle sera prochainement soumise la révision de la loi de programmation de l’énergie.
Vous avez votre opinion, ou des doutes, voire des craintes sur l'avenir ? Laissez-vous surprendre par les faits. Laissez-vous rassurer par cette énergie d'avenir, durable, maîtrisable, respectueuse de l'environnement et des ressources naturelles.
Vous êtes déjà connaisseur ou convaincu ? Chacune des 44 pages de la BD rappelle un message pour devenir incollable, à l'école, au café ou à l'Assemblée nationale, sur les avantages et inconvénients comparés des énergies décarbonées.
À consommer sans danger entre 9 et 99 ans. Deux "posologies" : des bulles pour les plus jeunes ou les plus pressés, des encadrés pour les plus curieux.
Aujourd’hui nous vous proposons deux premières pages de cet ouvrage, consacrées aux déchets (lire PAGE 6 et PAGE 7)
* Son auteur, Jean-Luc Salanave, est un de nos rédacteurs et membre actif de notre association
La France dépendante de l'uranium importé ? (06/03/2023)
Avant de présenter cette analyse il importe de souligner un point fondamental : La part du coût de l’uranium dans le coût de production d’électricité nucléaire n’est que de 3 à 5%. Voyons maintenant les 4 moyens permettant de garantir en toutes circonstances l’approvisionnement pérenne de la France en Unat. Ces éléments sont basés sur des chiffres et des faits irréfutables.
1 – Diversification des approvisionnements et copropriété de mines à l’étranger
L’uranium qui sert à alimenter le parc français de 56 réacteurs est totalement importé aujourd’hui car il n’existe plus de mine en exploitation sur notre le territoire. Heureusement, les ressources en uranium naturel (Unat) sont réparties de façon assez homogène sur la surface du globe, ce qui permet d’accéder à un large éventail de sources d’approvisionnement. Ainsi, l’opérateur principal français, ORANO, se fournit auprès de pays diversifiés dans certains desquels il possède des participations dans des mines, tels que le Kazakhstan, le Niger, le Canada, l’Ouzbékistan, la Mongolie (gisements découverts par ORANO et actuellement au stade de l’exploitation pilote). En outre, ORANO a acquis des droits de propriété sur plusieurs gisements d’uranium et dispose ainsi d’un portefeuille diversifié d’actifs et de ressources, tant en termes géographiques que de technologies d’extraction (illustration 1). Dans son récent rapport annuel (2021), l’entreprise affiche ainsi détenir plus de 200 000 tU de réserves auxquelles il faut ajouter des ressources potentielles identifiées d’environ 160 000 tU. On peut rajouter à cela des ressources dites « inférées » (présumées) pour un montant de près de 150 000 tU. En cumulant toutes ces réserves ou ressources, on arrive à un total qui dépasse les 500 000 tU, soit 60 années de consommation française. Le principal client d’ORANO pour la vente de son uranium est évidemment EDF qui néanmoins s’approvisionne directement via d’autres producteurs. On trouvera en illustration 2 un graphique qui présente toutes les sources d’approvisionnement d’EDF depuis 2005. On constate que les pays fournisseurs d’EDF sont situés dans 4 des 5 continents terrestres : Afrique, Amérique, Asie, Océanie. Une telle diversification rend très peu probable une rupture totale des approvisionnements d’EDF en Unat.
2 – Stocks stratégiques d’uranium en France
En cas de très fortes tensions sur le marché de l’uranium ou de période de pénurie d’uranium à grande échelle, il est possible de faire face à une réfaction momentanée des approvisionnements en provenance des pays étrangers en prélevant sur le stock stratégique d’EDF qui s’élève aujourd’hui à plus de 30 000 tU1 .
3 – Réenrichissement d’uranium appauvri (Uapp) ou de l’uranium issu du retraitement (URT)
En cas de rupture partielle ou totale des approvisionnements en provenance de l’étranger il serait possible de faire appel à une autre source d’uranium purement nationale en procédant à un réenrichissement de l’uranium appauvri (cumul des rejets des opérations d’enrichissement réalisées jusqu’à présent sur le site du Tricastin) dont le stock s’élève à 324 000 tonnes d’Uapp, soit une ressource de 106 000 tonnes d’Unat. Cela correspond à 15 ans de consommation d’un parc nucléaire produisant 350 TWhe. Pour y parvenir, il faudrait consacrer un travail d’enrichissement d’environ 150 millions d’UTS (MUTS)2 soit 10 MUTS par an. Cette opération pourrait être mise en œuvre rapidement car il a été prévu dès la mise en service de l’usine d’enrichissement GB2 d’étendre sa capacité à 11 MUTS en fonction de l’évolution du marché de l’enrichissement (cette capacité est actuellement de 7,5 MUTS). Une telle capacité serait donc suffisante pour obtenir les 7200 tonnes d’Unat nécessaires à l’approvisionnement annuel du parc nucléaire français supposé produire 350 TWhe. Cette option conduirait à une augmentation sensible du coût de l’uranium mais sans conséquence majeure pour le coût global de production d’électricité d’origine nucléaire. Il faut ajouter à ce potentiel très important de ressources « nationales » en uranium, les possibilités offertes par le réenrichissement de l’uranium issu du retraitement des combustibles usés, tel qu’il est pratiqué en France. En effet, cet uranium, baptisé URT, est encore enrichi à environ 0,8% donc un peu plus que celui de l’Unat mais il contient aussi un autre isotope formé en réacteur, l’U2363 , qui est un « poison neutronique », ce qui le rend un peu moins attractif que l’Unat. De ce fait, son éventuel réenrichissement doit se faire à une teneur en U235 un peu plus élevée que celui de l’enrichissement effectué à partir de l’Unat (typiquement + 0,4% en valeur absolue). De plus il faut réaliser ce réenrichissement de l’URT dans des installations dédiées pour éviter de « polluer » les installations « normales » de conversion chimique (transformation en UF6) et d’enrichissement de l’Unat. En pratique, ORANO dispose des capacités pour réenrichir l’URT dans son usine GB2 mais ne dispose pas des équipements pour assurer la phase préliminaire de conversion. C’est pourquoi, lorsque EDF demande à ORANO de réaliser ces opérations, elles sont réalisées en Russie.
4 – Gisements d’uranium sur le territoire métropolitain
Plus aucune mine n’est en exploitation sur le sol français. Il en a eu cependant beaucoup dans le passé. La première s’est ouverte dès 1948 à Saint-Sylvestre et la dernière a été fermée en 2001, à Jouac, toutes deux situées en Haute Vienne. Au total, ce sont 248 gisements potentiels d’uranium qui ont été identifiés sur le sol français, dont une vingtaine ont permis de produire des quantités significatives d’uranium pour un montant total d’environ 80 000 tU. Le principal gisement connu à l’heure actuelle en France se situe dans région de Coutras en Aquitaine, avec un potentiel de 20 000 tonnes. Mais il n’est pas jugé rentable actuellement. En cas de forte pénurie d’approvisionnement en France, il serait techniquement possible d’exploiter ce gisement. Il faut néanmoins souligner la mise en œuvre d’une telle option ne pourrait être justifiée que par des circonstances tout à fait exceptionnelles sur l’approvisionnement en Unat.
EN CONCLUSION, la France dispose de plusieurs moyens lui permettant de garantir son autotomie totale vis-à-vis de ses approvisionnements en uranium pendant au moins une dizaine d’années. Ajoutons à cela qu’à long terme, le déploiement de réacteurs de quatrième génération, dont la faisabilité a été prouvée à une échelle industrielle, permettra de s’affranchir peu à peu de la nécessité d’approvisionnement en uranium puisque ces réacteurs pourront ’utiliser l’uranium appauvri comme combustible4 . La durabilité de l’énergie nucléaire est dès lors assurée pour des milliers d’années, sous réserve bien entendu de disposer durablement d’un autre ingrédient : la volonté politique.
Dominique Grenèche
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1 Valeur du PNGMDR publié par l’ANDRA en 2022 (page 59) : stock au 31/12/2020
L’UTS est le sigle qui signifie l’« unité de travail de séparation ». C’est une unité internationale standard utilisée pour quantifier la production de l’activité d’enrichissement (opération parfois appelée séparation isotopique).
Lorsque qu’un noyau l’U235 absorbe un neutron il ne fissionne que dans 85% des cas. Dans les 15% des cas restants le noyau d’U235 conserve le neutron qu’il a absorbé et se transforme ainsi en isotope 236 très stable (période radioactive de 2,3 millions d’années).
Pour évaluer l’étendue de cette réserve énergétique colossale, il suffit de s’appuyer sur une donnée physique irréfutable : un réacteur de 1 GWe fonctionnant à pleine puissance pendant un an fissionne UNE tonne de noyaux. Donc, si les 324 000 tonnes d’Uapp sont transformées en plutonium et que tout ce plutonium est fissionné, cela fait 324000 GWe-ans, soit plus de 5000 ans pour 63 GWe.
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1 - Sites miniers d’ORANO dans le monde (rapport d’activité ORANO)
2 - Importations d’uranium en France depuis 2005
Source : Comité technique Euratom
Sans lancement des RNR aujourd'hui, pas d'énergie demain (14/02/2023)
Aujourd’hui, il y a un constat partagé : d’une part la planète va consommer de plus en plus d’énergie, du moins pendant plusieurs décennies, en particulier pour permettre à tous ses habitants de vivre décemment, d’autre part cette énergie doit provenir de sources décarbonées pour préserver le climat et notre environnement. La vision « net zéro en 2050 » traduit cet objectif de décarbonation tout en préservant ou améliorant le bien être de chacun. Cependant, il y a une vie au-delà de 2050. A moins d’une innovation de rupture très forte, il est fort probable que les technologies que nous connaissons aujourd’hui - les énergies renouvelables et le nucléaire de « fission »(I) restent le socle de notre production énergétique pour encore au moins un ou deux siècles. Pour toutes ces technologies cela va générer des tensions sur les matériaux : les terres rares pour les renouvelables, l’uranium pour le nucléaire. En ce qui concerne le nucléaire, si la France a prouvé la faisabilité du recyclage des matières contenues dans le combustible dans ses centrales conventionnelles à eau légère (avec des neutrons dits « lents ») qu’elle met en œuvre au quotidien de manière industrielle, ce recyclage ne sera pas au niveau des enjeux de demain. Seule la technologie de réacteurs à neutrons rapides (RNR) permettra de répondre aux besoins. Il faut dès maintenant renforcer l’exploration pour trouver d’autres gisements d’uranium et préparer l’industrialisation des RNR en s’appuyant sur l’expérience acquise des RNR à sodium.
De manière concrète, il faut s’attendre à des tensions sur les prix liées à des besoins croissants et à l’épuisement progressif des ressources[ii] et à l’émergence d’une nouvelle géopolitique de l’énergie pour l’accès à ces matériaux qui prendra la place de la géopolitique du pétrole et du gaz (dont la guerre en Ukraine nous rappelle l’importance). Une tendance qui s’inscrit dans ce que l’économiste français Patrick Artus appelle la « déglobalisation ». Dans ce contexte, la souveraineté énergétique redevient une priorité. Et ce d’autant plus que sur ce temps long de plusieurs décennies, les alliances entre pays peuvent évoluer sensiblement (cf le jeu d’alliance aujourd’hui par rapport au début du 20ème siècle).
Pour les renouvelables, pour les batteries et pour le nucléaire le recyclage et l’utilisation de matières en attente d’utilisation vont constituer les ressources de demain. En ce qui concerne le nucléaire, si la France a prouvé la faisabilité du recyclage des matières contenues dans le combustible dans ses centrales conventionnelles à eau légère (avec des neutrons dits « lents ») qu’elle met en œuvre au quotidien de manière industrielle, ce recyclage ne sera pas au niveau des enjeux de demain. Seule la technologie de réacteurs à neutrons rapides (RNR) permettra de répondre aux besoins. C’est d’ailleurs ce qui ressortait déjà des travaux du Global International Forum (créé à l’initiative des USA) à la fin des années 90. En effet les RNR permettent un meilleur rendement, et un taux d’utilisation accru de la ressource naturelle uranium : dans un mode de fonctionnement « surgénérateur » quand les combustibles (caractérisés par leur contenu en matières fissiles) sont utilisés avec de l’uranium appauvri en complément (qui constitue alors dans le vocabulaire technique la couverture fertile), la réaction avec la couverture fertile crée plus de matière fissile que ce qui est consommé, tout en générant de l’électricité. Ce qui va permettre un nouveau cycle.
Cette technologie RNR n’est pas nouvelle, et la France fait partie des rares pays qui en ont une très bonne maîtrise : Elle a exploité des réacteurs (Rapsodie, Phenix, Superphenix), et elle a travaillé récemment sur un nouveau démonstrateur financé par les Investissements d’Avenir, le projet ASTRID. Par ailleurs la France maîtrise son cycle du combustible (fabrication des combustibles, retraitement puis recyclage). La Russie exploite aujourd’hui commercialement des RNR. La Chine, l’Inde comme le Japon et dans une certaine mesure les États Unis ont des programmes de développement actifs avec des prototypes en fonctionnement et/ou en développement.
La France dispose de ressources nationales importantes pour alimenter ces réacteurs RNR : le plutonium présent dans les combustibles nucléaires après leur utilisation en réacteur (aujourd’hui partiellement recyclé)[iii] et de grandes quantités d’uranium appauvri issues des services d’enrichissement faits en France (environ 350.000 tonnes aujourd’hui et en augmentation régulière). Cette « mine » permettrait de produire de l’électricité avec les RNR pour plusieurs siècles. Le développement de la technologie RNR vers l’industrialisation et la disponibilité de ces ressources sont en mesure d’assurer une « souveraineté énergétique » à notre pays. Et l’électrification des usages signifie que cette indépendance couvrira une part beaucoup plus importante de la consommation énergétique que ce que l’on avait pu réaliser après le choc pétrolier grâce à un programme nucléaire volontariste.
Les tensions sur l’approvisionnement en uranium vont s’accroître dans les décennies qui viennent. Pour y répondre il faut dès maintenant :
- d’une part renforcer l’exploration pour trouver d’autres gisements d’uranium pour alimenter la France et le marché mondial, sachant qu’il faut compter de 20 à 25 ans entre la découverte d’un gisement et sa mise en exploitation
- d’autre part lancer l’industrialisation des RNR en s’appuyant sur l’expérience acquise des RNR à sodium. Cette technologie peut sembler complexe, mais c’est aujourd’hui la plus mature et de ce fait la seule à pouvoir être déployé à cet horizon. Les études et la construction d’un démonstrateur industriel demanderont entre 15 et 20 ans. Un parc de RNR sodium pourra être progressivement déployé, complétant entre 2050 et 2100 puis prenant le relai des technologies actuelles (un EPR mis en service en 2025 fonctionnera jusqu’à la fin du siècle).
La France a décidé en 2019 de lancer le développement d’un petit réacteur SMR, afin que notre pays leader en matière nucléaire ne soit pas absent d’un segment de marché que la communauté internationale estime prometteur et sur lequel de nombreux projets voient le jour.
De la même façon, si la France veut assurer sa souveraineté énergétique à moyen et long terme et tenir ses engagements carbone, la France doit être prête à temps pour les technologies de demain. Ces technologies sont certes moins dans l’actualité mais elles seront nécessaires et les grands pays nucléaires (Chine, Russie, …) investissent activement sur leur développement. Nous sommes rentrés dans la période transitoire entre nucléaire actuel et nucléaire du futur où chaque année perdue contribue à réduire un peu plus le champ des possibles et les potentialités énergétiques dont pourront bénéficier les générations futures. Capitalisant sur son savoir-faire, c’est maintenant que la France doit (re)lancer un programme d’étude ambitieux sur les RNR refroidis au sodium et leur cycle du combustible pour être au rendez-vous.
[i] Un scenario 100% renouvelable à l’horizon 2050 – 2100 peut sembler attractif, mais il semble vu d’aujourd’hui très difficile à atteindre technologiquement.
[ii] La consommation des réacteurs nucléaires de la génération actuelle, qui sont essentiellement des réacteurs à eau légère est actuellement de 61 000 tonnes d’Unat par an (2021) pour 400 GWe installés dans le monde, soit 1/200 des réserves conventionnelles d’uranium naturel (de l’ordre de 12 à 15 millions de tonnes). Si on suppose au cours de ce siècle (jusqu’en 2100) un taux de croissance de nouvelles capacités de production nucléaire égal à la moyenne des taux observés ces dix dernières années, soit 1,6 %, on arrive à une consommation cumulée en 2100 de 10 millions de tonnes, ce qui correspond aux deux tiers des ressources en Unat identifiées ou raisonnablement assurées aujourd’hui à un coût inférieur à 230 $/Kg.
[iii] Les experts estiment à 15 tonnes de plutonium par unité de 1000 MWe pour constituer les premiers cœurs de chaque unité RNR avant que l’uranium appauvri avec la surgénération puissent prendre le relais. Ces quantités de plutonium initiales seront fournies en temps et en heure grâce au retraitement des combustibles des réacteurs actuels, dont bien sûr l’approvisionnement en uranium naturel doit être garanti.
“TerraWater“ un scénario de mix énergétique original des Voix du Nucléaire (09/02/2023)
L’Association les Voix du Nucléaire a travaillé sur un scénario de mix énergétique, dans la même logique que les scénarios proposés par RTE, avec des calculs aussi précis que possible mais évidemment moins sophistiqués ou détaillés. Selon les auteurs, cette construction s’est faite « sans considération du contexte politique et de marché » qui s’appliquait à chacun moyen de production d’énergie et qui ont pu influencer les hypothèses des scénarios RTE. Pour reprendre les termes des Voix, cela a permis « de proposer une lecture strictement technique et industrielle des capacités à déployer ».
Ce scénario met l’accent sur l’utilisation de technologies déjà matures (nucléaire de grosse puissance, hydraulique, et dans une certaine mesure turbine à combustion (TAC) alimentées par de la biomasse), et l’électrification de tout ce qui peut l’être. Il renonce à une hypothèse de sobriété énergétique, dans la volonté de limiter les incertitudes liées aux développement technologiques ou au changement de comportement. Il s’inscrit aussi dans une perspective de « souveraineté énergétique » donc d’auto-suffisance nationale, afin de répondre aux incertitudes géopolitiques toujours présentes à cette échelle de temps de plusieurs décennies. Le narratif maintient cependant une logique de solidarité européenne grâce aux moyens français disponibles pour fournir de l’énergie à nos voisins). Enfin, dans la même logique de souveraineté nationale et également dans une logique environnementale, le scénario vise à minimiser l’utilisation des matériaux critiques donc à minimiser les batteries et le renouvelable intermittent.
Visant à faire simple, tous les fossiles y compris le gaz sont éliminés, le nucléaire est fortement développé avec des réacteurs de fortes capacités (des EPR, pas des SMR), ainsi que le pompage/turbinage (STEP) pour apporter de la flexibilité et de la réactivité le tout complété par des TAC (turbines à combustion) biomasses pour gérer l’ultra pointe de demande. Les renouvelables intermittents ne contribuent que de manière temporaire, le temps que les capacités nucléaires et de STEP soient construites, et ne sont pas renouvelés au-delà de leur durée de vie, estimées à 40 ans. Les STEP sont le seul moyen de stockage d’énergie mis en œuvre (pas d’hydrogène ou de batteries). Sur le plan économique, si le financement des infrastructures et leur calendrier de construction est raisonnable, le coût du kWh sera également raisonnable.
Les auteurs reconnaissent qu’accroître significativement les STEP se heurterait à des difficultés puisque pour accueillir les 8 TWh prévus par le scénario, il est estimé qu’il faudrait déplacer environ 12 000 personnes. Ceci étant les auteurs pensent que ce scénario constitue une meilleure solution pour le climat et pour la sauvegarde des ressources naturelles.
Ce scénario a donc toutes les qualités et toutes les limitations d’un scénario extrême. Il a le mérite de prendre le contrepied de la vision souvent entendue « le nucléaire en transitoire vers du 100% renouvelable » en proposant au contraire « le renouvelable intermittent en transitoire vers du quasi-tout nucléaire ». Il a le mérite également de rappeler que toutes les technologies à développer (hydrogène, capture du CO2, SMR, etc…) ne seront peut-être pas au rendez-vous et qu’il peut être prudent de se prémunir sur un temps long contre d’éventuelles tensions internationales, que ce soit sur l’accès aux matériaux critiques ou dans les relations entre voisins.
Electricité, les renouvelables font flamber les prix ! (06/02/2023)
Résumé: les prix de l'électricité n'ont pas attendu la guerre en Ukraine pour grimper. C'est l'OBLIGATION D'ACHAT, ce privilège accordé à l'éolien et au photovoltaïque depuis quinze ans, qui a fini par détraquer le système électrique européen. Certes, en les soustrayant ainsi provisoirement aux règles de la concurrence libre et équitable tout en les subventionnant généreusement, on a permis à ces deux énergies prometteuses de devenir plus compétitives et de se développer. Mais ce développement à marche forcée des renouvelables s'est accompagné en Europe d'une réduction des capacités pilotables de production électrique, avec deux effets: (i) l'un climatique (tantôt positif, lorsque cette réduction a fait baisser les émissions de CO2; tantôt négatif dans les cas inverses), (ii) l'autre effet étant la profonde dégradation du marché de l'électricité et son cortège de dysfonctionnements: volatilité, pénuries, risque de coupures, hausse des prix.
Voyons plus précisément pourquoi..
L'obligation d'achat c'est quoi ?
C'est le (passe)droit, accordé aux producteurs d'énergies renouvelables variables, de pouvoir injecter leur électricité sur le réseau sans aucune restriction temporelle, commerciale ou technique (au gré du soleil et de la météo, indépendamment de la demande du marché et de l'état de stabilité du réseau - en tension et fréquence).
En pratique, cette électricité fatale est achetée par des opérateurs désignés, comme EDF en France, et bénéficie d'un complément de rémunération ou d'un tarif incitatif garanti. Des taxes citoyennes sur les carburants et l'électricité - parfois dites "taxes gilets jaunes" - remboursent ensuite EDF du trop payé.
A l'inverse, les productions électriques pilotables sont tenues à chaque instant de s'ajuster (à la baisse ou à la hausse) aux demandes du marché et à celles des gestionnaires du réseau. Elles assurent donc aujourd'hui une tâche supplémentaire ingrate: la compensation des sautes d'humeur des productions intermittentes.
On est bien loin du principe de l'équilibre offre/demande, libre et concurrentiel, dont l'Europe rêvait pour garantir aux consommateurs des électrons disponibles à tout moment et à bas prix.
L'obligation d'achat pour quoi faire ?
Rappelons que c'est la lutte contre le réchauffement climatique qui devait guider la "transition énergétique" vers un avenir moins carboné (et plus électrifié). Mais l'Europe, n'échappant pas aux pressions de puissants lobbies, a parfois confondu l'objectif (émettre moins de CO2) et les moyens.
En réservant l'obligation d'achat aux seules productions fatales intermittentes, elle a provoqué le remplacement de capacités électriques pilotables (ne bénéficiant pas de l'obligation d'achat) par des non pilotables (solaires et éoliennes), avec des effets mitigés sur le climat, et délétères sur le marché électrique.
Comme prévu, les effets climatiques sont positifs dans les pays où photovoltaïque et éolien ont permis de réduire l'utilisation des capacités électriques fossiles, émettrices de CO2.
Mais dans d'autres pays les renouvelables se sont en partie substitués au nucléaire (arrêt de Fessenheim en France, sortie du nucléaire en Allemagne), avec des conséquences alors contre-productives sur le climat, car éolien et solaire sont malheureusement plus carbonés que le nucléaire [1].
Mais indépendamment de ces efficacités climatiques inégales, l'obligation d'achat a surtout eu des conséquences graves sur le marché électrique en modifiant la structure de l'offre.
Devenu hybride, c'est à dire mêlant producteurs concurrentiels (qui sont normalement la règle) et acteurs renouvelables prioritaires et subventionnés, le marché européen est tombé petit à petit en ruine, entraînant difficultés et parfois faillites chez des compagnies électriques jadis florissantes.
Rappelons comment se forme le prix de l'électricité ( cf graphique):
Contrairement à une idée erronée, le prix européen de l'électricité n'est pas "indexé" sur le gaz.
Sur un marché électrique sain et concurrentiel, pour un niveau donné de la demande, le prix spot se forme à chaque instant en empilant, par ordre de leurs mérites, les moyens de production disponibles, en commençant par les moins chers jusqu'à ce que l'injection soit égale au soutirage, l'électricité n'étant pas stockable .
Or, aujourd'hui cet ordre du mérite a dû céder la première place aux productions "fatales" intermittentes dont la priorité d'injection sert de "coupe file" en leur conférant un coût marginal nul.
Résultat: chaque fois qu'un coup de vent ou de soleil sur l'Europe inonde le marché de ces kilowattheures "prioritaires", leur obligation d'achat impose aux autres producteurs d'électricité une obligation d'effacement équivalente.
Un symptôme inédit de ce marché devenu fou a même fait son apparition: les prix négatifs. Lorsque vent et soleil conjuguent leurs excès en période de faible demande, les prix spot peuvent devenir négatifs, obligeant les producteurs pilotables à arrêter leurs usines. Un objet dont le prix est négatif - ce qui revient à payer pour s'en débarrasser, comme ces électrons renouvelables inutiles, ne s'appelle-t il pas communément un déchet ? Ainsi on a vu EDF obligé d’acheter à la Suisse l’effacement d’une surproduction (ça s'appelle céder le beurre et l'argent du beurre).
Le parc renouvelable prenant de l'ampleur, ces effacements intempestifs répétés ont dégradé la rentabilité des productions pilotables et dissuadé les nouveaux investissements non aidés. Le dysfonctionnement inverse est alors apparu : la hausse généralisée des prix !
En effet, quand les moyens de production pilotables bas carbone et bon marché deviennent insuffisants (comme c'est le cas après dix ans de dérèglements et de désinvestissements [2]), le marché doit, pour satisfaire la demande (voir graphique), faire appel aux installations non-rentables, ou aux plus polluantes (comme le charbon à forte taxe carbone, ou le gaz dont le cours a flambé). C'est donc le coût marginal
élevé de ces centrales fossiles d'appoint, celles qui fournissent les derniers électrons équilibrant offre et demande, qui fixe le prix de marché de la totalité de la tranche horaire.
Note: si le marché affichait un prix plus bas, ces moyens d'appoint produiraient à perte, ou ne seraient tout simplement pas démarrés, au risque de provoquer le blackout redouté.
Depuis fin 2020, le prix moyen du "marché à terme" a donc fini par s'orienter à la hausse (plus de 400 euros/MWh pour un "ruban 2023 de consommation constante sur 12 mois "), tiré par un marché spot au-dessus de 1000 euros/MWh certains jours. Finies les deux confortables décennies de prix inférieurs à 50 euros/MWh !
Amplifiés par la crise du gaz russe, ces prix hauts jamais vus font aujourd'hui le malheur des consommateurs ... mais la fortune des gaziers, et aussi des traders français d’électricité ARENH (qui sont autorisés à piller EDF et le consommateur français en arbitrant entre l'ARENH et le marché).
La France, un exemple caricatural de mauvaise gestion énergétique nationale et européenne
En une décennie notre pays a abandonné 11 gigawatts de capacités électriques thermiques pilotables (pourtant précieuses et mobilisables lors des pointes hivernales), passant de 92,2 GW [3]en 2011 à 81,5 GW [4] en 2021 (soit dix ans et 100 milliards d'euros de taxes et subventions aux ENRi plus tard).
Résultat, après avoir été le plus gros exportateur mondial d'électricité pendant 20 ans, notre pays subit une montée inexorable des prix et une pénurie d'électrons pilotables aux heures de pointes. La France ne sait même plus maîtriser ses TRV - tarifs régulés de vente ; basée hier sur nos coûts de production stables et bas, leur formule est aujourd'hui en partie indexée sur le marché.
Notre pays, qui n'a pas connu de panne depuis le 19 décembre 1978, craint maintenant des coupures d'électricité, et n'a d'autres solutions que les importations d'électricité et, pire, les effacements, forcés ou négociés, qui réduisent un peu plus la production des entreprises déjà au plus bas dans le désert industriel qu'est devenu notre pays !
Pour mettre fin à la hausse des prix de l'électricité abolissons le privilège de l'obligation d'achat |
Aux armes citoyens et consommateurs ! Demandons l'abolition de ce privilège féodal qu'est l'obligation d'achat ! Sachons rectifier nos erreurs et retrouver notre souveraineté électrique. Éolien et photovoltaïque ont bénéficié durant quinze ans de l'obligation d'achat, ainsi que de nos taxes et subventions (des centaines de milliards d'euros). Il est temps désormais de placer ces deux énergies prometteuses dans le "grand bain" des réalités énergétiques, où elles doivent finir de s'émanciper pour apporter enfin aux citoyens qui les ont financés les bénéfices attendus. Pour ça, demandons un MORATOIRE SUR L'OBLIGATION D'ACHAT [5]. Éolien et photovoltaïque en bénéficient depuis trop longtemps. Rétablissons une électricité durable, équitable et bon marché, dans un système européen assaini où chaque source d'électricité se repositionnera, comme jadis, selon ses mérites techniques, économiques et climatiques. Certes les producteurs et fournisseurs photovoltaïques et éoliens devront se doter de moyens de stockage ou de production pilotable complémentaires, afin offrir à leur clients (ou à eux mêmes pour les auto-consommateurs) une électricité qui satisfasse enfin la demande en temps et quantité [6]. Ce sera la contrepartie légitime du trésor financier que les contribuables leur ont avancé par leurs taxes et subventions. Juste retour des efforts consentis par les producteurs d'électricité décarbonée pilotable, c'est le prix à payer par les opérateurs renouvelables pour devenir à leur tour durables, utiles et vertueux pour nos économies et pour le climat.
Jean-Luc Salanave, le 5 février 2023
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Note: le GIEC affiche une moyenne mondiale de 12 grammes de CO2 par kWh nucléaire, plus élevée que la France qui bénéficie d'une électricité décarbonée à 90% pour ses activités nucléaires domestiques.
[2]. Pas moins de 18 réacteurs nucléaires (18 GW) auraient dû être construits progressivement au cours des 20 dernières années pour que la France soit capable de pourvoir aux pointes journalières de consommation d'hiver sans importer d'électricité carbonée de ses voisins ni démarrer ses propres capacités fossiles de production électrique polluante (sur rte-france.com/eco2mix ce déficit de 18 GW est observable en moyenne depuis au moins 5 ans).
[4]. France (2021), capacité de production électrique thermique pilotable 81,5 GW: nucléaire 61,4 GW; fuel 3,3 GW; gaz 12,8 GW; charbon 1,8 GW; thermique renouvelable 2,2 GW (en dehors du thermique, l'hydraulique représentait 25 GW , éolien + PV 32 GW) - source RTE .
[5]. Si cette mesure européenne est pour nous prioritaire, d'autres mesures nationales sont urgentes: la France doit (1) abandonner ses TRV (tarifs régulés de vente) ou, à défaut, revenir à une formule qui ne soit plus indexée sur le prix de marché mais sur ses seuls coûts internes de production électrique et (2) abandonner l'ARENH ou, à défaut, le consacrer non plus aux spéculateurs et fournisseurs alternatifs, mais, directement et sans intermédiaires, aux PME et consommateurs français, qui bénéficieront enfin des 42 €/MWh dont ils sont "propriétaires" pour avoir financé depuis 40 ans le parc nucléaire.
[6]. Les "périmètres d'équilibre" constituent le dispositif qui permet à un au plusieurs producteurs, fournisseurs ou traders complémentaires de se constituer en "responsable d'équilibre" sur le réseau électrique, pour gérer un ensemble de points d'injection (productions) et soutirage (clients) en assumant la responsabilité de l'équilibre offre/demande.
Un Nucléaire durable : les réacteurs rapides (01/02/2023)
Public et politiques perçoivent de moins en moins confusément que le remplacement des énergies fossiles passe par un déploiement electronucleaire. Mais il n'y aura pas de durabilité pour cette filière sans l'élégante solution des surgénérateurs.
Voici pourquoi il y a urgence a ce que la France soit de nouveau active dans cette aventure.
Eléments de contexte:
Pour l’heure, l’énergie, à 80 % carbonée, qui anime le système mondial, est passée du simple au double ces 40 dernières années, à un pas annuel proche de 2%, une progression irrésistible qui s’appuie sur une démographie toujours en expansion (8 Mds d’âmes aujourd’hui, 10 pour les années 2050) et qui s’urbanise à tout va (effet majorant) : l’accroissement des émissions CO2 a été de 45% depuis l’année 2000!
Il est pourtant bien désormais admis que l’atténuation des conséquences potentiellement létales, pour l’humanité, du réchauffement climatique, passe par un abandon des énergies fossiles et ce à plus brève échéance possible.
Nous sommes donc bien confrontés à une problématique du comment faire, tant, manifestement, l’affaire est énorme.
Electrification décarbonée
On pourra sans doute faire un tri dans nos consommations en vue de réductions (attention cependant à l’effet rebond*) mais une évidence reste : le monde aura besoin de beaucoup d’énergie pour que l’humanité puisse pallier à son environnement dégradé.
Une seule issue : avoir de plus en plus recours à une électricité dont la production n’émettra pas de gaz à effet de serre, une électricité décarbonée. Il est ainsi recommandé d’accroître la part de cette énergie dans le mix énergétique mondial (environ 7 % aujourd’hui) jusqu’à atteindre 50 % dès 2040...
Faute de grande possibilité d’expansion des barrages, seuls restent en lice, les autres renouvelables et le nucléaire.
Dans cette logique, insensiblement, les états sont de plus en plus nombreux à investir dans cette dernière alternative (au premier rang, la Chine avec un objectif de 179 réacteurs), suscitant une vague de grande ampleur.
Nouvelle problématique nucléaire
Depuis un premier pic d’expansion durant les années 70-80 et malgré de remarquables exploits techniques, l’énergie nucléaire a connu une suite de petits hauts et de grands bas. Matraquée par une communication singulièrement efficace à chaque accident de centrale, elle s’est néanmoins maintenue à bas bruit, générant 10 % de l’électricité mondiale.
La vague actuelle diffère des précédentes en ce que, précisément, elle ne concurrence plus la redoutable et omnipotente industrie carbonée mais la remplace. D’autre part son alternative renouvelable a de très grandes faiblesses structurelles qui lui empêchent d’être un substitut à 100 % sur les réseaux électriques : son intermittence, son emprise au sol et sa consommation élevée de ressources naturelles.
Pour la première fois dans l’histoire de l’énergie, le nucléaire est devenu incontournable!
La solution « rapides »
Certes l’objectif 50 % électrique décarboné ne pourra jamais être atteint en 2040 mais, les évidences du réchauffement s’accumulant, une forte dynamique de construction de centrales s’est résolument mise en place. Pour fixer les ordres de grandeur en jeux : la proportion électronucléaire resterait-elle à 10 % que l’objectif 2040 signifierait multiplier par 2,5 le parc actuel (444 réacteurs).
Sans être grand clerc, attendons-nous donc à subir dans les prochaines décennies des tensions sur le marché de l’uranium. Un changement majeur dans l’optimisation des ressources fissiles va être nécessaire,
Cette optimisation a une clé : les réacteurs à neutrons rapides( RNR) qui permettent de récupérer la totalité du potentiel énergétique de l’uranium alors que la filière actuelle(à neutrons lents) ne s’intéresse qu’à la seule composante isotopique 235 ( limitée à 0,7% de l’uranium total).
Conclusion corollaire à la vague actuelle : l’arrivée massive des RNR au tournant du siècle est inéluctable,
Remarquons que pleinement conscients de cette réalité, Chine, Russie et Inde investissent activement dans cette filière : ils seront prêts...
Le cas français
Le nucléaire français fut pionnier dans le domaine des RNR avec Superphenix.
Dans un contexte d’uranium abondant, un simple joint néoprène défectueux, Tchernobyl et surtout les premiers états d’âme de la classe politique lui furent fatals en 1998. Depuis, dilapidant délibérément une avance de 20 ans et une infrastructure propice, l’action publique s‘est employée à en parachever l’hallali en arrêtant, il y a peu (2019) le dernier projet qui cristallisait encore notre savoir faire en la matière sous le beau nom d’Astrid.
Le Retour
Il semble que la France ait de nouveau accepté la réalité du monde et retrouvé la voie de la raison. Désormais, dans un esprit de recherche de l’excellence nous avons décidé, avec la bénédiction de l’opinion (70 % favorable) de relancer notre industrie électronucléaire.
Mais un paramètre semble faire défaut à cette vertueuse renaissance : l’indépendance énergétique.
En avant goût du recul de la mondialisation sous pression climatique, la crise Ukrainienne nous en a pourtant démontré l’importance. Sommes-nous vraiment sûrs en la matière ?
Dans le domaine nucléaire, les seules garanties de cette indépendance sont les RNR.
Nous avons encore la matière grise, nous détenons dans le recyclage et le retraitement une mine de savoir faire et de structures à cet effet, unique : L’usine de La Hague est la seule usine de retraitement en opération du monde occidental. Nous avons également des stocks importants d’uranium appauvri pour nourrir ces réacteurs.
Ne nous contentons pas de réussir les EPR mais relançons dorénavant et sans tarder la filière Rapides dont nous et l’Europe aurons besoin demain. De grâce, ne laissons pas perdre cette richesse !
Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)
Dans ces domaines, rien ne peut se faire sans des engagements raisonnés sur le long terme.
La Programmation Pluriannuelle de l’Energie ou PPE est un premier pas dans cette direction.Elle devrait être refondée avant juin prochain, La loi Climat Energie passe en Juin au parlement.
Non seulement pour cette nouvelle donne, faut-il en finir avec la fermeture des réacteurs prévue sous le mandat Hollande, mais aussi remettre en place les conditions d’une filière Rapide avec pour objectif, non seulement un réacteur mais toutes les infrastructures du cycle du combustible qui lui seront indispensables. A cet effet, il faut remobiliser le CEA et ses capacités de R &D, redonner vigueur à sa vocation premièree : l’atome au service de tous.
La mise en place de la filière RNR prendra du temps : Il est urgent de nous y atteler.
*Effet rebond : une amélioration technologique peut induire un changement de comportement de l’utilisateur qui au final annule les gains que l’on escomptait tirer de l’innovation. Ainsi l’amélioration de la sobriété des moteurs s’est finalement traduite a l’échelle européenne par une augmentation des émissions de CO2 liées au transport : l’utilisateur a tiré parti de la moindre consommation intrinsèque pour rouler plus.