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Idée reçue sur les déchets nucléaires

Déchets nucléaires, un problème non résolu:

Les déchets constituent un point sensible de l’acceptation de l’énergie nucléaire par la population. Ce qui est craint est la permanence de leur dangerosité et le caractère insidieux de celle-ci, qui n’est pas détectable par les sens humains. La capacité à les isoler sur le long terme est mise en doute. Enfin, le coût de leur stockage est jugé ‘’pharaonique’’. C’est à partir de ces préventions que les opposants propagent l’idée que les déchets nucléaires constituent un problème non résolu. Qu’en est-il réellement ?

La radioactivité, indétectable ?
Oui, par les sens humains. Mais le risque radioactif est loin d’être le seul à ne pas être détectable par les sens humains. De nombreuses substances toxiques sont sans goût ou sans odeur, tel l’oxyde de carbone, on respire les particules fines sans s’en apercevoir, sans parler des bactéries ou autres virus que nos sens ne savent – malheureusement - pas détecter. C’est psychologiquement important, c’est un problème de formation à la perception des risques, ce n’est pas une raison décisive pour craindre plus que les autres le risque radioactif particulièrement bien maitrisé et surveillé par ailleurs.
Ceci d’autant plus que la radioactivité est facilement détectable par des instruments assez simples qui sont extrêmement sensibles. Ils permettent depuis des années de quantifier quasi instantanément avec une incroyable sensibilité des doses infinitésimales, jusqu’à des valeurs ridiculement faibles, très largement inférieures à la radioactivité naturelle, ce qui permet de se protéger des rayonnements s’ils sont trop élevés.

Des déchets éternels ?
Eh bien non, pas du tout pour ce qui est de leur nocivité. Car vis-à-vis de la durée, les produits radioactifs ont une particularité : ils se détruisent par leur désintégration, ce qui diminue leur radioactivité, et ils se transforment en produits stables au bout d’un temps qui peut être long pour certains d’entre eux, à la différence de la toxicité des déchets chimiques qui peut se maintenir éternellement. Ils disparaissent d’autant plus rapidement qu’ils sont plus radioactifs. Ceci se comprend aisément (plus élevé est le débit, plus vite la source se tarit). On caractérise la radioactivité par "la période", c'est la durée au terme de laquelle la radioactivité a diminué de moitié. Ainsi au bout de 10 périodes, la radioactivité a été divisée par 1024 (2x2x2…x2 dix fois de suite).

 

On donnera deux exemples :

  • Ruthénium 106, période : ≈1 an; après 10 ans, la radioactivité est divisée par 1000. Ainsi 99.9% du produit est devenu stable et inoffensif radiologiquement. On est loin de l’éternité !
  • Iode 129, période : 15.7 millions d'années, donc désintégration extrêmement lente ! Très faible radioactivité et donc faible nocivité dès l’origine qui continue à diminuer lentement avec le temps.

La radioactivité des déchets nucléaires, qui contiennent un mélange d’isotopes radioactifs, diminue donc au cours du temps jusqu’à ce que la quantité des éléments les plus radioactifs devienne négligeable pour ne concerner à long terme que les moins actifs, donc les moins nocifs qui sont les seuls à subsister.

Le stockage, sans solution ?
Non ! Une solution a été définie pour tous les déchets nucléaires de l’industrie électronucléaire aussi bien que pour ceux d’autres origines (médecine, recherche, industrie). La fonction d’un stockage de déchets radioactifs est très différente de celle d’un stockage de déchets conventionnels (solvants usagés, vieilles batteries, hydrocarbures, produits chimiques toxiques ou dangereux pour l’environnement ou la santé - tels que les perturbateurs endocriniens, etc.) qui doit isoler ces produits de l’environnement de manière constante pratiquement sans limite de temps, ce qui peut difficilement être garanti.

On demande seulement au stockage de déchets radioactifs de retarder le cheminement des matières actives vers l’environnement et la biosphère (nappes phréatiques, atmosphère, cultures) pendant le temps nécessaire pour que leur activité soit affaiblie au point que leur nocivité soit suffisamment faible lorsqu’ils peuvent atteindre cet environnement, ceci en prenant des marges considérables. La toxicité des déchets électronucléaires français devient, après moins de 10 000 ans, inférieure à celle de l’uranium naturellement présent en quantité dans tous les sols et tous les océans.

Pour mettre en œuvre ce principe, on a établi pour les déchets radioactifs deux types de stockages. On a défini un stockage de surface pour les produits de faible activité dont la période ne dépasse pas 30 ans. On considère qu’on sait construire des ouvrages qu’on saura entretenir et surveiller pendant 300 ans (10 périodes) au terme desquels la radioactivité contenue sera négligeable. Cette solution est mise en œuvre depuis plus de 50 ans dans plusieurs centres de stockage français (dont le Centre de Stockage de l’Aube, photo du titre). L’expérience montre que de nombreux ouvrages architecturaux français sont toujours intègres et opérationnels après 300 ans (Château de Versailles, canaux du Loing, de Briare et d’Orléans, phare du cap Fréhel, etc.), d’autres après beaucoup plus longtemps encore, ce qui montre bien que cette durée ne pose aucun problème.
Pour des produits de forte activité ou de période plus longue, pour lesquels il est plus difficile de garantir la pérennité des installations de surface et de leur surveillance, on définit des stockages profonds. Les déchets y sont conditionnés par incorporation dans une matrice vitreuse inerte, mis en conteneurs, eux même placés dans des alvéoles métalliques ou bétonnées, le tout installé dans des couches géologiques d’argile situées à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Ces dispositions garantissent de manière totalement passive un retard suffisant du retour potentiel de la radioactivité à la biosphère ne nécessitant aucune surveillance. C’est le principe très clair et très simple du stockage CIGEO, en cours de réalisation dans des couches argileuses qui sont en place depuis plus de 150 millions d’années dans l’est de la France et dont rien ne permet d’anticiper une évolution dans les quelques centaines de milliers d’années qui viennent. Cette durée est largement suffisante pour permettre à la décroissance de ramener la radiotoxicité à des valeurs négligeables.

Le modèle de la nature

Pour contrôler la migration et le retard, on s’appuie sur des mesures, des expérimentations et des simulations, et aussi sur l’expérience de la nature. 

On a en effet découvert qu’au Gabon, à Oklo, des réacteurs nucléaires naturels tout à fait analogues à ceux qui sont utilisés pour produire de l’électricité s’étaient spontanément amorcés il y a 2 milliards d’années et avaient fonctionné à faible puissance pendant plusieurs centaines de milliers d’années, en produisant des déchets radioactifs restés sur place dans l’argile.

Les analyses ont montré qu’on retrouve les produits stables de désintégration de ces déchets pratiquement à l’endroit où ils ont été générés, sans qu’il ait été nécessaire de les conditionner ni de les mettre en conteneurs. La durée de rétention de près de 2 milliards d’années constatée dans l’argile à Oklo est largement surabondante, même pour les éléments radioactifs de très longue période, pour valider le principe de la conception du stockage profond en couche argileuse. Ceci d’autant plus que les déchets de haute activité de CIGEO sont incorporés dans u

ne matrice vitreuse pratiquement inaltérable tout à fait analogue au modèle de l’obsidienne naturelle qu’on peut trouver dans les sols de notre planète.
Les déchets sont ainsi mis sans surveillance à l’abri de toute perturbation environnementale ou météorologique, sociétale et de malveillance, ce qui ne serait pas le cas si le stockage était établi en surface.

Envahis par les déchets nucléaires ?

Certainement pas. Au contraire, la conception des stockages est facilitée par la faible quantité de déchets générée par la production d’électricité. La production nucléaire française génère chaque année (valeurs 2000) 40 000 tonnes de déchets de surface et 200 tonnes de déchets destinés au stockage profond, à comparer aux 18 millions de tonnes de déchets industriels spéciaux définitivement toxiques à enfouir de manière pérenne dans des C.E.T. (Centre d’Enfouissement Technique) sans compter les plus de 500 millions de tonnes de déchets « classiques » déversés dans des décharges à ciel ouvert ou calcinés. On ne tient pas compte, dans ces quantités, des millions de tonnes de cendres de charbon qui ont été étalées à l’air libre ou dispersées par les cheminées. Elles contiennent des éléments chimiques toxiques et des éléments radioactifs naturels.
L’emprise en profondeur d’un stockage unique de déchets nucléaires, même très dispersés dans ce stockage, est incomparablement plus faible que celle prise en surface par l’ensemble des C.E.T. français et son emprise en surface ainsi que son impact sur l’environnement sont extrêmement faibles, en tout état de cause incomparablement plus faibles que ceux de tous les stockages des autres déchets. L’arrêt éventuel de la production d’électricité nucléaire n’éliminerait pas la nécessité du stockage pour les déchets déjà produits.

Un coût démesuré ?
Non, à la dimension du sujet, simplement. Le coût du stockage profond fait apparaitre des valeurs qui peuvent apparaitre impressionnantes. Pour remettre les choses en perspective, il faut considérer que les travaux s’étaleront sur une période d’une centaine d’années (moins cependant que l’âge de la Tour Eiffel !) entre le début des travaux, la fin du remplissage et la fermeture, et surtout, que les déchets qui seront stockés correspondent à 50 ans de production d’électricité nucléaire française, soit environ 20 000 milliards de kWh. Le coût affiché de 25 milliards d’Euros pour le stockage profond, est jugé par certains ‘’pharaonique’’ et par d’autres sous-estimé. Rapporté à la production, il ne représente que 0.125 centime d’Euro par kWh. Nous payons déjà cette contribution, puisque la loi fait obligation aux producteurs de déchets nucléaires de financer et de provisionner la somme nécessaire à leur stockage, ceci au fur et à mesure de leur production. C’est ce qu’ils font en nous la facturant de manière indolore. La CSPE1 , que nous payons tous sur notre facture d’électricité, nous coûte 18 fois plus. La Cour des Comptes qui contrôle l’application de cette loi a considéré que la facture du consommateur ne serait pratiquement pas affectée même dans l’hypothèse où le coût du stockage viendrait à doubler.


Une activité techniquement incontrôlée ?
Aucune autre industrie ne gère ses déchets de manière aussi rigoureuse et responsable que l’industrie nucléaire. C’est l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) indépendante qui la contrôle de manière étroite en application d’une réglementation très exigeante fondée sur le Code de l’Environnement. Tous les déchets sont tracés dès leur production, caractérisés (leur composition chimique et isotopique est mesurée), conditionnés immédiatement après leur production2  suivant des procédés agréés, et placés dans des emballages eux-mêmes agréés et contrôlés, puis entreposés dans des installations autorisées par l’ASN. Ils partent ensuite vers le stockage, lui-même installation nucléaire autorisée ou à autoriser par décret après un processus d’autorisation long et complexe, ensuite inspectée régulièrement. Tout est documenté de manière extrêmement complète, on sait précisément pour chaque conteneur ce qu’il contient ainsi que la provenance de son contenu. La traçabilité est totale ! La situation est loin d’être aussi claire pour les déchets conventionnels dangereux, pour lesquels les manquements et les abus sont nombreux (pour l’amiante par exemple, pour laquelle des règles particulières s’appliquent, qui est souvent dissimulée ou abandonnée au mépris de toute sécurité).

Une activité dissimulée au public ?
La question des déchets a été prise en compte très tôt dans l’histoire de l’industrie électronucléaire. Elle est suivie par le Parlement, qui avait mis en place en 1981 une commission scientifique ayant dès 1982 émis un rapport très complet (rapport Castaing) toujours d’actualité. Il a depuis légiféré par trois fois sur ce sujet, en 1991, en 2006 et en 2016, après plusieurs débats publics. Il a statué, comme la plupart des autres autorités nationales et l’Union Européenne, sur le fait que la solution de référence est le stockage en couches géologiques profondes. Aucun CET n’est prévu à des profondeurs analogues. La loi de 2006, en précisant les échéances de la réalisation, a confirmé la responsabilité de l’ANDRA pour les études et la réalisation. Elle a également créé une Commission Nationale d’Évaluation (CNE) composée d’experts internationaux, chargée de suivre l’application de la loi en émettant chaque année un rapport public soumis à l’OPECST (Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) qui a jusqu’à ce jour validé tous les travaux. La CNE, dans son rapport annuel de juin 2019 a qualifié ‘’d’excellent’’ le site retenu pour CIGEO.

Un projet qui avance
Il s’agit donc d’un sujet parfaitement suivi au plan technique et démocratique, dont les risques sont contrôl
és et maitrisés.
Un laboratoire souterrain poursuit depuis le début des années 2000, sous les mêmes contrôles, l’étude de
la couche d’argilite située à environ 500 m de profondeur destinée à recevoir les déchets dans l’est du bassin parisien. Il doit confirmer ses caractéristiques et expérimenter les technologies nécessaires (forages, creusement, etc.).
Des prototypes de machines de manutention sont à l’essai. Les premières études de réalisation sont en cours à l’ANDRA sous le contrôle de l’ASN. Le dialogue établi entre celles-ci permet de trouver des solutions sûres à d’éventuelles questions encore ouvertes et à mener le projet vers son autorisation et sa réalisation sans précipitation, puisque les déchets sont en attendant entreposés dans des conditions tout à fait
sûres. La Suède et la Finlande progressent sur un chemin analogue (granite au lieu d’argile) en étant légèrement plus avancées que la France.

Pour conclure
Il est donc totalement faux de dire qu’il n’y a pas de solution pour les déchets nucléaires. Leur gestion, parfaitement encadrée et contrôlée démocratiquement aussi bien sur les plans scientifique et technique que sur le plan financier avance étape par étape avec détermination vers sa réalisation parfaitement maitrisée dans tous ces aspects.


Pour plus d'informations sur le sujet des déchets voir notre dossier thématique.

 

[1] La contribution au service public de l'électricité est facturée 2.25 c€/kWh ?

[1] Ce sont les seuls déchets à devoir respecter cette obligation.?

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UARGA : Union d'associations de retraités et d'anciens du nucléaire
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